Les évènements se déroulent à un rythme bizarre voire inexplicable. Mais la vérité finit par éclater au grand jour, car ces évènements sont suscités pour obtenir des résultats précaires, immédiats et à la longue, dangereux. M. Alassane Dramane Ouattara pourrait l’apprendre à ses dépens, tôt ou tard, s’il persiste à exécuter les conseils de ceux de ses hagiographes, extrémistes et zélés qui font croire qu’il obtiendra la réconciliation et la paix durable en maniant l’injustice et la violence.
Tenez ! Selon une source proche de la mission de l’Organisation des Nations Unies en Côte d’Ivoire (Onuci), les dirigeants ivoiriens sont en train d’inventer les conditions pour justifier, aux yeux de l’opinion, «le futur transfert du Président Laurent Gbagbo à la Haye», à la Cour pénale internationale (Cpi). La source indique que le gouvernement ivoirien n’a pas apprécié positivement certains termes d’un récent rapport produit par l’Onuci dans lequel il était consigné que «la présence du Président Laurent Gbagbo à Korhogo ne constituait pas une menace pour la paix sociale en Côte d’Ivoire». La source rappelle qu’au cours d’une récente conférence téléphonique avec des membres du bureau du procureur de la Cpi et l’Onuci, les autorités ivoiriennes avaient suggéré l’accélération des enquêtes pour une inculpation rapide du Président Laurent Gbagbo «afin que tous ses partisans se rendent à l’évidence de son impossibilité de revenir au pouvoir et par conséquent, s’engagent résolument dans le processus de réconciliation» dont elles reconnaissent qu’il a du mal à démarrer. C’est pourquoi, Ouattara et ses affidés perçoivent difficilement que l’Onuci qui a connaissance de leur position ait rédigé un rapport allant dans le sens contraire. Alors, pour forcer l’Onuci à se dédire, pour une fois qu’elle a osé rapporter la vérité, le poulain de Nicolas Sarkozy et ses hommes sont à la tâche.
Pour notre source bien introduite, l’agitation constatée depuis la présence des enquêteurs du bureau du procureur de la Cpi sur le sol ivoirien n’est pas fortuite. Il s’agit, selon elle, de les amener à rapporter que les soubresauts constatés ces dernières semaines sont liés à la seule présence du Président Laurent Gbagbo sur le territoire ivoirien. Ainsi, les crépitements d’armes à la caserne de la gendarmerie d’Agban, l’attaque du convoi du commandant en second de la garde républicaine ? Chérif Ousmane, les bruits de bottes entendus à Korhogo ou annoncés au Libéria participent de la stratégie montée de toute pièce par le pouvoir. Et pour boucler la boucle, l’arrestation médiatique de l’ex-aide de camp de Simone Gbagbo en partance pour la Guinée est venue, selon notre source, clore le chapitre ouvert par le régime pour montrer que «la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire sera explosive aussi longtemps que le Président Laurent Gbagbo sera présent sur le sol ivoirien». Notre source est convaincue que la mort violente du guide libyen pourrait être exploitée par le gouvernement ivoirien pour faire prospérer sa thèse, dans la mesure où Soro Guillaume, actuel Premier ministre, chef de la rébellion armée, s’est déjà vanté publiquement à Bouaké d’avoir laissé la vie sauve au Président Gbagbo, là où, fait-il croire, les rebelles libyens ont assassiné Kadhafi. «Ce que demande le gouvernement ivoirien, contrairement au Comité national de Transition (Cnt) de Lybie, c’est simplement le transfert à la Haye du Président Laurent Gbagbo, gage d’une paix sociale pour appliquer le programme pour lequel ils sont au pouvoir», clame le régime pour convaincre de la «nécessité» d’éloigner le Président ivoirien renversé le 11 avril 2011 par l’armée française. La source ajoute que la requête d’Alassane Dramane Ouattara en vue de l’inculpation du Président Laurent Gbagbo par la Cpi aurait déjà été soumise à des chancelleries occidentales à Abidjan qui auraient donné un avis favorable.
Malheureusement pour Ouattara, selon notre source, deux difficultés majeures s’opposent à la réalisation de ce plan. Primo, il y a les termes de ce rapport de l’Onuci qui, quoiqu’on dise, sont pratiques et gênants pour Ouattara. Secundo, il y a surtout la réalité que les petites notes diplomatiques continuent de souligner à grands traits, à savoir que dans cette situation où la victime dont le pouvoir a été attaquée pendant dix ans est présentée comme le bourreau, il y a une terrifiante inconnue : l’imprévisible réaction, tôt ou tard, des partisans du Président Laurent Gbagbo. Car, tout le monde le sait, en Côte d’Ivoire, l’illustre détenu de Korhogo demeure, au vu des résultats incontestés du premier tour de l’élection présidentielle d’octobre 2010, la personnalité politique la plus aimée des Ivoiriens avec 39% des suffrages exprimés contre 26% à Ouattara et 21% pour Bédié. A moins d’être amnésique, comment peut-on penser pouvoir obtenir une paix durable en Côte d’Ivoire en mettant sous l’éteignoir une telle personnalité dont les partisans restent convaincus qu’il a été renversé pour avoir gagné la présidentielle ? «Franchement, conclut notre source, l’environnement actuel de tensions sociales et de tentatives de coup de force est volontairement entretenue par les autorités ivoiriennes afin que les enquêteurs du bureau du procureur se rallient à leur thèse».
Evidemment, les «héritiers» d’Houphouët-Boigny ont toujours le même péché mignon, celui de manier les dossiers explosifs les yeux fermés, jusqu’à ce qu’ils éclatent à leur figure. Récemment, au cours d’un échange sur ces sujets, un «doyen» du Pdci-Rda, Bédiéiste bon teint, nous confiait qu’il a l’impression qu’Alassane Dramane Ouattara est poussé dans les mêmes «erreurs» que Bédié en 1999. D’après ce vieux militant Houphouétiste, quelques jours avant le coup d’Etat qui a tout bouleversé en Côte d’Ivoire, «le Président Bédié, aujourd’hui en alliance avec Ouattara, a refusé de voir la réalité en face. A savoir qu’il valait mieux détendre l’atmosphère politique que de la réchauffer». Toute la direction du Rdr de Ouattara, se souvient le vieil homme, était en prison. «Il fallait libérer ces dirigeants pour repartir du bon pied. Le 22 décembre 1999, à l’Assemblée nationale, le Président Bédié a préféré un discours de violence et de répression, faisant fi de tous les appels à l’apaisement. Le 24 décembre, il a été renversé. Nous avons perdu le pouvoir». Pour le vieux militant du Pdci-Rda, Ouattara est poussé par son entourage dans la même erreur. Mais quel danger court-il quand on sait qu’en face, le Fpi n’est pas un faiseur de coup d’Etat ? Qui peut bien faire un coup d’Etat comme Ouattara, lui, l’a annoncé et ça a été exécuté contre Bédié ?
A ces questions, le vieil homme répond après un petit temps de réflexion : «Jeune homme, on ne sait jamais d’où peuvent venir les profiteurs d’une situation de tension exacerbée. Moi, je crains pour Ouattara à cause de la violence dont il use pour régler les dossiers Gbagbo à la Cpi, Séka Séka, coups de feu à Agban, avec tous ces gendarmes vidés comme des malpropres du camp, jetés à la rue, sans qu’ils soient établis qu’ils sont tous fautifs… ».
A cette allure, admettons-le avec le vieux Bédiéiste, Alassane Dramane Ouattara risque de passer le plus clair de son mandat de Président parvenu au pouvoir dans des conditions dramatiques à tuer des révoltés pour espérer «gouverner tranquillement». Mais une telle option est-elle durable ? Seul, l’actuel locataire de la présidence a la réponse, lui qui détient ces dossiers explosifs, pour ne pas parler de bombes à retardement n
César Etou et Philomène Touré (Consultante)
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