Dans un communiqué référencé ICC-CPI-20120223-PR768, la Chambre préliminaire III de la Cour pénale internationale (CPI) a pris une importante décision le 22 février 2012. Celle-ci est relative à l’implication de la Cour dans le dossier ivoirien.
Elle a, en effet, décidé «d’élargir son autorisation d’enquête sur la situation en Côte d’Ivoire pour inclure les crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis entre le 19 septembre 2002 et le 28 novembre 2010.», précise le communiqué. La Chambre a fondé sa décision sur sa considération selon laquelle «les évènements violents survenus en Côte d’Ivoire pendant cette période (y compris ceux qui auraient eu lieu depuis le 28 novembre 2010) doivent être traités comme une seule situation dans laquelle une crise continue, impliquant une querelle politique prolongée et une lutte pour le pouvoir, a mené aux événements sur lesquels la Chambre a déjà autorisé l’ouverture d’une enquête.» Car, poursuit le communiqué, «En se concentrant sur les exemples les plus significatifs d’incidents, la Chambre a conclu qu’il y a une base raisonnable de croire que des crimes de meurtre et de viols, qui pourraient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, auraient été commis au cours de ces événements.» Voilà qui est clair pour tous.
Cette décision est un désaveu fortement retentissant d’Alassane Dramane Ouattara et du Procureur Ocampo, tous deux engagés dans une logique de justice sélective.
Dans une lettre adressée au Président de la CPI, datée du 14 décembre 2010 et référencée NR0039-PR-du 14/12/2010, alors qu’il était encore président de la «La république de l’hôtel du golf», Dramane Ouattara avait «confirmé» la déclaration de reconnaissance de la compétence de la CPI par l’État ivoirien, datée du 18 avril 2003. Cette lettre formulait également la demande d’une enquête de la CPI en Côte d’Ivoire. Dans cet objectif, Ouattara disait engager la Côte d’Ivoire «à coopérer pleinement et sans délai avec la Cour Pénale Internationale, notamment en ce qui concerne tous les crimes et exactions commis depuis mars 2004.» Ouattara venait ainsi de balayer du revers de la main tous les crimes contre l’humanité et autres crimes de guerre commis en Côte d’Ivoire postérieurement à mars 2004 et relevant de la compétence de la CPI.
Sans s’arrêter là, il a eu à adresser à nouveau un courrier à la CPI le 03 mai 2011, particulièrement destiné au Procureur Luis Moreno Ocampo.
Dans ce courrier référencé 0086/PR, Ouattara disait ce qui suit: «Par la présente, j’entends confirmer mon souhait que votre Bureau mène en Côte d’Ivoire des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 sur l’ensemble du territoire ivoirien, et fasse en sorte que les personnes portant la responsabilité la plus lourde pour ces crimes soient identifiées, poursuivies et traduites devant la Cour pénale internationale.» Il a été suivi dans ce sens par le Procureur de la CPI. Ce dernier avait donc reçu de la Chambre préliminaire III l’autorisation d’enquêter sur les crimes graves commis depuis le 28 novembre 2010.
Face à cette tentative de manipulation et d’instrumentalisation de la CPI, l’opposition à Dramane Ouattara et au Procureur Ocampo est venue du COPACI (Courant de Pensée et d’Action de Côte d’Ivoire). Ce parti politique, par la voix de son président Blaise Pascal Logbo, avait pris à contre-pied cette justice sélective.
Dans la continuité de son combat engagé à la CPI depuis octobre 2008 pour une justice indépendante et impartiale en Côte d‘Ivoire, le 31 mai 2011, le COPACI a adressé deux lettres au Procureur et au Président de la CPI. Ces lettres étaient porteuses de l’exigence que les enquêtes de la CPI dans le dossier ivoirien remontent au 19 septembre 2002. Le contenu substantiel de ces différents courriers était ainsi formulé: «Le Courant de Pensée et d’Action de Côte-d’Ivoire (COPACI) ne saurait accepter une justice partiale, sélective du temps, de l’espace et des individus, dans le but de cautionner ou de consacrer un droit à l’impunité d’une catégorie d’individus.»
Le président du COPACI a été interrogé sur cette décision de la Chambre. Il a tenu d’abord à rappeler tous les actes que son parti a posés à la CPI depuis octobre 2008. Au nombre de ces actes, il a cité sa première saisine de la CPI en date du 20 octobre 2008, ses courriers, ses motions et ses quatre manifestations publiques devant cette Cour. Il a ensuite interprété cette nouvelle décision de la CPI comme une victoire de son parti. Pour Blaise Pascal Logbo «cette décision de la CPI est une première victoire, sans être encore la victoire. Car la victoire de la justice sur la barbarie et les graves violations des droits de l’homme sera effective quand les chefs rebelles et leurs commanditaires, coupables et responsables du désastre et du chaos, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en Côte d’Ivoire, se retrouveront tous dans le box des accusés de la CPI pour y être jugés et condamnés.» C’est pourquoi il a déclaré poursuivre son combat dans ce sens.
Cette décision est aussi et avant tout une victoire du président Gbagbo incarcéré à la Haye. Son gouvernement a signé le 18 avril 2003 la déclaration de reconnaissance de la compétence de la CPI. Dans cette déclaration il demandait à la CPI d’enquêter sur tous les crimes relavant de sa compétence et commis depuis le 19 septembre 2002. Mais cette déclaration avait été bien «amputée» par Ouattara, alors qu’il soutenait la «confirmer».
Le 3 octobre 2011, la Chambre préliminaire III a cédé à la demande du Procureur aux fins d’enquêter «sur les crimes présumés relevant de la compétence de la Cour, qui auraient été commis en Côte d’Ivoire depuis le 28 novembre 2010, ainsi que sur les crimes qui pourraient être commis dans le futur dans le contexte de cette situation.» La Chambre avait pris cette décision tout en restant divisée sur la question. La juge présidente de cette Chambre, Silvia Fernández de Gurmendi, exigeait que les enquêtes remontent au 19 septembre 2002. Suivie par ses collègues dans ce sens, il avait été demandé au Procureur de fournir à la Chambre «toute information supplémentaire à sa disposition sur des crimes qui pourraient relever potentiellement de la compétence de la Cour et qui auraient été commis entre 2002 et 2010.» Pour ne pas se discréditer auprès des juges sachant bien qu’il détient de telles informations, le Procureur n’a eu d’autre choix que de se soumettre à leur exigence à la date du 4 novembre 2011. Cette exigence des juges a eu pour conséquence, après analyse, la décision de faire débuter les enquêtes du Procureur à partir du 19 septembre 2002.
Avec cette décision la CPI veut-elle jouer le jeu de la crédibilité et de l’impartialité? Il est très tôt pour répondre par l’affirmative, même si cette décision est salutaire. Seule la fin de cette procédure nous situera. Pour le moins qu’on puisse dire, la CPI tente de se rapprocher de plus en plus de la vérité sur la crise et la guerre en Côte d’Ivoire, en remontant à ses origines. Avec cette nouvelle décision, plusieurs espèrent que la CPI rendra justice à des victimes comme le Ministre Émile Boga Doudou, le Général Robert Guéi, les gendarmes et leurs familles exécutés à Bouaké, ainsi que tous ces milliers d’anonymes morts ou victimes de graves violations de droits de l’homme, y compris les victimes de l‘armée française en novembre 2004 devant l’hôtel Ivoire.
Dramane Ouattara, désigné par Koné Zacharia comme le parrain de la rébellion, Koné Zacharia lui-même, Soro Guillaume, chef de la rébellion, Chérif Ousmane, Wattao, Kouakou Fofié et tous ces chefs rebelles devront logiquement s’expliquer devant les juges. Sans doute, contrairement à ce que tentent de faire croire les journaux du RHDP, la sérénité a pris congé de toutes ces personnes citées, depuis cette décision de la Chambre préliminaire III de la CPI. Car il est désormais plus probable que Gbagbo ne soit pas seul à la CPI. Ceux qui l’y ont transféré pourraient le rejoindre.
ZEKA TOGUI
Infodabidjan.net
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