Alassane Ouattara lors d'un discours,la semaine dernière, à Abidjan.
Par Alain Barluet
INFO LE FIGARO - Le nouveau président ivoirien a écrit à la Cour pénale internationale pour lui demander d'enquêter sur les massacres.
Que faire de Laurent Gbagbo, assigné à résidence dans le nord de la Côte d'Ivoire depuis son arrestation, le 11 avril dernier ? Alassane Ouattara a tranché en décidant de soumettre son ancien rival à la justice internationale.Le nouveau président ivoirien, qui sera investi samedi prochain, a écrit le 3 mai dernier en ce sens au procureur de la Cour pénale internationale (CPI).
Dans sa lettre, dont Le Figaro a pu prendre connaissance, il demande à Luis Moreno Ocampo de mener «des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 (date du deuxième tour de l'élection présidentielle, NDLR) sur l'ensemble du territoire ivoirien».
Ces enquêtes, poursuit Alassane Ouattara, visent à ce que «les personnes portant la responsabilité pénale la plus lourde pour ces crimes soient identifiées, poursuivies et traduites devant la CPI».
Le nom de Laurent Gbagbo n'apparaît pas dans cette missive, mais il ne fait guère de doute que la démarche de son successeur le concerne au premier chef. Alassane Ouattara justifie son initiative par les carences de la justice ivoirienne, désorganisée par la crise traversée par le pays. Dans ces conditions, écrit-t-il, «toute tentative de traduire en justice les plus hauts responsables risquerait de se heurter à des difficultés de tous ordres».
Soumettre Laurent Gbagbo à la justice nationale s'apparenterait à un casse-tête pour le chef de l'État, aux commandes d'un pays profondément divisé par une décennie d'instabilité politique. Selon le procureur Ocampo, qui dit en avoir discuté récemment avec lui au téléphone, «Ouattara veut que son gouvernement commence sur des bases solides en démontrant clairement qu'il n'est impliqué dans aucun massacre». Une exigence audacieuse dans la mesure où Ouattara pourrait lui aussi se voir reprocher des exactions dans l'ouest du pays et à Abidjan. Un risque qu'il est manifestement prêt à prendre, l'estimant sans doute moins sérieux que celui d'avoir à s'encombrer du procès Gbagbo.
Enquêtes préliminaires
Le procureur de la CPI a déjà procédé à une évaluation préliminaire. Il devrait demander dans les prochaines semaines aux juges l'autorisation d'ouvrir une enquête. La Côte d'Ivoire n'est pas encore parti au traité de Rome qui a institué la CPI en 2002 pour juger les crimes les plus graves, génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Laurent Gbagbo avait néanmoins accepté la juridiction de la Cour en 2004. Une décision confirmée en décembre dernier par Ouattara, permettant au procureur Ocampo de se saisir proprio motu de l'affaire. Les juges pourraient rendre leur décision d'ici un à deux mois.
S'ils donnent leur feu vert, l'enquête pourra débuter avec le recueil de témoignages. Les enquêteurs se pencheront notamment sur le massacre d'Abobo, le 17 mars, lorsque des obus de mortier tirés par les forces loyales à Laurent Gbagbo ont fait une centaine de morts et de blessés. Reste à savoir si l'ex-président pourrait, à terme, être transféré à La Haye. «Il y a plusieurs étapes avant cela» , répond Luis Moreno Ocampo, mais si une enquête démontrait selon nous sa responsabilité dans les crimes les plus graves de notre compétence, c'est une possibilité.»
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