Le nouveau courrier
Quand on compare les initiatives prises par Laurent Gbagbo à sa prise de pouvoir pour ressouder le tissu social ivoirien et qu’on observe l’actuel chef de l’Etat, on est frappé par l’absence de véritable volonté politique qui caractérise, sur ce terrain, Alassane Ouattara.
Cent jours après la prise de pouvoir effective d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, les observateurs sérieux se sont fait une raison : le président du Rassemblement des républicains (RDR), que la presse occidentale n’a cessé de dépeindre comme une «victime absolue », n’a pas «l’âme d’un réconciliateur». Depuis sa prise de pouvoir, il n’a pris aucune initiative courageuse pour recoudre le tissu ivoirien profondément déchiré depuis plus de dix ans, en raison d’un conflit cristallisé autour de sa personne et de son ambition présidentielle. Arrivé au pouvoir alors que le ressentiment interivoirien était bien moins grand, son prédécesseur Laurent Gbagbo s’était distingué par des initiatives bien plus fortes. Et le comparatif est cruel… pour Ouattara.
Gbagbo fait revenir ses adversaires, Ouattara déporte et traque les siens
Arrivé au pouvoir en octobre 2000, Laurent Gbagbo a des raisons d’en vouloir à ses adversaires politiques. A Alassane Ouattara, qui l’a persécuté et l’a emprisonné, ajoutant à son martyre celui – déjà – de sa femme Simone, tabassée à mort, et de son fils Michel, à peine sorti de l’adolescence. Alassane Ouattara a également jeté ses partisans dans la rue pour «ramasser le pouvoir» avant même son investiture, occasionnant, des morts civils et militaires. Robert Guei, chef de la junte qui vient de laisser le pouvoir est responsable de la mort de centaines de partisans de Gbagbo, tués par ses milices au cours de la crise postélectorale.
Henri Konan Bédié est le président du PDCI, parti qui a symbolisé pour le FPI la persécution pendant de nombreuses années. Mais Gbagbo s’engage à faire revenir au pays Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Il rassure Robert Guei, qui quitte son refuge dans l’ouest du pays et crée son parti. Par la suite, il est tué dans des conditions mystérieuses, à l’occasion d’une des très nombreuses tentatives de coup d’Etat orchestrées par des «mains invisibles» contre le pouvoir Gbagbo. Juste après le ministre de l’Intérieur Emile Boga Doudou,
proche de Gbagbo. Mais sa disparition n’est pas une initiative délibérée du pouvoir exécutif, qui aurait pu le faire arrêter pour les crimes de ses troupes en octobre 2000.
Alassane Ouattara, qui a longtemps crié à l’exclusion, réagit paradoxalement par cette méthode dès qu’il arrive au pouvoir. Il ne fait pas que mettre aux arrêts son adversaire. Il organise une vaste opération de déportation de dizaines de cadres proches du chef d’Etat renversé. Les conditions de détention sont infernales. Le droit de visite inexistant. Des simples journalistes et cameraman, des syndicalistes... sont soumis à des traitements qui mettent leur vie en danger.
Réconciliation : Gbagbo fait appel à un opposant modéré... Ouattara à un soutien à qui il ne donne pas les moyens
Pour dérider l’atmosphère politique, Laurent Gbagbo, arrivé au pouvoir, met en place le Forum pour la réconciliation nationale. Il le confie à Seydou Elimane Diarra, considéré comme proche de l’opposition houphouétiste mais de bonne volonté, ayant assez d’entregent auprès d’Alassane Ouattara et d’Henri Konan Bédié pour les rassurer. Seydou Diarra met librement son équipe en place, les intervenants font souvent des critiques libres du pouvoir en toute liberté. Le Forum est un instrument de respiration nationale, mais l’élan est contrarié par l’intrusion des armes, dès septembre 2002.
De son côté, Ouattara confie la réconciliation à une personnalité de son camp, qui a fait campagne pour lui, qui est un cadre de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) comme lui, qui a été le Premier ministre de Laurent Gbagbo et qui l’a quitté dans de mauvaises conditions. Malgré cette proximité idéologique évidente, il traîne les pieds pour lui donner les moyens matériels, financiers et logistiques, de travailler, et même pour signer l’ordonnance de création de son institution. Pis, il se prépare à mettre en place une organisation concurrente, une Commission nationale d’enquête sur les violations des droits de l’Homme de ces derniers mois, dont il choisira – bien entendu – tous les membres, en donnant une impression cosmétique de diversité.
Gbagbo fait voter les lois d’amnistie, Ouattara met en place une “justice des vainqueurs”
Bien entendu, l’impunité n’est pas une bonne chose. Mais quand la punition risque de faire plus de mal que de bien au corps social en raison de la complexité de l’histoire nationale, un travail de mémoire sérieux mais ‘‘déjudiciarisé’’ apparaît comme le moindre mal. C’est ce que l’Afrique du Sud a fait, après la chute de l’apartheid et l’arrivée au pouvoir de Mandela. Les idéologues de la Commission Vérité et Réconciliation l’avaient compris : mettre en prison Pieter Botha, symbole de l’apartheid mais également de la «cause des Blancs» ou Winnie Mandela, icône d’une lutte antiapartheid qui n’a pas été exempte de dérives, auraient mis le feu aux poudres. Après le Forum pour la réconciliation nationale, Laurent Gbagbo a initié le vote d’une loi d’amnistie pour rassurer ses adversaires qui auraient pu être impliqués par le passé dans des atteintes à la sécurité de l’Etat, par exemple. Après les hostilités de 2002-2003, il a également encouragé le vote d’une loi d’amnistie, en dépit des prévenances des députés de son camp. Si Guillaume Soro est aujourd’hui en liberté et Premier ministre, c’est aussi en raison de la magnanimité de Laurent Gbagbo, qui a mis toute sa force à le réhabiliter.
Alassane Ouattara, sous prétexte de mettre fin à l’impunité, orchestre une justice des vainqueurs qui achève de diviser les Ivoiriens. Parmi les militaires et les agents du Trésor, il «frappe» avec minutie même les exécutants, épargnant ceux d’entre eux qui sont, au fond, de son bord. Mais dès lors qu’on évoque le devoir de punir ses proches pour les crimes dont ils se sont rendu coupables, il gagne du temps, évoque la Cour pénale internationale parce qu’elle prendra son temps, brandit Charles Konan Banny, invite Desmond Tutu, Kofi Annan et Mary Robinson, martèle sa détermination... mais ne procède à aucune arrestation !
C’est bien son attitude outrageusement partisane qui encourage les abus des FRCI à Abidjan, et qui permet à Morou Ouattara d’assumer complètement les mauvais traitements auxquels il a soumis les proches du président déchu, dont un ancien Premier ministre, à Bouna.
Source : LVDPG - Les News en Ligne - 24h /24
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