Tapé GROUBERA
Depuis le début mois de janvier 2012, la Côte d’Ivoire connait beaucoup de mouvements : arrivée de la secrétaire américaine Hillary CLINTON, suivi de sa déclaration, l’envoie par Sarkozy d’un n ième conseiller à son « petit » Ouattara (pour emprunter les mots aux Ivoiriens), sans oublier l’attaque du meeting du Front Populaire Ivoirien. Enfin, il y a l’arrivée en France de M. Ouattara. Mais qu’est-ce qui cache tous ces évènements ?
1. La France ne se bat que pour elle-même
Au lendemain de la guerre de 1939-1945, les Etats Unis et l’URSS[1] sont devenues les deux plus grandes puissances mondiales donnant lieu à une bataille rangée entre deux blocs : Ouest/Est. Dans le bloc de l’ouest, les Etats Unis faisaient office de leader devenant du coup le pays « (…) la superpuissance tutrice, l’arsenal, le cerveau et le siège historique et intellectuel de l’impérialisme capitaliste multinational »[2]. La France, malgré sa faiblesse devant ce géant s’est souvent montrée velléitaire, donnant l’impression de contester cette hégémonie. Ainsi, du général de Gaulle à Jacques Chirac en passant par Mitterrand, on a eu droit à quelques « révoltes » de ces dirigeants: Sortie de l’OTAN par de Gaulle ; et tout près de nous, en 2003, le baroude d’honneur du gouvernement Chirac contre l’invasion de l’Irak.
Avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, il y a eu un changement de situation. La France de Sarkozy s’était mise presqu’à la « disposition » des Etats Unis. Le président français se montrait très « américanisé », faisant même de Barak Obama son ami. Mieux, le couple Sarkozy- Bruni s’était lié d’amitié à celui d’Obama-Michelle. Cela a certainement fait croire à M. Obama que la Nicolas Sarkozy avait mis la France au service des Etats Unis, surtout lorsque la France a fait la guerre en Côte d’Ivoire pour installer son préfet Ouattara.
Or le général de Gaulle disait : « Un pays comme la France, s’il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre »[3]. Cela veut dire que la France ne fait pas la guerre pour autrui. Elle est, d’ailleurs, restée conforme à cette logique même à l’élection de Sarkozy. Ainsi, à l’installation de M. Ouattara par l’impérialisme international (pardon la « communauté internationale »), singulièrement la France[4]et ses affidés regroupés dans la « Fançafrique » tous les marchés ont été offerts à la France. Souvenons-nous, le 14 juillet dernier (2011), le premier ministre français « François Fillon a effectué une visite en Côte d’Ivoire pour s’entretenir avec Alassane Ouattara. Dans les bagages du Premier ministre, une centaine d’entreprises attirées par la reconstruction et la relance de l’économie du pays. (…) avec Ouattara ce pourrait être l’extase pour les 200 filiales de groupes français exerçant à Abidjan. (…) Et ça n’est pas fini. Pour preuve, lors de sa visite à Abidjan après le traditionnel défilé du 14 Juillet sur les Champs-Élysées, à Paris, le Premier ministre français François Fillon est venu accompagné d’une délégation d’une centaine de chefs d’entreprise, conduits par Patrick Lucas, président du comité Afrique du Medef, la principale organisation patronale française. (…) Outre la date, la logistique déployée par Paris témoigne de l’importance stratégique de ce séjour. Trois Airbus ont été mobilisés. Ce voyage coûtera plus de 200?000 euros au gouvernement français»[5].
En plus, selon la publication « La Lettre du Continent » N° 626 du 5 janvier 2012, M. Ouattara a cédé la gestion de l’hôtel Ivoire au groupe français d’hôtellerie, dénommé Accord. Or cet édifice représente l’un des patrimoines historiques et symboliques de la Côte d’Ivoire.
2. Bataille entre l’impérialisme américain et l’impérialisme français sur le sol ivoirien
«Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent». J- P Sartre
a) Le sens de la visite de la secrétaire d’Etat Hillary CLINTON à Abidjan
Le 17 janvier dernier, Mme Hillary CLINTON, Secrétaire d’Etat Américain, s’est rendue en Côte d’Ivoire. L’objectif officieux est de demander à M. Ouattara de tenir compte- dans le partage des ressources de la Côte d’Ivoire et aussi des marchés – des Etats Unis. Car cette puissance a toujours soutenu M. Ouattara, après qu’elle l’ait au préalable hébergé surtout lorsqu’il était étudiant. Ouattara n’affirmait-il pas lui-même qu’il ne connaissait et ne comprenait en 1992 que le système américain[6] ? D’autre part, il y a ce passé brumeux de Ouattara– qui est en fait un passif pour lui – dont les Etats Unis possèdent encore des dossiers.
Si les Etats Unis ne sont pas intervenus militairement, il n’empêche qu’ils ont quand même aidé Ouattara à s’installer au pouvoir en Côte d’Ivoire. Alors, les Etats Unis veulent une reconnaissance. À défaut d’avoir la moitié, l’impérialisme américain veut consolider ses anciens acquis, obtenus sous les différents régimes, notamment avec celui du président GBAGBO. Et, ils (les Américains) veulent une « saine » concurrence entre les puissances impérialistes qui n’a son sens qu’avec le départ de soldats français qui font actuellement office de police en Côte d’Ivoire. Pour ne plus donner justificatif à cette présence (des soldats français), il faut aussi qu’il n’y ait plus les rebelles et leurs supplétifs dozos et miliciens dans les rues (qui terrorisent quotidiennement les populations). Pour faire pression et se donner bonne conscience par rapport aux massacres perpétrés par les FRCI de Ouattara, les Etats Unis demandent aussi l’inculpation des auteurs. Or SORO Guillaume est considéré à tort comme le véritable chef des rebelles. Alors qu’en réalité, le vrai commanditaire est M. OUATTARA. Bref,
C’est ainsi que, subitement, SORO et des chefs rebelles sont afin indexés pour leurs nombreux massacres perpétrés. Pourtant ces derniers sont reconnus et identifiés avec M. Ouattara depuis septembre 2002 comme des assassins et criminels. Donc, « la pacification » du pays est devenu nécessaire non pas pour le bien des populations ivoiriens mais pour la nécessité de « business » des empires . Cela va donner lieu à la déclaration de principe d’OBAMA après l’attaque du meeting du Front Populaire à Ficgayo à Yopougon (Abidjan), le samedi 20 janvier dernier. Mais, c’est surtout aussi la signification de l’article du journal Jeune Afrique : « Les États-Unis souhaitent que Guillaume Soro et tous les proches du pouvoir qui auraient pu commettre des crimes et exactions comparaissent devant la Cour pénale internationale (CPI), même en qualité de simples témoins. Ce message très clair a été passé au président ivoirien, confie une source américaine consultée par Jeune Afrique. »[7].
b) De la réplique de l’impérialisme français aux réponses de Ouattara
La France qui a toujours considéré la Côte d’Ivoire comme « sa chose » trouve inacceptable cette immixtion des Américains. Ne dit-on pas que deux mesures valent mieux qu’une. En effet, la réponse de la France ne s’est pas attendre. Le quotidien ivoirien « L’Inter » dans sa parution du 22 janvier donne une l’information relative à la réplique de la France : « Selon le bimensuel La Lettre du Continent, dans sa dernière livraison en date du 19 janvier 2012, l’Élysée vient d`affecter Thierry Le Roy, membre du Conseil d’État en France, auprès du chef de l’État ivoirien. (…) Thierry Le Roy vient renforcer l`effectif de la dizaine de conseillers français qui travaillent déjà auprès de l`exécutif ivoirien. Il rejoint ainsi le Général Claude Réglat, ancien commandant des Forces françaises au Gabon (FFG, l`équivalent de l`ex-43e BIMA, rebaptisé Opération Licorne depuis quelques années maintenant) arrivé sur les bords de la Lagune Ébrié l`été dernier ; avec pour mission de réformer le secteur de la sécurité et de la défense de la Côte d`Ivoire »[8].
L’autre élément de la réplique de la France, est la visite de M. Ouattara à Paris du 25 au 28 janvier. Initialement privée et prévue à Bordeaux, cette visite est finalement devenue officielle. M. Ouattara, dans un journal français[9], donne les deux sens réels de cette visite.
Primo, il vient en France pour remercier ses maîtres[10] : « Je viens (…) remercier le président Sarkozy et son gouvernement pour l’intervention menée en avril sous mandat des Nations unies ».
Deuxio, il vient pour rendre compte à ses maîtres dans le programme élaborés par ces derniers et leur faire part de la demande des Américains: « (…) je suis l’invité du chef de l’Etat et je suivrai le programme établi par les autorités françaises. Je n’aurai donc pas d’entretiens bilatéraux avec des chefs d’entreprise ou des hommes politiques ».
Par ailleurs, M. Ouattara, dans cette même interview, va plus loin en répondant aux Américains, singulièrement à Mme H. CLINTON :
En ce qui concerne l’envoi des rebelles (SORO et les autres rebelles à la CPI, Ouattara fait comprendre que cela ne se fera pas. Pour lui, ni SORO, ni aucun autre rebelle n’est concerné pas les « accusations » proférés à leur endroit. Car les coupables sont déjà arrêtés et inculpés. Lisons-le : « (…) il y a d’ores et déjà eu une série d’inculpations pour les responsables d’exactions commises pendant la crise post-électorale ».
Cependant, si les Etats Unis apportent la preuve de la culpabilité de ses rebelles, M. Ouattara fait savoir qu’ils seront jugés localement. Voyons l’extrait de cette interview : « Bientôt, la justice ivoirienne sera en mesure de prendre tous ces dossiers en main. La Cour pénale internationale continue tant que la justice ivoirienne n’a pas les moyens de juger ».
Quant à l’occupation de la Côte d’Ivoire par les soldats français, Ouattara fait comprendre que tout dépendra de la volonté de ses maîtres. Ce sont eux qui décident :
« La France doit rester dans notre pays plus longtemps et de manière plus substantielle ».
Enfin, sur la question de la « libre concurrence », Ouattara soutient que tout est réservé à la France malgré la sollicitation des autres. Lisons-le : « (..) La France demeure notre partenaire privilégié. Je lancerai, vendredi, au Medef un appel aux entreprises françaises pour les inciter à accélérer leur retour en Côte d’Ivoire. Les entreprises des autres pays reviennent au galop, pas les sociétés françaises et je le regrette. ( …) Sur un certain nombre de grands projets, les entreprises françaises ne sont souvent pas les premières à se manifester ».
Conclusion
Les nombreux mouvements observés et de déclarations entendus en ce mois de janvier 2012, en Côte d’Ivoire, dénotent plus d’une guerre économique entre puissances impérialistes (la France et les Etats Unis) que de se préoccuper du bien être d’une population agressée et terrorisée par le régime de Ouattara. Car les actions de ces puissances n’ont pas pour but de permettre l’instauration des libertés politiques les plus élémentaires qui, jusque-là, existaient sous le régime du président GBAGBO. D’ailleurs, la preuve a été donnée par l’attaque du meeting du Front Populaire Ivoirien le samedi 20 janvier par des hommes en civils que M. Ouattara a envoyés et qu’il a confessé dans son interview :
« Ce sont les populations qui sont sorties dans la rue, même s’il devait y avoir aussi des militants du RDR [le parti de M. Ouattara]. Tous ces gens voient [dans les dirigeants du FPI] des concitoyens qui ont tué leurs parents. »
C’est pourquoi, les Ivoiriens doivent continuer de lutter Ils l’ont d’ailleurs bien compris ; et savent que leur salut ne viendra que de leur détermination, avec l’appui de leurs frères Africains et des citoyens démocrates des autres continent.
Tapé GROUBERA,
Président du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (MORAf)
[1] Cette hégémonie a duré jusqu’en novembre 1989 avec la « tombée du mur de Berlin »
[2]Jean ZIEGLER, Main basse sur l’Afrique, 1978, Seuil, p.50
[3] J-R . TOURNOUX, la tragédie du général, 1967, Plon, p.316
[4] « Je viens ainsi d’abord remercier le président Sarkozy et son gouvernement pour l’intervention menée en avril sous mandat des Nations unies (…) », propos tenus par Ouattara lui-même dans le quotidien français Le monde à consulter sur : http://www.ivoirebusiness.net/?q=node/8311, (consulté le 26/01/2012)
[5] Jeune Afrique du 19 juillet 2011
[6] Propos tenus à l’émission télé du jeudi 1er octobre 1992, à la RTI (Radio Télévision Ivoirienne)
[7] http://www.infodabidjan.net/politique/etats-unis-cote-divoire-les-verites-dhillary-clinton-a-alassane-ouattara/, consulté le 19/1/2012
[8] http://www.infodabidjan.net/uncategorized/presidence-de-la-republique-paris-affecte-un-nouveau-conseiller-a-ouattara-ce-quil-vient-faire/, consulté le 22/01/3012
[9] http://www.ivoirebusiness.net/?q=node/8311, consulté le 27/01/2012
[10] D’abord, Sarkozy était présent le 27 mai 2011 à Abidjan (Côte d’Ivoire) lo
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