Des éléments très troublants laissent croire en la volonté d’épargner les vrais coupables et de trouver des boucs émissaires ayant eu des postes de responsabilité sous Gbagbo.
Dans l’affaire du vol de 386 millions de FCFA emportés du coffre-fort de l’Ecole nationale de police (Enp), le tribunal militaire a inculpé l’ancienne directrice générale de l’école, le commissaire principal Atsin Viviane, l’intendant Gboko Zokou, le lieutenant Kpidi Agnidi Hortense, (responsable de la cantine et des achats) et le sergent-chef Yapo, secrétaire de l’intendant.
Tout semble mis en oeuvre pour accabler les mis en cause dans cette affaire. La manière dont l’enquête est conduite par le bureau du commissaire du gouvernement Ange Kessi déplait foncièrement à des «sachants» qui ont décidé de l’interpeller sur certains détails assez importants pour la manifestation de la vérité.
Il est inconcevable, s’indignent-ils, que le juge d’instruction privilégie la piste de l’exdirectrice de l’école et de ses collaborateurs qu’il s’échine à incriminer alors qu’ils n’étaient pas présents sur les lieux au moment des faits. Ils comprennent difficilement pourquoi l’un des acteurs clés des événements qui se sont déroulés au sein de l’école de police au cours de la période où le vol a été commis n’a jusque-là pas été entendu. Il s’agit du sergent-chef Ahiman Landry, chef de service de la section Musique, présent dans l’enceinte de l’établissement au moment des faits, c’est-àdire entre le 30 mars et le 4 avril 2011.
Selon nos interlocuteurs, le juge doit forcément entendre le sergent-chef. Dans le même sens, ils se demandent pourquoi la piste des éléments des Frci qui ont envahi l’école de police est systématiquement rejetée dans la recherche de la vérité. De façon chronologique, voici le récit qu’ils font des événements.
Nous sommes à la mi-mars ; la situation sécuritaire est très préoccupante dans la ville d’Abidjan. Un haut responsable de la police nationale, chargé de la sécurité publique, demande à l’école de mettre des élèves à la disposition de la préfecture. Les élèves se plaignent de n’avoir pas encore reçu leurs bourses et refusent de s’exécuter.
Or, les fonds devant servir à cet effet sont gardés dans un compte logé dans une banque française qui a fermé ses portes depuis la mi-février. Le Trésor public, saisi, débloque la situation en dotant l’intendance de l’école des fonds devant servir à payer, outre les bourses des étudiants, les fournisseurs.
A la date du 28 mars 2011, ce sont 1325 élèves qui sont passés à la caisse. Les 600 autres restant, tout comme certains fournisseurs qui n’avaient pas perçu leurs dus à la date du 30 avril, ne pourront pas être payés vue la nette dégradation de la situation sécuritaire. Le reste de l’argent, soit une manne estimée à 386 millions, est gardé dans le coffre-fort à l’intendance de l’école.
Le 31 mars, tout le monde a quitté l’école pour des raisons évidentes de sécurité, les Frci ayant déjà fait leur entrée dans la ville d’Abidjan. Seul le sergent-chef Ahiman Landry, chef de la section musique, serait resté sur les lieux avec quelques éléments en compagnie de quelques élèves pour, ditil, «sécuriser son matériel». L’école est pillée de fond en comble.
A la date du lundi 4 avril, le calme revient même si la situation est toujours volatile. Les bureaux de l’Enp, dont celui de l’intendant Gboko Zokou, ont été visités. Le coffrefort est retrouvé dans la cour de l’école vidé de son contenu. Le commissaire principal Atsin Viviane est informée de la visite du DG de la police nationale, Brindou M’bia sur les lieux. En tant que premier responsable de l’école, elle décide de s’y rendre, accompagnée de deux de ses collaborateurs.
Quand Atsin Viviane arrive ce jour-là à ses bureaux, elle est vivement interpellée par le sergent-chef Ahiman qui lui reproche d’avoir abandonné l’école. Clamant qu’il est désormais le «nouveau patron de l’Enp», le chef du service Musique qui a fait tout un vacarme arrache les portables de la directrice.
Idem pour sa collaboratrice qui l’a précédée à l’Enp. «Donnez-moi vos portables ! Donnez-moi votre sac à main ! Pourquoi tout ce temps vous avez abandonné l’école ? À partir d’aujourd’hui, je suis le directeur de l’école», criait-il après le commissaire principal, selon des témoins.
Alors qu’elle tentait de sortir de ses griffes en s’éloignant vers le bas-fond, Ahiman la rattrape et la met au violon au sein de l’école. Indigné, l’autre collaborateur de la directrice décide de rejoindre sa patronne dans les geôles du sergent-chef Ahiman.
Après des négociations menées par d’autres membres du personnel présents, «le nouveau patron» accepte de libérer la directrice mais confisque ses téléphones portables. Au sortir de l’école, la directrice porte plainte contre le sergent-chef qui l’a séquestrée pour tentative de meurtre. Une autre est formulée contre X pour le vol des fonds emportés à l’intendance. La police criminelle entend le sergent chef, mais plus rien.
Le sergent-chef Ahiman Landry que nous avons joint pour avoir sa version des faits a d’abord rejeté les accusations portées contre lui avant de se faire menaçant. «Ce n’est pas moi la personne à qui vous voulez parler. Considérez que je ne vous ai pas parlé. Publiez votre article si vous voulez mais je vous préviens, le reste viendra après. Vous allez voir», a mis en garde le policier qui devrait nécessairement être entendu dans le cadre de cette affaire si tant est que le tribunal militaire cherche à faire éclore la vérité. Et si son action n’est pas guidée par le souci d’envoyer en prison tous ceux qui ont servi à des postes de responsabilité sous le président Laurent Gbagbo. Comment le coffre fort a-t-il pu être vidé de son contenu, abandonné dans la cour de l’école ? Par ailleurs, nos interlocuteurs se demandent comment et où le nouveau directeur de l’école de police a pu découvrir les 30 millions qui auraient été retrouvés. Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre !
Edouard Amicha
Source: Le Nouveau Courrier/infodabidjan
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