lundi 29 août 2011

Sarkozy veut la tête de Wattao


Rendus incontrôlables par le nouveau pouvoir ivoirien qui les présente comme des « sauveurs », les chefs de guerre de l’ex-rébellion et leurs hommes commettent, en toute impunité, des exactions les plus atroces. Les opérateurs économiques sont dépouillés de leurs avoirs dans le silence. Promu commandant en second de la Grade républicaine (GR), Issiaka Ouattara dit Wattao vient de provoquer la colère des hautes autorités françaises qui ont réclamé sa tête, invitant du coup Alassane Ouattara à manger son totem. Que va-t-il se passer ?


L’affaire va au-delà des rapports des organisations internationales de défenses de droits de l’Homme accablant les chefs de guerre de l’ex-rébellion, rapports que les nouvelles autorités ivoiriennes déclarent invariablement « sans preuves » pour couvrir les auteurs des crimes et autres exactions. Le colonel Jean Grégoire Charaux a porté plainte contre le commandant Issiaka Ouattara dit Wattao et ses hommes pour « vol de numéraires, séquestration avec violences et voie de fait ». Cet officier retraité de la gendarmerie française accuse Wattao de lui avoir fait soutirer, par ses hommes, la bagatelle somme de 45.000 euros (près de 30 millions de FCFA). Les hautes autorités françaises informées du forfait ont montré des signes d’énervement qui ont perturbé les congés d’Alassane Ouattara à Paris. Le nouveau chef de l’Etat ivoirien installé par l’armée française aurait réclamé « des sanctions » pour calmer Nicolas Sarkozy et ses collaborateurs. Wattao le sait et multiplie ses actions, y compris dans les médias, pour espérer être épargné. De quoi s’agit-il ?

Au début, un harcèlement injustifié…

M. Frédéric Lafont, ancien légionnaire français, s’est reconverti dans les affaires. Ce franco-ivoirien est bien connu dans les milieux d’affaires français de Côte d’Ivoire grâce aux activités de ses sociétés de gardiennage RISK et Vision. Mais Frédéric Lafont est aussi le propriétaire des restaurants « Le Mont Blanc », « Stade de France », ainsi que de la compagnie aérienne « Sophia Airlines ». Seulement voilà, pour des raisons encore difficiles à cerner, Frédéric Lafont fait partie des hommes d’affaires les plus recherchés par les ex-Com’zones, ces chefs de guerre de la rébellion qui se sont partagés Abidjan comme un butin de guerre depuis le renversement du président Gbagbo par l’armée française, le 11 avril 2011. Apparemment, le plus acharné contre Lafont est le commandant Issiaka Ouattara dit Wattao, promu commandant en second de la Garde républicaine par le nouveau chef de l’Etat, Alassane Ouattara. Le chef de guerre pro-Ouattara continue de ruminer sa propre colère contre Frédéric Lafont pour de prétendus liens avec le Président Gbagbo et le soupçonne d’avoir permis au régime renversé de s’équiper en armes.

Certes, au début de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, le clan Ouattara croyait fermement à cette affabulation. M. Lafont et son épouse ont donc figuré sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne. Mais très rapidement, l’UE s’est rendue compte, a-t-on dit, « d’une grossière manipulation doublée de dénonciations calomnieuses ». Elle a rapidement retiré M. et Mme Lafont de la liste des personnes proches du Président Gbagbo et sanctionnées en Côte d’Ivoire. « En dépit de la preuve de son innocence dans tous les faits dont on l’accusait, certains chefs de guerre ont fait fi de l’opposition des responsables politiques de la rébellion et continué à en vouloir au franco-ivoirien », racontent nos sources. Ils ont ainsi pillé, dans la logique de cette haine, dès la prise d’Abidjan, tous les biens de Frédéric Lafont. Ils ont assassiné un de ses plus proches collaborateurs, feu le nommé Issa Koné, de nationalité burkinabé. M. Lafont lui même doit son salut à ses jambes. Il s’est enfui du pays pour s’installer dans un pays de la sous-région, et non à Paris comme beaucoup le font croire. C’est de son exil ouest-africain qu’il essaie de sauver encore ce qui peut l’être de ses affaires en Côte d’Ivoire.

La Chasse au pro-Gbagbo tourne mal

Dans cette optique, Frédéric Lafont s’est attaché les services de deux colonels de la gendarmerie française retraités, les nommés Jean Grégoire Charaux et Jean-Marie Roger Fontaine. Il leur à confié la mission de se rendre à Abidjan pour trois raisons : Voir l’état de ses sociétés pillées ou encore fonctionnelle, mettre sa villa occupée par les FRCI en location et chercher à acheter des pièces de rechanges pour l’un de ses avions. A ces deux colonels, s’est joint M. Laurent Alvarez, un nouvel employé de M. Lafont, et le nommé Aboubacar Camara, un militant du RDR. Ce cadre du parti d’Alassane Ouattara, a conservé ses amitiés avec M. Lafont, sûrement convaincu que son ami franco-ivoirien faisait l’objet d’une criminelle injustice. A leur arrivée à Abidjan, les envoyés de Lafont ont été présentés à un couple de Français intéressé par la villa à louer. C’est pendant la visite de cette maison que des éléments armées FRCI aux ordres de Wattao ont débarqué et embarqué, avec violence, tout le monde sauf le couple français à la recherche de maison à louer. Les « grosses proies » des FRCI ont été emmenées, selon nos informateurs, dans « les locaux de travail » de Wattao et y auraient été délestés de 45.000 dollars que détenait le colonel français Jean Grégoire Charaux. Cet argent devait servir à l’achat de pièces de rechange pour un avion de Lafont. Nos sources racontent que, une fois le « travail accompli », Wattao aurait été informé par ses hommes. C’est donc Wattao lui-même qui a joint le colonel Jean Grégoire Charaux au téléphone et lui a dicté le texte d’une « décharge » qu’il devait écrire avant d’être libéré. Cet ancien colonel de la gendarmerie française s’est plié à l’injonction pour se tirer d’affaire et sauver sa peau.

Bien entendu, les envoyés ont fait minute par minute le rapport de leur musclée mésaventure à Frédéric Lafont. A son tour, M. Lafont a saisi l’ambassade de France et les milieux d’affaires français. La presse française mise au parfum s’est fait l’écho de l’affaire. Les officiers français ont été libérés la même nuit mais sans les 45.000 dollars. Le colonel Jean Grégoire Charaux a donc porté plainte contre Wattao et ses hommes pour « vol de numéraires, séquestration avec violences et voie de fait ». Selon nos informateurs, les plus hautes autorités françaises auraient piqué une sacrée colère dès qu’elles ont eu vent de cette affaire. A l’Elysée, cette exaction des chefs de guerre que les hommes de leur poulain, le président Ouattara, présentent comme « des sauveurs à féliciter » (dixit le procureur Simplice Koffi Kouadio) a été très mal vécue. Evidemment, ce vent de colère a soufflé de l’Elysée jusqu’aux oreilles d’Alassane Ouattara qui séjourne lui-même à Paris. Le bénéficiaire du coup d’Etat français du 11 avril aurait décidé de sévir ! Dans le très proche entourage de Wattao, quatre mousquetaires ont déjà été arrêtés. Wattao se bat aujourd’hui pour sauver sa tête mais il sait pertinemment qu’il a peu de chance d’y échapper. Selon le ministre d’Etat Hamed Bakayoko, Alassane Ouattara a bien décidé que « les patrons paieront pour les fautes de leurs hommes ». Brou Aka Pascal a été dégommé de la direction générale de la RTI pour un ratage du Servie des Reportages institutionnels de la télé d’Etat. Le Préfet de Dabou, non présent le jour des évènements, vient d’être dégommé, tout comme son Sous-préfet de Lopou, après un défilé à la cérémonie de l’indépendance où les villageois ont produit une scène pour réclamer la libération du couple Gbagbo. Alors, Wattao se sent véritablement menacé et tente de faire feu de tout bois. Sa première sortie s’est faite dans le quotidien Le Patriote. De plus, il a bénéficié de l’appui du ministre d’Etat Hamed Bakayoko.


Hamed Bakayoko et « son » Patriote dans la danse

Dans un article laborieux publié le mercredi dernier et intitulé « Affaire officiers français arrêtés et dépouillés de 45.000 euros : Toute la vérité… », Le Patriote, journal créé par l’actuel ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, tente de brouiller des pistes aussi limpides qui ont abouti à la plainte du colonel Jean Grégoire Charaux contre Wattao. D’abord sur les raisons de l’exil du Franco-ivoirien à l’extérieur de la Côte d’Ivoire, Le Patriote écrit sans se gêner : « De Lafont, les mauvaises langues avancent que ces deux sociétés qui emploient environ 4000 personnes sont en majorité des jeunes miliciens à la solde de Laurent Gbagbo (sic). A l’occasion de la crise postélectorale, l’homme a donc pris la clé des champs ». Le décor est planté. En Côte d’Ivoire, n’a-t-on pas droit à toutes sortes d’exactions et d’atrocités dès que l’on est déclaré pro-Gbagbo ? Alors, poursuit Le Patriote, « dans la communauté du renseignement, Frédéric Lafont est surveillé comme du lait sur le feu. Un informateur anonyme prévient les hommes du commandant Wattao de l’arrivée de l’ancien légionnaire ».

La suite est connue et Le Patriote la raconte dans le détail : « C’est en pleine visite avec un couple français intéressé par cette résidence qu’apparaissent des éléments de la GR aux ordres du Commandant en second de la GR. Ces personnes suspectes sont conduites à l’EGS (Etablissement général des Services) sis Zone 4. Là, ces personnes arrêtées sont dépossédées de leurs téléphones portables et autres documents et soumis à un interrogatoire par un officier de police judiciaire de la Police nationale ».

Bien entendu, dans sa volonté de blanchir Wattao, le journal ne s’aperçoit pas de la gravité de ses affirmations, à savoir que sous Alassane Ouattara, sur ordre de Wattao, les officiers de police judiciaires (OPJ) mènent leurs interrogatoires, non pas à la police judiciaire ou dans un commissariat, mais dans n’importe quel banal entrepôt ! On comprend dès lors pourquoi, comme le souligne Le Patriote, « Avant d’être libéré…, Jean Grégoire Charaux, très bavard et frileux, est prié de faire une décharge ». Le résultat de cet interrogatoire singulier est épatant : « Je soussigné M. Jean Grégoire Charaux, déclare librement et sans contrainte. J’ai reçu en retour les matériels m’appartenant, argent (575.000 FCFA), affaires. Notre interpellation et interrogatoire se sont faits sans aucune violence. Nous avons été libérés après les questions d’usage dans une procédure. Et nous avons été bien traités. Jean Grégoire Charaux. Le 20 / 08 / 2011 à 20h ». Dans une interview au quotidien français France Soir, le ministre d’Etat Hamed Bakayoko affirme, visiblement embarrassé : « Pour l’argent, s’il n’y a pas de charge, nous sommes prêts à le rendre. J’ai diligenté une enquête qui fera la lumière sur ce point. Après encore une fois, on ne trimballe pas une somme pareille. A qui est cet argent ? D’où vient-il et où allait-il ? ». Puis, sur le sort de Wattao, s’il apprenait qu’il s’est rendu coupable, Hamed Bakayoko répond : «…Mais il faudra que l’on m’apporte que cette personne est corrompue ou qu’elle n’a pas respectée le droit ». Car, pour le ministre d’Etat, « Si cet argent a été retenu c’est parce qu’il y avait suspicion ». Bien entendu, M. Bakayoko ne semble vouloir passer par perte et profit la fausse décharge signée sous contrainte par le colonel Charaux pour dire qu’il n’avait que 575.000 FCFA sur lui au moment de son interrogatoire. Où sont donc passés les 41.000 euros ? Quelle réponse Ouattara et ses hommes vont-ils donner à Nicolas Sarkozy qui réclame la tête du tout puissant chef de guerre dont quatre éléments ont déjà été arrêtés ? Affaire à suivre.

Par César Etou


Source: notre voie

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