La lutte continue au coeur même de la centrale de Fukushima pour tenter de maîtriser ses réacteurs. Les liquidateurs, véritables kamikazes de l'atome, travaillent jusqu'à l'épuisement.
Correspondance à Tokyo.
Ils ne sont plus que 180. On les surnomme les «liquidateurs» et ils sont le dernier espoir du Japon. Ces hommes bataillent depuis plus de dix jours sur la centrale de Fukushima, au péril de leur vie, pour tenter d'enrayer la catastrophe. Envoyés au front pour reprendre le contrôle de la centrale atomique, leur identité reste en grande partie un mystère jalousement gardé par Tepco, l'opérateur électrique de la centrale qui les envoie au front. Jeudi dernier, Tepco a évacué 750 des 800 travailleurs sur la centrale, face à l'ampleur de radiations. Le niveau de radioactivité provoquait des nausées immédiates aux abords de la centrale, forçant l'évacuation de la salle de contrôle. Pour tenir, un groupe d'irréductibles continue le travail par roulement, par groupe de 50, pour éviter une exposition prolongée qui pourrait être fatale. «Ils risquent leur vie», explique Olivier Isnard, expert à l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), envoyé à Tokyo par le gouvernement. «Ils sont prêts à aller à la mort», a reconnu le Premier ministre Naoto Kan.
«J'en ai les larmes aux yeux»
Sur Facebook et Twitter, les messages d'encouragement se multiplient pour appuyer ces nouveaux héros. «J'en ai les larmes aux yeux, lorsque je pense à eux», explique un officiel de l'Agence de sécurité nucléaire et industrielle japonaise. Depuis le début de la crise, ils doivent relever les tâches les plus dangereuses: d'abord ouvrir manuellement les vannes pour laisser s'échapper de la pression dans l'espoir d'éviter une explosion des réacteurs en surchauffe. Puis, arroser au plus près avec des pompes, ou des hélicoptères, les réacteurs et les piscines radioactives qui ont pris feu à plusieurs reprises, diffusant des radiations à l'air libre. «Il y a des risques de radiations ou d'explosion. Ma famille m'encourage à ne pas y retourner», explique l'un d'eux. Mais le devoir l'emporte.
Des pompiers menacés de punition
L'état de santé de ces hommes reste un sujet tabou, que Tepco refuse de dévoiler. L'entreprise a été prise régulièrement en flagrant délit de falsification en 2002 comme en 2007 et maintient le mystère pour ne pas démoraliser les troupes et le pays. Mais, leur nombre s'amenuise, chaque jour, sous l'effet de l'épuisement. Et les autorités ont dû réquisitionner des troupes fraîches dans l'urgence pour gagner la course contre la montre atomique. En imposant des méthodes fortes: les sapeurs-pompiers de Tokyo ont été menacés de «punition» par le ministre de l'Économie Banri Kaieda s'ils refusaient la mission d'arrosage de la centrale.
Antoine de Frontenex
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