Même si Alassane Dramane Ouattara est l’ennemi de quelqu’un, il faut que ce dernier reconnaisse que le fils de Korogho est attaché aux valeurs démocratiques et républicaines. Sous d’autres cieux et sous le règne d’autres dirigeants, le Conseil constitutionnel aurait depuis longtemps changé de président, Laurent Gbagbo aurait été livré à la justice et on ne s’embarrasserait pas de scrupules pour le juger.
L’un des premiers obstacles juridiques qui se dressent sur le chemin du procès en Côte d’Ivoire de Gbagbo, c’est son statut d’ancien chef d’Etat. En plus de rendre spéciale la procédure, il se trouve que ce statut le rend membre de fait de la juridiction qui doit le juger. En effet, selon l’article 89 de la Constitution ivoirienne du 1er août 2000, "le Conseil constitutionnel se compose : (…) des anciens Présidents de la République, sauf renonciation expresse de leur part…". Une arête dont il faudra se débarrasser. Mais ce n’est pas tout. Ladite juridiction est sous le contrôle d’un de ses amis. Et s’il y a une personne par qui le drame ivoirien est déjà passé, c’est bien Paul Yao N’Dré, le président du Conseil constitutionnel ivoirien.
Le premier cas de conscience qui s’est posé à lui a été l’investiture en mai 2011 de celui-là même qu’il avait déclaré perdant à l’issue de l’élection présidentielle de décembre 2010, investissant alors Laurent Gbagbo. Sans peut-être le savoir, il enfonçait ainsi dans la boue, la tête de son ami Laurent. Quelques petits mois après, ce fut l’investiture de Ouattara par le même Conseil constitutionnel. A présent, face au cas Gbagbo, que va faire Paul Yao N’Dré ? Autorisera-t-il le jugement de celui qui l’a nommé le 8 août 2009 ? Boira-t-il une deuxième fois et jusqu’à la lie le calice ? Pourra-t-il épuiser sereinement les trois ans des six années qu’il doit passer à la tête de la juridiction ? Ou démissionnera-t-il ? En tout cas, pour une seconde fois, le scandale risque de passer encore par lui.
Considéré par certains comme le détonateur le plus explosif de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, Paul Yao N’Dré a de fortes chances de voir sa crédibilité, déjà fortement écornée, en pendre un sacré uppercut s’il autorise le procès de son compagnon. Mais un autre scénario peut se mettre en scène. En vertu des pouvoirs que lui confère la loi, Paul Yao N’Dré peut également faire obstacle à toute requête qui viendrait à être formulée contre l’ancien président ivoirien.
Dans ce cas, Alassane Dramane Ouattara serait victime de sa magnanimité et de son attachement au respect des règles républicaines. Quant à Paul Yao N’Dré, il aura alors cédé à sa deuxième tentation qui va sans aucun doute être la dernière.
© Le Pays : Abdou ZOURE
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