L'Auteur
Topics
A Dakar, on ne compte plus sur les doigts d’une main les églises évangéliques mises à sac. Des actes que leurs auteurs justifient par la volonté de freiner l’expansion d’une communauté religieuse, accusée de tout faire pour détourner les jeunes. Un coup d’arrêt au dialogue islamo-chrétien tant magnifié dans ce pays.
« Un peuple, un but, une foi ». Dans un pays où l’on vénère aussi bien Allah, Jésus que Rog Sène (Dieu dans la langue de l’ethnie sérère), une telle devise peut sembler sujette à caution.
Le Sénégal a longtemps été distingué pour la coexistence pacifique entre ses différentes communautés religieuses. Laïc selon sa constitution, le pays de la Teranga compte 90% de musulmans pour 4 à 6% de chrétiens (catholiques et protestants compris), le reste étant constitué d’animistes. Pourtant Léopold Sédar Senghor, le premier président de la République et père de l’indépendance, est issu de la minorité chrétienne. Mieux, il bénéficiait du soutien indéfectible des différentes confréries musulmanes du pays. En 1960, cette marque de tolérance et d’entente faisait école dans une Afrique nouvellement indépendante. Cette exception sénégalaise réside dans le fait que, dans plusieurs régions du pays, chrétiens et musulmans vivent et meurent ensemble, car étant souvent liés par le sang. Il n’est pas rare de voir, dans des régions comme Ziguinchor et Fatick, des frères et sœurs appartenant à des communautés religieuses différentes. Des cimetières mixtes, où les tombes des chrétiens côtoient celles des musulmans, sont légion dans beaucoup de villes du Sénégal.
Chasse aux évangéliques
Ce tableau reluisant est assombri depuis fin avril 2011. Les attaques contre les églises chrétiennes évangéliques se multiplient à un rythme inquiétant. De Nord-Foire à Guédiawaye en passant par Grand-Yoff (quartiers de Dakar), sept temples des évangéliques ont été la cible de l’hystérie populaire. Des dégâts estimés à plusieurs centaines de millions de francs CFA.
Au cours d’une conférence de presse organisée après la destruction d’un temple à Yoff, Eloi Sobel Dogue, le président de la Fraternité évangélique du Sénégal a élevé la voix : « Depuis une décennie, des personnes bien averties qui se disent responsables religieux, s’arrogeant le droit d’éduquer les masses, continuent sciemment d’entretenir de façon systématique un amalgame entre les communautés religieuses et ourdissent des complots bien planifiés pour inciter des jeunes, sur qui repose l’espoir de toute une nation, à cultiver la haine et la xénophobie à l’égard de leurs frères africains de confessions religieuses différentes en les nommant « Gnak » (terme par lequel les Sénégalais désignent les habitants de certains pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale)».
Le Pasteur a également accusé le collectif des imams et prédicateurs du Sénégal et le Cardinal Sarr, la plus haute autorité de l’Eglise catholique du pays, d’être à l’origine de ces actes parce que, dit-il, ces derniers ont fustigé la présence à Dakar d’Eglises protestantes dont les Témoins de Jéhovah.
A Ndoye, un jeune habitant de Yoff ayant pris part à la mise à sac d’un temple situé non loin de son quartier, tente de se justifier : « Nous avons décidé de brûler leur église parce que ces gens commençaient à pervertir les jeunes du quartier en les détournant de la religion d’Allah. Ils sont prêts à donner beaucoup d’argent aux jeunes qui acceptent d’assister à leurs séances de prières », explique-t-il. Ceux que ce jeune homme désigne par « ces gens » sont pour la plupart des ressortissants de la sous-région ouest africaine. Originaire du Nigéria, Jonas Owelu est un évangélique. Il dit ne pas souhaiter que le Sénégal devienne une terre d’intolérance. « Chez moi à Joos, on connaît ce que l’intolérance et le refus de la croyance de l’autre peuvent amener. J’ai été séduit par le modèle sénégalais en matière de dialogue inter-religieux mais, depuis quelques mois, j’ai revu mon jugement », dit-il.
Le Nigérian soutient que lors des séances de prières, des jeunes venaient les menacer de détruire l’église à coup de jets de pierres.
Sophie, une sénégalaise devenue protestante, ne se remet pas du conflit que sa conversion du catholicisme au protestantisme a créé au sein de sa famille. « Ma mère, une catholique n’a jamais voulu accepter que je change de religion. Elle n’accepte pas que je sois proche des autres africains qui sont majoritaires dans notre église. Elle a menacé de rompre à jamais avec moi ».
Source : blog.slateafrique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire