de son salaire mensuel - soit dix fois le montant habituel - pour payer sa
dernière dialyse rénale. Le pays est confronté à une pénurie de médicaments
provoquée par des sanctions qui empêchent les bateaux européens
d'approvisionner les ports ivoiriens.
« Je devrais normalement recevoir deux traitements par semaine », a-t-il
dit à IRIN depuis le Centre hospitalier universitaire de Treichville, à
Abidjan, la capitale commerciale. « Mais depuis le début du mois de mars, je
ne peux en obtenir qu'un seul ; l'hôpital est confronté à des difficultés et
pratique des tarifs plus élevés [25 000 francs CFA (54 dollars) au lieu de 2
500 francs CFA]. Il se peut que j'en meure ».
Des employés d'hôpitaux et de pharmacies ont dit à IRIN que de nombreux
médicaments et d'autres fournitures médicales étaient devenus rares à la
suite de l'embargo sur les ports ivoiriens décrété il y a plusieurs semaines
par l'Union européenne (UE). Environ 90 pour cent des fournitures médicales
du pays viennent d'Europe, et 80 pour cent arrivent par voie maritime, a
indiqué Christine Adjobi, ministre de la Santé dans le cabinet du président
sortant, Laurent Gbagbo.
« Nous allons bientôt devoir cesser de pratiquer des interventions
chirurgicales dans nos hôpitaux », a dit à IRIN Rachel Duncan, directrice
générale de la Pharmacie de la Santé Publique (PSP) de Côte d'Ivoire, qui
s'occupe de redistribuer les médicaments et les fournitures. Elle a ajouté
que la PSP ne disposait que de 40 pour cent de ses stocks habituels. « Nous
sommes pris à la gorge par l'embargo ».
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fourni des médicaments à
certains centres de santé, notamment dans l'ouest du pays, et des kits
d'urgence et de secours à certaines organisations non gouvernementales
(ONG), mais ce n'est pas suffisant, a dit à IRIN Mamadou D. Ball,
représentant de l'OMS en Côte d'Ivoire. « C'est loin de combler les besoins
de l'ensemble du pays ».
Selon les responsables de la santé, les sanctions ne sont pas les seules
responsables : la fermeture des banques et le blocage du système financier
ivoirien ont aggravé les problèmes d'approvisionnement.
Début mars, Mme Adjobi a dit qu'un inventaire réalisé dans les centres de
santé publics du pays montrait qu'ils étaient déjà à court de kits de
dialyse et qu'il leur restait suffisamment d'antirétroviraux,
d'antipaludiques et d'antibiotiques pour tenir quatre mois. Ils disposaient
aussi d'assez de gants chirurgicaux, de poches de sang et de film
radiographique pour tenir un mois.
Le centre hospitalier de Treichville ne peut plus faire de radiographie
parce qu'il n'a plus de film, a dit à IRIN son directeur, Ezani Kodjo. «
C'est terrible, et si rien n'est fait, la situation ne peut que se
détériorer ».
Le 19 mars, dans un centre de santé situé dans la ville de Bécouéfin, à 85
kilomètres au sud d'Abidjan, IRIN a vu un médecin dire à une femme sur le
point d'accoucher qu'il pouvait l'aider à acheter les médicaments et les
fournitures nécessaires. Mais il n'a pas pu obtenir tout ce dont il avait
besoin à la pharmacie voisine.
Selon Geoffrey Koné, un jeune homme de 27 ans qui souffre de paludisme, la
population risque de se tourner vers les remèdes traditionnels. « Si les
centres de santé n'ont plus de médicaments à nous donner, il vaut mieux
revenir aux guérisseurs traditionnels ».
Des étudiants et des professeurs en sciences de la santé ont manifesté
devant le bureau de l'OMS à Abidjan le 3 mars dernier ; le lendemain, des
professionnels de la santé y ont fait un sit-in pour appeler les
institutions à séparer la politique des affaires sociales. Selon leur
leader, Serge Nando, les étudiants ont prévu de manifester à nouveau si la
situation ne s'améliore pas. « C'est inhumain. Nous allons continuer la
lutte jusqu'à ce que nous soyons entendus ».
aa/np/mw - gd/amz
par Toussaint Alain, samedi 26 mars 2011, 00:09
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