mercredi 18 janvier 2012

Ivoiriens, vos salaires sont menacés !



Les salaires des travailleurs ivoiriens vont-ils diminuer ? En tout cas, la question se pose depuis que le gouvernement a annoncé, il y a quelques jours, un projet de réforme de la branche retraite du régime de sécurité sociale, pris en charge par la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) pour ce qui est du secteur privé et de beaucoup d’entreprises du secteur parapublic. Le taux de cotisation va ainsi passer de 8% à 12% en cette année 2012, puis à 13% à partir de janvier 2013. Volontairement flou, le communiqué du Conseil de ministres, qui explique cette décision par les déficits de la branche retraite, qui s’élèveraient à 110 milliards de francs CFA cumulés, n’a pas précisé si cette augmentation du taux de cotisation sera supportée par les employés ou par les employeurs.

L’enjeu est de taille. Aujourd’hui, les patrons prennent en charge 4,8% des 8%, tandis que l’employé s’acquitte de 3,2%. Imaginer que l’augmentation ne sera soutenue que par les employeurs est illusoire. En revanche, elle pourrait reposer sur les salariés entièrement ou en partie. Ce qui signifie très clairement que leurs salaires nets baisseront cette année… et l’année prochaine. A moins qu’ils bénéficient d’augmentations collectives de salaires entretemps. Ce qui est très peu probable.

Mamadou Koulibaly, président du parti LIDER, président sortant de l’Assemblée nationale, et qui est l’un des économistes les plus en vue du pays, a en tout cas alimenté les craintes des observateurs à ce sujet. Interviewé par la radio Cameroonvoice, basée à Montréal, au Canada, il a affirmé très clairement que le gouvernement Ouattara avait décidé d’augmenter la part de cotisation qui revient aux salariés. Donc de diminuer mécaniquement les salaires de tout le secteur privé mais également d’entreprises parapubliques comme les deux ports du pays, la SOTRA, la SIR, etc. En milieu de semaine dernière, son parti s’indignait déjà sur les réseaux sociaux : «Le Conseil des ministres très démocratique de Ouattara a décidé hier que l'âge de la retraite passait dorénavant de 55 à 60 ans. Aucune consultation des partenaires sociaux, aucune étude relative à l'extension de la durée de vie n'ont étayé cette décision unilatérale ! Egalement décidée hier, l'augmentation du prélèvement CNPS qui passe de 8% à 12% en 2012 et 14% en 2013, cela sans aucune amélioration des conditions ou du niveau de vie des Ivoiriens, bien au contraire! »

D’ores et déjà, l’on se demande quelle sera la réaction des principales centrales syndicales du pays, dans un contexte où le pouvoir d’achat des Ivoiriens est particulièrement mis à l’épreuve par la hausse des prix des denrées de grande consommation sur les marchés, et peut-être demain par les augmentations des tarifs du carburant et de l’électricité qui se préparent. Particulièrement affaiblies par le climat de peur qui règne dans le pays, elles n’ont pas une grande marge de manœuvre et se tiennent éloignées du débat public depuis l’avènement du nouveau régime le 11 avril 2011. L’arrestation et la déportation de Mahan Gahé, patron de la Centrale Dignité, est en tout cas apparue comme un inquiétant signal clairement décodé par toutes les organisations de travailleurs.

Philippe Brou


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