mercredi 22 février 2012

Rétrospective dégrossie sur la Côte d’Ivoire


S’il fallait décrire un pan entier de la politique ivoirienne, l’on dirait entre autres, que Houphouët-Boigny 1905-1993 a fait un rêve inachevé d’une nation économiquement émergente pour son pays ; Laurent Gbagbo et sa Refondation ont voulu le parachever, certes avec une marge d’erreur, mais les héritiers houphouétiens, par cupidité, ont assassiné ce rêve.


Le rêve houphouétien

Au début des années des indépendances, la plupart des pays de l’ex-empire colonial français n’étaient pas des nations. Le pari était donc tentant dans le cas ivoirien, de transformer une soixantaine d’ethnies ou pré-nationalités de natures différentes, en un tout cohérent. Pour ce faire, il a fallu recourir au monopartisme frisant le régime despotique.



Sur le plan économique, le capitalisme d’Etat, choix des autorités d’antan, était le moindre mal. A un moment où il fallait neutraliser toute velléité de conspiration et abattre à la fois un travail économique titanesque, le rituel d’un gouvernement d’union nationale s’imposait. Ainsi, le président Houphouët-Boigny, non seulement nommait ses députés, mais également cooptait différents cadres du pays, selon leur région d’origine. Le résultat de tout ceci a été l’esquisse d’une nation en pleine formation, mais aussi d’un pays ayant du répondant économique. La Côte d’Ivoire était en marche vers la réalisation du rêve houphouétien. Certains ont baptisé cette ère « miracle économique ivoirien », tandis que d’autres y ont vu juste une croissance sans développement. A partir des années 1980, de gros soucis économiques ont commencé à ennuager l’horizon du miracle ivoirien. Le rêve du bâtisseur Houphouët-Boigny se brisa avec le concours des prédateurs tant Européens qu’Américains… A supposer ce développement économique effectif, il va de soi, que des ennemis ne feraient pas défaut à ce pays. Dans cette veine, on a beaucoup glosé… Bref, des imperfections ont été identifiées dans la réalisation du rêve houphouétien. Et c’est pour rectifier les malfaçons, eu égard à son programme de gouvernement, que la Refondation nous semble être arrivée au pouvoir.

Les erreurs de la Refondation.

Laurent Gbagbo est un guerrier non violent. Il a vite appris les arcanes du pouvoir et de la politique. Il avait vu juste quand il luttait pour que la démocratie pluraliste ait droit de cité dans notre pays. Son style de gouvernement poursuivit l’œuvre de formation de la nation ivoirienne. Cela refléta son électorat à travers toute la Côte d’Ivoire aux dernières présidentielles. Bien évidemment, puisqu’on ne peut cloner les idées, peu de gens de son entourage ont partagé exactement sa vision de la politique nationale et le rapport à la richesse. Une cacophonie se fit entendre dans les rangs de la Refondation. Le professeur Mamadou Koulibaly fustigea la Reb-fondation à cet égard. Ce fut ainsi la première erreur de Laurent Gbagbo de n’avoir pas su discipliner ses camarades pour les détourner de l’attrait des biens mal acquis. Même à la présidence, dans son environnement immédiat, il n’a pas su sévir pour empêcher les scandales à répétition.

Les propositions du Président Affi N'guessan pour un nouveau contrat social entre les ivoiriens

Sa plus grave erreur a été le peu de considération qu’il donnait à la réaction de la France dans la sinistre Françafrique. Les accords secrets entre Houphouët-Boigny et Charles De Gaulle ont permis à la France de protéger le régime d’Abidjan en novembre 1970 dans les évènements du Guébié. Ces mêmes accords existaient toujours et la France refusa d’intervenir contre la rébellion de septembre 2002. Le reste du temps, Laurent Gbagbo aurait dû en tirer les leçons idoines, pour ne plus se laisser surprendre par l’Hexagone. En clair, son régime n’étant pas du goût de la France, parce qu’il est trop nationaliste, il devait savoir qu’il était de ce fait, le régime à abattre. Sans prendre les Français, toutes tendances confondues, pour des ennemis, il devrait les surveiller comme du lait au feu.


Par ailleurs, ce que le camarade Laurent Gbagbo aurait dû faire pour éviter d’être débordé par la rébellion, c’est ce que lui montrent aujourd’hui, les tenants de la politique du rattrapage ethnique. Il avait toute la latitude de leur fermer définitivement la bouche et il n’y a jamais songé, parce qu’il croyait que la politique telle que vécue dans les grandes démocraties, était d’une génération spontanée. En réalité, il faut franchir au fil des ans, beaucoup d’obstacles. Cette lecture candide de la compétition politique a coûté dix ans de pouvoir à la Refondation à s’empêtrer dans une lutte pour ramener la paix envers et contre tout. Y avait-il meilleur sourd que celui qui ne veut rien entendre ? La rébellion savait où elle allait et ce qu’elle voulait.

La mauvaise réponse de la charte du nord

Houphouët-B. voulait un pays unifié en tant que nation. Il œuvra dans ce sens. Laurent Gbagbo qui est son alter égo le suivit dans cette voie. La seule fausse note entre les deux hommes fut que l’un ne voyait pas son pays émerger économiquement sans la France, tandis que l’autre pensait que son pays pouvait multiplier ses relations avec autant de bonnes volontés que possibles, à condition que cela se fasse d’abord au bénéfice des Ivoiriens. Or, le vieux président considérait d’abord les intérêts de la France avant ceux de la Côte d’Ivoire. Ainsi, si dans les années des Indépendances, cette solution françafricaine dont il fut l’instigateur était la meilleure, un demi-siècle plus tard, elle ne faisait plus recette. Seuls s’y accrochent, ceux dont la politique n’a aucune perspective.

A l’évidence, dans une nation, la gouvernance n’est pas tournante par ordre ethnique, sauf si la constitution l’affirme clairement ; ce qui n’est pas le cas en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, quand on se sent ostracisé par quelque politique, on bat le pavé pour protester, mais on ne prend pas les armes contre la république. D’un autre côté, la charte du nord prônait la sédition à peine voilée. Dès lors, l’ethnicisme rampant que l’on sentait venir, a fait irruption dans l’arène politique sous Alassane Ouattara, d’abord à la primature ensuite à la présidence de la république. Ceci révéla que cet homme est un pur produit de la Charte du nord. Ses proches l’ont proclamé urbi et orbi, de feu Lamine Diabaté au ministre Hamed Bakayoko. Aux dires des partisans nordistes du RDR (parti républicain), l’application de la Charte du nord a été accélérée par le fait que le pouvoir Bédié méprisait les nordistes. Toujours selon eux, Laurent Gbagbo ne dénonça pas expressément cette politique ivoiritaire, même s’il n’a pas humilié ces derniers. C’est ce qui nous fait dire qu’il y a eu une mauvaise réponse de la charte du nord à l’alliance entre Houphouët-Boigny et le patriarche Gon Coulibaly. Cet accord n’avait pas pour but de faire diriger la Côte d’Ivoire à tour de rôle par ethnies. Si Houphouët-Boigny s’était fait élire en 1945, et ce, à partir des populations du nord, c’était pour créer une nation forte du nord au sud et d’Est à l’Ouest. Voilà pourquoi, pour nous, la rébellion de M. Alassane Ouattara est un raté de la sédition de la charte de notre septentrion.

Pire que le côté extraverti de la politique houphouétienne dans ses rapports avec la France, La république des rattrapages ethniques nous ramène en arrière cinquante ans avant l’indépendance. M. Alassane Ouattara, l’économiste ultra libéral, nous sert un menu politique indigeste et illisible quant à la possibilité d’une émergence économique à plus forte raison, l’accession au rang de pays développé. Il est le seul homme supposé expert en économie à ne pas voir que la France d’avant 1960 n’est plus la même en 2012. Tendre la main à un pays dont l’avenir est hypothéqué comme la France, c’est se condamner à ne pas avancer. Enfin, abandonner à la France surendettée l’avenir de son pays, c’est faire un mauvais pari contre lui.

Julius Blawa Gueye

Source : Infodabidjan

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