( France 24 ) A la demande d'Alassane Ouattara, le procureur de la CPI a déposé une demande d'enquête sur les crimes commis en Côte d'Ivoire après l'élection présidentielle. Une requête qui pourrait se retourner contre le président ivoirien. Par Sarah LEDUC (texte) Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, a demandé ce jeudi aux juges de la CPI l'autorisation d'ouvrir une enquête sur "les crimes qui auraient été commis en Côte d'Ivoire". Une démarche répondant à la demande du président ivoirien, Alassane Ouattara, qui a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de voir jugés les auteurs de crimes.
Soucieux de rétablir la sécurité dans son pays, Alassane Ouattara a donné, dès le départ de Laurent Gabgbo, la priorité à la justice. Dans une lettre datée du 3 mai 2011, le président ivoirien avait demandé à Luis Moreno Ocampo de mener "des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 (date du deuxième tour de l'élection présidentielle, NDLR) sur l'ensemble du territoire ivoirien. "
Selon les documents, rapports et témoignages rassemblés par le procureur, "au moins 3 000 personnes ont été tuées, 72 ont disparu et 520 ont fait l'objet d'arrestations et de détentions arbitraires" en Côte d’Ivoire. Le communiqué de la CPI affirme également que "plus de 100 cas de viols ont également été rapportés".
Pas de réconciliation possible sans justice
Cet appel du président ivoirien est pour le moins audacieux dans la mesure où le camp d’Alassane Ouattara pourrait lui aussi se voir reprocher des exactions - dans l'ouest du pays et à Abidjan. L’enquête, si les juges l’autorisent, devra notamment lever le voile sur ce qu’il s’est passé, le 29 mars dernier, dans la ville de Duékoué pendant l’assaut lancé par les forces pro-Ouattara sur ce grand carrefour de l’Ouest. Il y aurait eu environ 800 morts, selon Amnesty International et Human Rights Watch (HRW).
Le comportement des forces de sécurité de Ouattara est par ailleurs toujours pointé du doigt par les associations de défense des droits de l’Homme. Amnesty international a publié ce jeudi un rapport sur la "détention sans inculpation" de dizaines de partisans de Laurent Gbagbo.
"L’investigation sera faite et nous punirons, et ils seront devant le juge si cela est avéré. Nous voulons un Etat de droit et nul ne fera exception à cette volonté d’assainir la situation en Côte d’Ivoire (…) La justice égale pour tous", déclarait le président Ouattara le 28 mai 2011, au micro d’Europe 1, en marge du sommet du G8 de Deauville.
"Persuadé qu’il n’y a pas de réconciliation possible sans justice", selon Christophe Boisbouvier, journaliste à Radio France Internationale (RFI), le président ivoirien semble manifestement prêt à prendre le risque de permettre à la justice d’enquêter sans entrave.
Priorité : juger Laurent Gbagbo
Alassane Ouattara a plaidé, dès son investiture le 22 mai, pour la mise en place d'une "commission vérité et réconciliation qui fera la lumière sur tous les massacres" commis par les deux parties. Mais dans le même temps, le président ivoirien a annoncé le lancement d'une "procédure judiciaire contre Laurent Gbagbo, son épouse et ses collaborateurs".
"Ouattara a plusieurs priorités qui ne sont pas toujours compatibles, mais la première est de juger Laurent Gbagbo. Il veut empêcher que ce dernier ne soit lâché dans la nature en Côte d’Ivoire ou ailleurs, prêt à monter une contre-offensive militaire ou politique", analyse Christophe Boisbouvier, journaliste à RFI.
Le 28 mai dernier, lors d’un entretien exclusif accordé à FRANCE 24, Alassane Ouattara affirmait que l’ex-chef d’État Laurent Gbagbo, arrêté le 15 avril et actuellement en résidence surveillée à Korhogo, dans le nord du pays, serait présenté à la fois devant la justice nationale ivoirienne pour des crimes d’État et des crimes de droits communs, mais aussi devant un tribunal international pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
"Il y a des catégories qui relèvent des tribunaux ivoiriens: la corruption, la déstabilisation, la confiscation du pouvoir après les résultats de l’élection, les forfaitures. Tout cela peut être jugé par les tribunaux ivoiriens", avait précisé Ouattara. Mais à côté, nous avons tout de même des crimes de guerre, des crimes contre l`humanité, des crimes de sang. Nous pensons et nous demandons que Laurent Gbagbo soit jugé par la Cour pénale internationale."
Présenter Laurent Gbagbo devant la justice nationale ne plaide pas nécessairement en faveur d’une réconciliation rapide. Ce choix pourrait en particulier relancer les tensions dans un pays profondément divisé par une décennie d’instabilité politique. D’où le recours à la justice internationale. En vertu du principe de complémentarité, la CPI juge des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité lorsque la justice d'un pays ne peut ou ne veut pas le faire elle-même.
"Alassane Ouattara veut éviter un procès qui tourne à l’affrontement physique et militaire. De plus, le président ivoirien a envie d’être crédible dans ses poursuites et d’éviter une justice des vainqueurs contre les vaincus", explique Christophe Boisbouvier.
Un engagement qui doit être suivi par des actes
Soutenu par l’ensemble de la communauté internationale, Alassane Ouattara joue donc la carte de la transparence et accepte de rendre des comptes au regard de la justice internationale. Celui qui a promis "d’ouvrir la Côte d’Ivoire au monde entier", comme il l’a dit dans une interview accordée à Europe 1 le 28 mai, s’inscrit d’emblée dans une politique d’ouverture.
Les observateurs restent cependant sur leurs gardes. En 2003, Laurent Gbagbo avait lui aussi décidé de saisir, via le Conseil de sécurité de l'ONU, la Cour pénale internationale pour enquêter sur l'ensemble des exactions commises dans son pays. Une démarche qui était restée lettre morte.
"Gbagbo n’a jamais laissé le procureur mettre un pied en Côte d’Ivoire, précise Salvator Sagues, chercheur spécialisé sur la Côte d’Ivoire pour Amnesty International, alors pour Ouattara on attend de voir sur pièce. Il prend des engagements, mais nous attendons de voir s’ils seront suivis d’actes, car pour l’instant, des violations continuent d’être perpétrées en Côte d’Ivoire, et elles sont commises par les forces de sécurité du président."
On devrait être assez rapidement fixé. Une délégation de neuf membres du bureau de M. Moreno-Ocampo, menée par la procureure adjointe Fatou Bensouda, se rendra dès lundi en Côte d'Ivoire
Soucieux de rétablir la sécurité dans son pays, Alassane Ouattara a donné, dès le départ de Laurent Gabgbo, la priorité à la justice. Dans une lettre datée du 3 mai 2011, le président ivoirien avait demandé à Luis Moreno Ocampo de mener "des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 (date du deuxième tour de l'élection présidentielle, NDLR) sur l'ensemble du territoire ivoirien. "
Selon les documents, rapports et témoignages rassemblés par le procureur, "au moins 3 000 personnes ont été tuées, 72 ont disparu et 520 ont fait l'objet d'arrestations et de détentions arbitraires" en Côte d’Ivoire. Le communiqué de la CPI affirme également que "plus de 100 cas de viols ont également été rapportés".
Pas de réconciliation possible sans justice
Cet appel du président ivoirien est pour le moins audacieux dans la mesure où le camp d’Alassane Ouattara pourrait lui aussi se voir reprocher des exactions - dans l'ouest du pays et à Abidjan. L’enquête, si les juges l’autorisent, devra notamment lever le voile sur ce qu’il s’est passé, le 29 mars dernier, dans la ville de Duékoué pendant l’assaut lancé par les forces pro-Ouattara sur ce grand carrefour de l’Ouest. Il y aurait eu environ 800 morts, selon Amnesty International et Human Rights Watch (HRW).
Le comportement des forces de sécurité de Ouattara est par ailleurs toujours pointé du doigt par les associations de défense des droits de l’Homme. Amnesty international a publié ce jeudi un rapport sur la "détention sans inculpation" de dizaines de partisans de Laurent Gbagbo.
"L’investigation sera faite et nous punirons, et ils seront devant le juge si cela est avéré. Nous voulons un Etat de droit et nul ne fera exception à cette volonté d’assainir la situation en Côte d’Ivoire (…) La justice égale pour tous", déclarait le président Ouattara le 28 mai 2011, au micro d’Europe 1, en marge du sommet du G8 de Deauville.
"Persuadé qu’il n’y a pas de réconciliation possible sans justice", selon Christophe Boisbouvier, journaliste à Radio France Internationale (RFI), le président ivoirien semble manifestement prêt à prendre le risque de permettre à la justice d’enquêter sans entrave.
Priorité : juger Laurent Gbagbo
Alassane Ouattara a plaidé, dès son investiture le 22 mai, pour la mise en place d'une "commission vérité et réconciliation qui fera la lumière sur tous les massacres" commis par les deux parties. Mais dans le même temps, le président ivoirien a annoncé le lancement d'une "procédure judiciaire contre Laurent Gbagbo, son épouse et ses collaborateurs".
"Ouattara a plusieurs priorités qui ne sont pas toujours compatibles, mais la première est de juger Laurent Gbagbo. Il veut empêcher que ce dernier ne soit lâché dans la nature en Côte d’Ivoire ou ailleurs, prêt à monter une contre-offensive militaire ou politique", analyse Christophe Boisbouvier, journaliste à RFI.
Le 28 mai dernier, lors d’un entretien exclusif accordé à FRANCE 24, Alassane Ouattara affirmait que l’ex-chef d’État Laurent Gbagbo, arrêté le 15 avril et actuellement en résidence surveillée à Korhogo, dans le nord du pays, serait présenté à la fois devant la justice nationale ivoirienne pour des crimes d’État et des crimes de droits communs, mais aussi devant un tribunal international pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
"Il y a des catégories qui relèvent des tribunaux ivoiriens: la corruption, la déstabilisation, la confiscation du pouvoir après les résultats de l’élection, les forfaitures. Tout cela peut être jugé par les tribunaux ivoiriens", avait précisé Ouattara. Mais à côté, nous avons tout de même des crimes de guerre, des crimes contre l`humanité, des crimes de sang. Nous pensons et nous demandons que Laurent Gbagbo soit jugé par la Cour pénale internationale."
Présenter Laurent Gbagbo devant la justice nationale ne plaide pas nécessairement en faveur d’une réconciliation rapide. Ce choix pourrait en particulier relancer les tensions dans un pays profondément divisé par une décennie d’instabilité politique. D’où le recours à la justice internationale. En vertu du principe de complémentarité, la CPI juge des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité lorsque la justice d'un pays ne peut ou ne veut pas le faire elle-même.
"Alassane Ouattara veut éviter un procès qui tourne à l’affrontement physique et militaire. De plus, le président ivoirien a envie d’être crédible dans ses poursuites et d’éviter une justice des vainqueurs contre les vaincus", explique Christophe Boisbouvier.
Un engagement qui doit être suivi par des actes
Soutenu par l’ensemble de la communauté internationale, Alassane Ouattara joue donc la carte de la transparence et accepte de rendre des comptes au regard de la justice internationale. Celui qui a promis "d’ouvrir la Côte d’Ivoire au monde entier", comme il l’a dit dans une interview accordée à Europe 1 le 28 mai, s’inscrit d’emblée dans une politique d’ouverture.
Les observateurs restent cependant sur leurs gardes. En 2003, Laurent Gbagbo avait lui aussi décidé de saisir, via le Conseil de sécurité de l'ONU, la Cour pénale internationale pour enquêter sur l'ensemble des exactions commises dans son pays. Une démarche qui était restée lettre morte.
"Gbagbo n’a jamais laissé le procureur mettre un pied en Côte d’Ivoire, précise Salvator Sagues, chercheur spécialisé sur la Côte d’Ivoire pour Amnesty International, alors pour Ouattara on attend de voir sur pièce. Il prend des engagements, mais nous attendons de voir s’ils seront suivis d’actes, car pour l’instant, des violations continuent d’être perpétrées en Côte d’Ivoire, et elles sont commises par les forces de sécurité du président."
On devrait être assez rapidement fixé. Une délégation de neuf membres du bureau de M. Moreno-Ocampo, menée par la procureure adjointe Fatou Bensouda, se rendra dès lundi en Côte d'Ivoire
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