vendredi 5 août 2011

Mel Eg Théodore:Je suis loyal au président Laurent GBAGBO,être loyal n'est pas un crime contre l'humanité

par La Majorité Présidentielle Gbagbo, vendredi 5 août 2011, 06:38
Il compte parmi les admirateurs de l'ex-président déchu, Laurent Gbagbo. Cette admiration, Théodore Mel Eg ne le nie aucunement, même si le régime de l'homme sous lequel il aura servi à de hautes fonctions de l'Etat a basculé au moment où, lui, se trouvait en mission à l'extérieur. Toujours à l'étranger, l'ancien ministre d'Etat, dont le dernier portefeuille au gouvernement aura été les Sports et la Salubrité urbaine, a accepté de se prêter à nos questions. Dans cet entretien, il parle, sans détour, de tout, depuis la crise post-électorale jusqu'à la réconciliation prônée par le nouveau régime. 

Monsieur le ministre, depuis l'éclatement de la crise post-électorale, l'on n'a plus de nouvelle de vous. Où êtes-vous et que devenez-vous?

Je vais bien, je suis en bonne santé, je tiens d'abord à vous remercier de l'opportunité que vous m'offrez, pour saluer mes frères. Militants et sympathisants, mes amis, s'il en reste encore, et tout le peuple de Côte d'Ivoire avec qui nous continuons de souffrir mais également d'espérer que la raison habitera ceux qui ont aujourd'hui en charge la destinée du pays. Je continue de penser qu'il n'était pas utile de montrer autant de rancœur, d'animosité et de férocité envers des amis, voire des «frères» à moins que notre cohabitation et la compétition politique, telles que nous l'avions vécues pendant ces dernières années, ne nous aient enseigné que l'hypocrisie et la haine.

Vous étiez un proche de Laurent Gbagbo, auriez-vous subi des menaces?

Je refuse de considérer comme une tare, le fait d'être un proche de Laurent Gbagbo. C'est un homme courageux, digne et généreux, un homme de vision. Je ne regrette pas d'avoir servi à ses cotés. Je n'ai subi aucune menace, aucune intimidation ou du moins directement, car les Ivoiriens et ceux qui sont au pouvoir le savent parfaitement, je ne suis pas un « va-t-en guerre », je demeure un homme de vérité et de conviction. Rien ne pouvait justifier la furie qui s'est élevée contre moi, mon parti, mes proches et leurs biens. J'ai servi ce pays dès l'âge de 27 ans et bien que je ne me sois pas fait que des amis dans mon parcours d'homme d'affaires et d'homme politique, je considère que les faits actuels restent injustifiables et inadmissibles.



Pourquoi avez-vous choisi l'exil, avez-vous des reproches à vous faire? 

Je n'ai pas choisi l'exil, j'étais comme bien d'autres en mission à l'extérieur lorsque les évènements sont survenus. Je ne pouvais que marquer un temps d'observation avant de reprendre mon chemin, car il était important pour moi d'être sur place et de me réorganiser et de faire face à cette nouvelle donne. Mais hélas, la dégradation du climat social ne s'y prêtait pas. Vous parlez de reproches, je n'en ai pas à me faire. Etre loyal n'est pas un crime contre l'humanité, à ce que je sache. Je suis resté loyal à Bédié après le coup d'Etat de 1999, et j'ai quitté le PDCI parce que je ne voulais pas me soumettre à la forfaiture d'alors. Cela a déplu à beaucoup mais ce n'était pas un crime.



Comment avez-vous appréhendé la crise post-électorale?

Evitons de remuer le couteau dans la plaie, le débat n'est plus à la crise électorale, mais au fonctionnement de la justice et de l'Etat de droit, à la constitutionnalité des actes administratifs, à la réconciliation des Ivoiriens, au libre exercice de la compétition politique assortie des garanties sur l'intégrité physique et morale des citoyens...



Pouvait-on éviter cette crise ? 

Vous savez, nul n'est prophète chez les siens et l'écho finit par s'estomper, mais à chaque cercle, il laisse son signal. Cette crise était inévitable et nous l'avons vu arriver gros comme un sabot dans la « gueule ». Et dans ce cas de figure on l'affronte ou on l'esquisse, mais nous l'avons subie passivement, certes pour des raisons que seul le chef de bord savait.



Pour qui connait Mel Théodore, c'est son franc-parler. Pouvez-vous revenir un peu sur l'épisode des résultats du scrutin du 28 novembre et la suite ? 

Toute crise est la résultante d'un désaccord profond dans la résolution d'un processus. Quand il y a un désaccord en matière électorale, la solution et les procédures y afférentes sont dictées par la Constitution; elle peut et devait dans notre cas s'accompagner d'une résolution politique forte. N'oublions pas que nous essayions de sortir de «la crise de 2002» par des élections. Les multinationales avaient leurs choix, c'était le pot de terre contre le vase de fer!

On dit souvent qu'«un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès ».Nous voici aujourd'hui dans une situation indescriptible : on ne parle plus de rébellion, le pays est «occupé» par une armée étrangère et livré à des hordes de dozos etc. bien plus qu'avant les élections.



Comment appréciez-vous la manière dont les nouvelles autorités sont arrivées au pouvoir ? 

Il est constant que toute accession au pouvoir par la force des armes est inacceptable. La Côte d'Ivoire n'est pas une exception, quelle que soit la justification que l'on puisse en donner car la Constitution du pays est formelle sur le mode d'accession et d'exercice du pouvoir. J'aurais été favorable à une reprise du comptage ou des élections sur l'ensemble du territoire. Les motivations de ce coup de force sont maintenant connues, elles sont exogènes et dominatrices contre la volonté du peuple qui détient le mandat de la souveraineté. Mais le vin étant tiré, faut-il le boire jusqu'à la lie ? Nul ne peut y être contraint. Cependant un constat peut être dressé à la lecture du bilan des quatre derniers mois; il n'est pas reluisant. Administrations fiscale et territoriale parallèles, forces régulières désarmées humiliées et démobilisées au profit de bandes armées incontrôlables, plus de 2 millions de personnes encore réfugiées ou déplacées, les populations vivent encore dans un effroi sans borne, les cadres Lmp toujours traqués et débarqués, etc. C'est trop et trop long. 



Les premiers mots du président Alassane Ouattara, dès son arrivée, c'est la réconciliation des Ivoiriens. A quelle(s) condition(s) cette réconciliation serait-elle vraie ? Y croyez-vous ? 

Le slogan du président Ouattara était « vivre ensemble », je ne suis donc pas étonné qu'il mette en avant la réconciliation. Nous attendons de voir la volonté politique qui l'accompagne or la volonté politique ne peut être fondée que sur des actes. La réconciliation est un long processus qui demande un dépassement de soi par l'extinction des passions et des intérêts personnels. En l'occurrence, il s'agit de rassurer les Ivoiriens et de leur offrir une perspective de restauration dans leur dignité. La libération des prisonniers politiques dont le président Laurent Gbagbo, les mesures de clémence etc. sont des signaux forts qui touchent le cœur des gens et montrent la grandeur et la magnanimité d'un chef. Je crains que les différents cercles d'influence autour du Président Ouattara ne soient contraires à cette démarche. La réconciliation passe aussi par les feux de la vérité et je ne suis pas sûr que toutes soient bonnes à dire à entendre ou qu'elles ne soient que plus blessantes comme ce fut le cas pendant les auditions de la Commission Diarra Seydou. Ceci dit, je demeure persuadé que la réconciliation reste possible. Le plus dur sera de panser les plaies intérieures. Mais le président Houphouët a eu le mérite de l'entreprendre après les «prétendus complots».



Que pensez-vous de la personnalité qui incarne la Commission Dialogue-Vérité et réconciliation. 

Le président de la Commission est un bon négociateur. Il ne fait pas l'unanimité, je pense qu'il n'a pas les coudées franches; je doute qu'il obtienne de faire appliquer avec liberté certaines initiatives.



Réconciliation et poursuite judiciaire, votre avis sur ces procédures ? 

Je ne suis pas surpris, il fallait s'y attendre. Ce qui est surréaliste, ce sont les procédures. Je m'étonne que d'éminents juristes dont le ministre Ahoussou, d'habitude très conciliant, aient pu se laisser emporter par le tourment au lieu de la sérénité. Quelle justice et quel droit applique-t-on? Ayant été serviteur de l'Etat, membre de l'Exécutif, je crois que la sagesse doit nous guider et nous devons être les premiers à affronter le courroux du chef qui souvent attend de nous d'être pertinents et modérés. Je crois que mes amis du PDCI doivent garder la lucidité qui sied en pareille occasion. Ils sont détenteurs des leviers de la justice et de la réconciliation nationale, ils ont l'expérience des graves crises et l'époque d'Houphouët-Boigny, ils ont vécu le témoignage de Yacé Philippe, Commissaire du Gouvernement alors... Attention à qui porte le chapeau et qui tient le gourdin...



Votre avis sur la détention des cadres dits Lmp et les mandats d'arrêts lancés contre certains? 

Toute détention à caractère politique est par définition arbitraire et forcément inacceptable; alors je m'élève contre ces arrestations et tous les excès qui s'ensuivent.



Ne craignez-vous pas d'être aussi visé par ces mesures? 

Je suis un citoyen comme tout autre, et je ne saurais me soustraire de la justice si elle a des charges à mon encontre. A contrario, il reste entendu que les garanties constitutionnelles soient appliquées à tous. Je suis un ancien ministre d'Etat, et des dispositions légales existent pour de pareils cas. Si dans l'exercice de nos charges nous avons failli, il appartient à la Haute cour de justice d'engager les poursuites à la requête du gouvernement. Il ne tient qu'au gouvernement de la mettre en œuvre. Je suis député ivoirien, je suis couvert par une immunité parlementaire à moins qu'on nous dise qu'à compter de maintenant, il n'y a plus d'immunité. Alors je conviendrais avec d'autres, que la République est vraiment par terre. Mais j'ai foi en la Constitution de mon pays et j'appelle celui qui est chargé de la protéger à y veiller malgré le désastre politique et social que nous traversons.



D'abord que devient l'Udcy en votre absence? 

L'Udcy a été paralysée par les conséquences des évènements et nous n'avons pas été épargnés par les effets collatéraux. Je voudrais exprimer à tous ma très profonde consternation pour les pertes en vies humaines, la destruction et la spoliation de leurs biens. Notre siège est démoli et des squatters s'y sont installés au mépris du principe de la constitutionnalité de la protection des personnes et des biens. Le ministre de la Sécurité a instruit les personnes en charge de la question sur la libération des lieux, nous attendons la suite.



Pourquoi ne fait-elle plus d'activité? 

Les réunions se tiennent ailleurs, nous faisons actuellement l'inventaire de la situation et bientôt une déclaration de politique générale annoncera nos perspectives pour les années à venir. L'intérim de la Présidence est assuré par Monsieur Akossi Akossi Jacques et les membres du conseil Exécutif présents à Abidjan se réunissent régulièrement. Je profite de l'occasion pour appeler tous les militants à rester vigilants et mobilisés pour continuer selon notre crédo : Dieu, la nation et le citoyen



Auriez-vous posé vos préoccupations aux nouvelles autorités ? 

Je pense y avoir répondu précédemment. 



Les nouvelles autorités prévoient les législatives d'ici à la fin de l'année. Pensez-vous que cela soit possible? 

Il est souhaitable de les tenir au plutôt car les institutions doivent pouvoir fonctionner normalement, mais les conditions ne sont pas réunies. 


A quelle(s) condition (s) entrevoyez-vous ce scrutin? 

La liberté de circuler et de contribuer à la formation de l'opinion nationale sont un devoir des partis politiques et c'est un minimum qui malheureusement à l'allure ou vont les choses, n'est pas en mesure d'être réalisé.


Votre parti prendra-t-il part à ce scrutin? 

Bien sûr. 

Comment entendez-vous alors le préparer dans le climat actuel? 

Nous aviserons le moment venu, mais nous n'ignorons pas que la stratégie de nos adversaires politiques est de nous priver de voix à l'Assemblée nationale et cela ne saurait se réaliser selon leurs vœux. 

En votre absence, votre allié principal, le Fpi, traverse d'énormes difficultés notamment après le départ du Pr Mamadou Koulibaly, son dauphin président. Que dites-vous de ce départ? Une trahison, un acte de courage politique, une instabilité chez l'homme? 

Ce sont des affaires intérieures à un parti politique et encore une fois, la liberté démocratique exige certaines attitudes. Et le Fpi montre que ses militants sont les premiers bénéficiaires de cette conquête de liberté, ils n'en font pas une maladie, c'est tant mieux. 


Comment avez-vous appréhendé la création par lui, d'un parti politique? 

Plus il y a de fous et plus on s'amuse (rires) Soyons sérieux, c'est la preuve que si la liberté d'expression n'est pas bafouée, le paysage politique changera dans ce pays. 


A quand votre retour au pays et sous quelles conditions? 

Il fait trop froid au pôle sud, alors j'arrive. Voyez-vous, malgré les dommages de tous ordures que j'ai subis, malgré la satisfaction des jaloux et l'illusion des incompétents, je suis bien déterminé à rentrer et cela ne saurait tarder. Il n'y a aucune condition. C'est sans acrimonie et sans regret, je n'ai que servi mon pays. Je n'étais plus ministre, bref, j'ai toujours accepté les sacrifices pour la paix dans ce pays depuis dix ans et je ne m'y soustrairai pas. Dieu veille et nous gardons la foi. Qu'il nous pardonne et nous aide à accepter le sort qui est le nôtre. Qu'il nous bénisse tous.


Entretien réalisé par Félix D.BONY (L'inter)

Source : Facebook

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