Plus le temps passe, plus les langues se délient dans les couloirs
du palais présidentiel. Pour que les Frci deviennent Fanci, il a fallu
que la France rappelle Ouattara à l’ordre.
Il n’aimait pas les Fanci, pourtant l’un des plus
grands héritages d’Houphouët qu’il prétend vénérer. Dans ses campagnes
de déstabilisation de la Côte d’Ivoire, Ouattara s’offrait alors un
grand plaisir à appeler cette armée nationale, «l’armée de Gbagbo.»
C’est pourquoi au Golf hôtel, il baptise son armée Frci. A son arrivée
au pouvoir, c’est le nom qu’il donne à l’armée nationale. Avec lui,
plus de Fanci. On parle désormais de Force républicaine de Côte
d’Ivoire. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi. Car désormais au
pouvoir, il peut apporter les changements qu’il veut dans tous les
domaines de l’État de Côte d’Ivoire. Mais avec les Frci, il y a
problème. Car ils sont tout, sauf une Armée républicaine. Dans
l’histoire de la Côte d’Ivoire, jamais une armée n’a été autant
championne des exactions et des graves violations des droits de
l’Homme. Même l’horrible armée coloniale avec ses soudards baptisés
gardes de cercles n’a fait autant. C’est en plus la première fois que
le bon humour abidjanais baptise une armée d’une raillerie à
connotation ethnique de «Frères Cissé.» Mais là n’est pas véritablement
le problème. Même si chaque jour, les Frci multiplient les maladresses.
Au point de causer des soucis à leur géniteur.
Il se trouve qu’au-delà de leur chef suprême
abidjanais, cette armée devient aussi un problème pour la France. Cette
fois ce ne sont pas leurs nombreux impairs qui donnent des soucis à
Paris. Leur nouvelle appellation que l’humour ivoirien caricature
merveilleusement avec un style très au vitriole, n’est pas fait pour
plaire à l’Elysée. Pour la rue abidjanaise, le sigle Frci, c’est la
«France reprend la Côte d’Ivoire.»
Une belle caricature des visées impérialistes de
l’Empire sur le continent. L’Elysée est en plus régulièrement tenue au
courant par ses grandes oreilles à Abidjan, de l’opinion que les
Ivoiriens se font de la nouvelle donne. Paris prend alors l’affaire au
sérieux et décide de donner comme d’habitude, des consignes claires.
Lors d’un de ses nombreux voyages à Paris, Sarkozy ne manque pas
d’interpeller Ouattara à l’occasion d’une rencontre. Il lui demande la
signification de Frci. Quand Ouattara lui répond «Force républicaines
de Côte d’Ivoire», sa réponse ne fait pas attendre.
«Pourtant,
toi-même tu as un parti politique en Côte d’Ivoire qui s’appelle
Rassemblement des républicains. Mais est-ce que tu sais comment on les
appelle à Abidjan ? Nous avons les rapports de nos services sur place.
Les Ivoiriens appellent les Frci «La France reprend la Côte d’Ivoire.»
Je ne veux plus ça. Il faut changer ce nom et revenir à l’appellation
initiale de Fanci.»
A laissé entendre son ami président français qui ne
voudrait plus que le nom de la France soit associé à des visées
coloniales en Afrique. Message reçu cinq sur cinq par Ouattara qui
visiblement, n’avait pas le choix. Car malgré les coups bas, l’Empire
tient quand même à son honneur sur le continent. De retour à Abidjan,
le pouvoir applique à la lettre la consigne du parrain. Les Frci
prennent l’appellation Fanci au grand étonnement des Ivoiriens qui
jusque là, attendent des explications sur ce retournement du moins
spectaculaire de Ouattara. Car ce n’est pas ce qui était attendu.
L’impression qui se dégage aujourd’hui est que le pouvoir a opéré ce
changement contre son gré. Le nom a peut être changé officiellement.
Mais dans les faits, ce sont encore les Frci. Et cela, même au niveau
gouvernemental. Le ministre de la Défense, l’un des premiers
responsables de cette armée continue encore de les appeler Frci. Alors
qu’on suppose qu’il était au coeur de ce changement de nom. Lors de sa
dernière visite à l’ouest, il a continué de narguer les populations en
disant que les Frci c’est l’armée nationale par conséquent, elles se
devaient faire avec. Pourtant, les populations de l’ouest posaient la
question des exactions qu’elles subissent toujours de la part de cette
armée de Ouattara. Doit on se permettre tout parce qu’on est armée
nationale? Telle est la question qui lui est posée.
Heureusement que dans la conscience des Ivoiriens, les
Frci ne seront jamais les Fanci, même si telle est la volonté de
Sarkozy. Car il est su de tout le monde que les Fanci se sont taillé la
réputation d’une armée qui a intégré les valeurs républicaines. Ce qui
n’est pas le cas avec ces hommes de Ouattara.
Guehi Brence
Source: Le Temps
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