Ce week-end à Hawaï, première étape d'une tournée de neuf jours qui doit le mener ensuite en Australie et en Indonésie, Barack Obama était à son affaire et marquait des points sous le regard ombrageux des Chinois. Recevant ses 20 partenaires du Forum Asie-Pacifique de l'Apec dans son île natale, il pouvait affirmer avec force l'ancrage de l'Amérique dans cette région dont il est persuadé qu'elle devient le nouveau centre de gravité du monde. «Les États-Unis sont une puissance du Pacifique et ils y sont pour de bon», a lancé ce président né à Hawaï et élevé partiellement en Indonésie. «Dans les dix prochaines années, nous devrons répondre à la question de savoir où il est pertinent d'investir notre énergie si nous voulons être dans la meilleure position possible pour préserver notre leadership», a renchéri sa secrétaire d'État, Hillary Clinton, dans un éditorial appelant à regarder «vers l'Est».
Perspectives alléchantes
Après l'ambiance lugubre du G20 de Cannes, qui avait reflété les tourments d'un partenaire européen en panne et l'incapacité d'une Amérique en crise à lui venir en aide, l'annonce samedi, sur fond de plages de rêve, de la création prochaine du Partenariat transpacifique (TPP), une vaste zone de libre-échange entre les États-Unis et neuf autres pays de l'Apec représentant un tiers du PIB mondial (contre un quart pour l'UE), a ouvert par contraste des perspectives alléchantes. Même si les fortes tensions américano-chinoises formulées en public indiquent que le jeu diplomatique et commercial dans la région restera dominé par un face-à-face Pékin-Washington, qui sera tout sauf une promenade de santé.
Le Partenariat transpacifique annoncé par Barack Obama regroupera dans un premier temps l'Australie, Bruneï, le Chili, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, le Vietnam et bien sûr les États-Unis. Coup de théâtre favorable, le Japon, troisième économie mondiale, a annoncé son ralliement malgré l'opposition de ses agriculteurs. L'addition de ces dix pays crée un ensemble de 500 millions de consommateurs, dont le président américain espère qu'il dopera les exportations, et donc la création d'emplois américains dont il a tant besoin pour se faire réélire. «L'objectif est de parvenir l'année prochaine au texte juridique d'un accord complet», a-t-il précisé.
Les critères sociaux et écologiques du TPP seront très stricts, rendant difficile l'accession à cette zone de libre-échange pour les pays en développement, dont la Chine. Celle-ci a d'ailleurs expliqué aigrement «ne pas avoir été invitée», mais être favorable à tout ce qui favorise le libre-échange en Asie, «y compris le TPP». Un soutien de façade qui cache mal ses soupçons face à une initiative perçue comme une riposte à sa montée en puissance économique. «Le TPP n'est pas quelque chose auquel on est invité», a répliqué le conseiller d'Obama Mike Froman. «Que ce soit pour la Chine ou tout autre pays, c'est à eux de déterminer s'ils sont prêts à se plier aux standards élevés requis pour adhérer.»
Lors de son tête-à-tête avec le président chinois, Hu Jintao, Barack Obama n'a pas caché «l'énervement» des entrepreneurs américains face aux pratiques monétaires et commerciales déloyales et «inacceptables» de la Chine. Le président américain a expliqué que Pékin devait respecter la protection de la propriété intellectuelle et laisser le yuan s'apprécier face au dollar. Le contexte de morosité économique de l'Amérique et l'échéance électorale de 2012 expliquent le ton musclé d'Obama, jadis plus diplomate. Ses rivaux républicains multiplient les critiques à l'endroit de la Chine, menaçant sur un ton guerrier d'établir des taxes aux frontières si Pékin s'obstine à ne pas réévaluer le yuan. «Le déficit commercial et les problèmes de chômage», de l'Amérique «ne sont pas la conséquence du taux de change du yuan, et même une forte appréciation du yuan ne réglerait pas les problèmes des États-Unis», a répliqué Hu, se gardant d'annoncer une future réévaluation de sa monnaie et appelant de son côté l'Amérique et l'Europe à céder du pouvoir aux grands pays émergents au FMI.
Les aspects militaires de la tournée d'Obama, qui est en train de renforcer ses accords de défense avec plusieurs pays inquiets de l'agressivité de Pékin en mer de Chine méridionale, ne devraient pas apaiser le climat. Barack Obama doit se rendre en Australie pour y annoncer la création d'une base militaire américaine. Tout en dialoguant avec la Chine, les Américains veulent favoriser l'émergence d'alliances économiques et militaires permettant de contenir leur partenaire-adversaire en attendant de l'amener à respecter les règles du jeu, explique le professeur australien Geoffrey Garrett.
Source: Conscience du peuple
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