Publié le jeudi 23 février 2012 à 06h00
BRUNO RENOUL
DSK est sorti de la gendarmerie à bord d'une 607 qui a fendu la foule des journalistes et des curieux.Photo AFP/François Lo Presti
Après 36 heures de garde à vue, Dominique Strauss-Kahn est ressorti hier soir libre de la caserne de gendarmerie de Lille. Il reviendra s'expliquer le 28 mars, date à laquelle les juges l'ont convoqué « aux fins de mise en examen ».
Sauf tremblement de terre, lorsque Dominique Strauss-Kahn foulera de nouveau le sol lillois, le 28 mars, ce sera pour être mis en examen dans l'affaire du Carlton. Pour « complicité de proxénétisme aggravé en bande organisée » et « recel d'abus de biens sociaux ». Hasard du calendrier, cette audition surviendra un an jour pour jour après l'ouverture d'une information judiciaire dans ce dossier. À l'époque, DSK était le grand favori de la présidentielle et les juges ignoraient que leurs chemins se rencontreraient...
Pas de suspense donc, à l'issue d'une garde à vue de 36 heures dont DSK, 62 ans, est sorti épuisé, hier vers 18 h 30. Sa berline a franchi les portes de la caserne de gendarmerie sans s'arrêter. À l'avant du véhicule, l'ancien champion de la gauche n'a pas eu un regard pour les journalistes et curieux qui l'attendaient.
Juste avant son départ en trombe, précédé de deux motards de la police qui l'escortaient jusqu'à l'autoroute, son avocate, Frédérique Beaulieu, s'était exprimée devant le bâtiment de briques rouges. Qualifiant les échanges avec les policiers, tout au long de ces deux jours, de « sereins et normaux » (lire ci-dessous). À l'inverse, les policiers se seraient sentis agacés, au fil de l'audition, par le comportement de leur interlocuteur. Celui-ci leur a donné le sentiment de les prendre de haut, en leur faisant répéter chacune des questions qu'ils lui posaient. Et puis, DSK leur a semblé « réciter une leçon apprise par coeur ». On imagine mal, toutefois, une audition aussi importante ne pas être préparée minutieusement avec ses avocats.
Présentées par des policiers
Sur le fond, sans surprise, DSK a réfuté toute infraction pénale, admettant le libertinage mais réfutant avoir eu connaissance du fait que des femmes qui lui étaient présentées étaient rémunérées. Selon l'AFP, il a justifié cette ignorance du fait que certaines « lui ont été présentées par des responsables policiers ».
Comme nous l'indiquions hier, plusieurs éléments du dossier ébranlent cette version. D'abord, deux témoignages d'escorts indiquent que DSK savait qui elles étaient. Ensuite, un SMS évoqué par France 3, envoyé par Strauss-Kahn à un de ses amis politiques, ferait état de la qualité des prestations d'une femme qu'il avait rencontrée. Enfin, DSK serait intervenu, en tant que patron du FMI, pour favoriser l'obtention de visas pour une escort devant le rejoindre à Washington.
Autant d'éléments pouvant constituer aux yeux des juges des indices « graves et concordants » justifiant une mise en examen pour complicité de proxénétisme.
Un chef d'accusation qui implique de démontrer un rôle actif dans l'organisation de la prostitution, en sollicitant des rencontres ou en recommandant des filles à des amis, par exemple.
Le recel d'abus de biens sociaux, lui, suppose déjà que l'abus de biens sociaux soit constitué, ce que contestent les avocats des deux entrepreneurs mis en examen à ce titre, David Roquet et Fabrice Paszkowski. Tous deux ont reconnu avoir payé les additions liées aux parties fines (billets d'avion, de train, hôtels, restaurants...) aux frais de leurs entreprises - à l'exception des rémunérations des escorts. « DSK ne sortait jamais sa carte bleue lors de ces rencontres », rappelle une source proche de l'enquête. Les juges s'interrogent : le fait de ne pas se poser de question sur l'origine de cadeaux fréquents et dispendieux cache-t-il des contreparties ?
Aboutissement d'un an de travail
Les réponses de DSK ayant été soigneusement couchées sur PV, vient le temps de l'analyse pour les juges. Ils ont maintenant un mois pour comparer ses dires au dossier et préparer au mieux l'audition du 28 mars, qui sera l'aboutissement d'un an de travail. Ce long délai s'expliquerait aussi par des nouvelles pièces que les juges attendent du volet belge, et qui doivent arriver dans les prochaines semaines.
En notifiant hier à DSK une convocation « aux fins de mise en examen », ils adoptent en outre une attitude ouverte vis-à-vis de leur cible. « C'est une façon élégante vis-à-vis de M. Strauss-Kahn, qui consiste à l'avertir à l'avance de cette mise en examen, pour qu'il puisse s'y préparer » , précise une source judiciaire.
La date de la première audience du procès civil de DSK à New York dans l'affaire du Sofitel, elle, a été fixée au 15 mars, a-t-on appris hier soir.
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