Par François Krug | Rue89 | 10/08/2011 | 18H12
La Société Générale serait au bord de la faillite, et c'est d'ailleurs pour cela que Nicolas Sarkozy aurait interrompu brusquement ses vacances : en quelques heures, ces rumeurs alimentées par les marchés financiers et sur Twitter ont fait dégringoler le cours de Bourse de la banque. Et son image. La Société Générale réclame une enquête.
La semaine dernière, la banque avait certes annoncé de mauvais résultats, liés à ses placements en Grèce. Mais pas de quoi expliquer une chute aussi rapide et spectaculaire : ce mercredi, en quelques heures, l'action Société Générale a perdu près de 15% de sa valeur. Cette dégringolade est venue renforcer une rumeur persistante : la deuxième banque française serait en train de vaciller.
Un tabloïd anglais annonce la faillite… puis s'excuse
Le Mail On Sunday n'a pas la réputation du Financial Times, mais c'est bien ce tabloïd anglais qui a crédibilisé la rumeur d'une faillite de la Société Générale. Dès dimanche, il annonçait que la banque française avait tellement perdu d'argent en Grèce qu'elle était « au bord du désastre ».
Des « allégations totalement fausses et irresponsables », répliquait la Société Générale dans un communiqué. Mardi, l'article avait disparu du site du journal. On y trouvait en revanche un message d'excuses du Mail On Sunday :
« Il était mentionné [dans l'article publié dimanche, ndlr] que, selon les sources du Mail on Sunday, Société Générale, l'une des banques les plus importantes en Europe, se trouvait dans un état “périlleux” et potentiellement au “bord du désastre”.
Nous reconnaissons aujourd'hui que ceci n'est pas vrai et nous présentons, sans réserve, nos excuses à Société Générale pour les désagréments que cela a causés. »
Dans la foulée, la Société Générale publiait un communiqué sur cette rétractation du journal anglais, et concluait un peu trop vite :
« La publication des excuses du Mail on Sunday à Société Générale met un terme à ce regrettable incident. »
Le PDG de la Société Générale à l'Elysée… ou pas
C'est ensuite Nicolas Sarkozy qui a, involontairement, relancé la rumeur. En interrompant ses vacances. Ce mercredi à 10 heures, le président de la République a organisé à l'Elysée une réunion de crise - pardon, une « réunion de travail sur la situation économique et financière ».
Lorsque l'Elysée annonce la réunion, la Bourse ouvre. Dès le début de la séance, toutes les valeurs bancaires chutent, la Société Générale en tête. La rumeur reprend de plus belle : et si, en fait, Nicolas Sarkozy était rentré en urgence à Paris pour organiser le sauvetage de la banque ?
La réponse se trouve peut-être dans l'emploi du temps des dirigeants de la Société Générale, qui restent silencieux. Et une mini-bombe explose sur Twitter : ils étaient en fait à l'Elysée, une preuve définitive que la fameuse de réunion de crise concernait la banque et son sauvetage.
Vers 15h50, un site anglais destiné aux boursicoteurs, Ransquawk, affirme ainsi sur son compte Twiter :
« Rumeur de marché, la SocGen [Société Générale, ndlr] a participé à la réunion extraordinaire convoquée par le président français Sarkozy ce matin. »
L'information fait le tour de Twitter, en anglais et en français. Même si elle est très rapidement démentie, par exemple par ce tweet d'une journaliste du Point.fr, @PauSR : « Faux, selon Léonetti. »
Léonetti ? Il s'agit de Jean Léonetti, le ministre des Affaires européennes. Lui a participé à la fameuse réunion organisée par Nicolas Sarkozy. Avec François Fillon, Alain Juppé, François Baroin, Valérie Pécresse et le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer… mais aucun représentant de la Société Générale ou d'une de ses concurrentes, comme l'Elysée l'a confirmé à l'agence Reuters.
La Société Générale demande une enquête
La présence supposée d'un ou plusieurs dirigeants de la Société Générale à l'Elysée n'était qu'une micro-rumeur. Son démenti n'a donc pas empêché la rumeur principale de prospérer : la Société Générale va très, très mal. En milieu d'après-midi, la banque voit son cours de Bourse s'effondrer de 20%.
Sur Twitter, de nombreux utilisateurs travaillant dans la finance - ou se présentant comme tels dans leurs profils - alimentent la panique. Voici, par exemple, ce que les internautes anglophones ont pu lire au cours de la journée :
« Rumeurs qu'une banque française est sur le point de couler. Sarkozy a été en réunion de crise toute la journée » (@BergenCapital)
« Retirez votre argent de la Société Générale. Prévenez les amis et la famille. Sortez vite. » (@ComfortablySmug)
Des médias sérieux ont renforcé les craintes d'un effondrement de la banque. Toujours sur Twitter, le très sérieux quotidien britannique The Guardian s'est ainsi interrogé :
« Est-ce que la banque française #SocGen est sur le point de faire comme Lehman ? »
Lehman ? Souvenez-vous : Lehman Brothers, la banque américaine dont la faillite, en 2008, a donné le signal de la crise financière et économique.
Les dégâts à la fin de la séance ? La Société Générale n'a pour l'instant pas fait faillite, mais l'action a perdu 14,74% de sa valeur en une journée. Les autres banques ont également souffert - avec une perte de 11,81% pour le Crédit Agricole, de 9,47% pour BNP Paribas -, mais nettement moins que leur concurrente.
La Société Générale a répliqué timidement - et tardivement - aux rumeurs sur Tweeter, expliquant sur son compte officiel qu'elle « dément catégoriquement toutes les rumeurs de marchés ». Dans un communiqué publié en début de soirée, la banque assure que sa situation est solide. Et, surtout, elle annonce une contre-attaque :
« Société Générale a saisi ce jour l'AMF [Autorité des marchés financiers, ndlr] pour lui demander d'ouvrir une enquête sur l'origine de ces rumeurs qui portent gravement atteinte à l'intérêt de ses actionnaires. »
Source : eco.rue89
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