jeudi 30 juin 2011

Guerre post-électoarale : Les confessions d’un combattant pro-Ouattara


Source : Notre voie : Dernière Mise à jour : 30/06/2011 (Auteur : autres) 

Il a déliée sa langue pour nous raconter sa participation à la guerre post-putsch d’Abidjan et ses corolaires. Samedi 25 juin. Il est environ 15 h, un taxi-compteur en provenance des Deux plateaux les Vallons va bientôt traverser l’échangeur situé derrière l’Ecole nationale de police. Il avance vers le boulevard Mitterrand. Il a son bord deux passagers. L’un deux attire l’attention de son voisin sur de nombreux impacts de balles sur un bâtiment qui abritent une direction locale des Impôts. La vingtaine, barbe crêpelée, culotte-chasseur, sandalettes aux pieds, le chauffeur ne laisse pas le moindre temps au second passager de placer son commentaire : « Attendez, je vais expliquer. Ici ont eu lieu des combats durs. Ah, on a eu chaud. Je me rappelle qu’un jour, c’est le commandant Morou Ouattara et ses hommes qui nous ont sauvés la vie. Mes frères et moi on était bloqués là depuis la nuit jusqu’à 13 h, tombés dans une embuscade des éléments des ex-FDS pro Gbagbo », raconte-t-il, les yeux brillants de joie. 

Les deux passagers, subjugués par son récit, savent désormais qui est en face d’eux. Le taxi avance. Ils sont sommes maintenant à l’entrée de la cité Cadres, juste avant le feu tricolore, devant la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme. « Je faisais partie des hommes de Gbazo. Il est à Abobo-là bas. C’est un vrai garçon qui ne recule devant rien. Mais il n’aime pas se faire voir. Il nous a gonflés le moral. Inch ’Allah, je suis sorti vivant de cette bataille. Vous voyez (il montre les abords de la rue), partout ici, il y avait de nombreux cadavres. Ce qui est sûr, nos gars sont tombés. Chez les miliciens de Gbagbo aussi. La guerre, ce n’est pas bon», renchérit le chauffeur qui se rappelle un de ses trophées de guerre. « Un jour, un mogo-là (un homme). Il a le blé à chier. On voulait lui arracher sa 4XA nickel (flambant neuve). Il a dindin (réfléchi). Il dit : Mes fistons qu’est-ce que vous voulez pour me laisser en vie ? Et puis, il a sorti un gbonhi (une liasse d’argent). C’était 7 briques (millions). Eh, vieux mogo, on a eu des mogo comme ça, hein. Ceux-là, c’est pas à cause de l’argent, il vont djah (se laisser tuer). C’est comme ça, nous on a attrapé blé-là et puis on a fait get juste (partage équitable). Ou bien, ce que Dieu t’a donné-là, il faut djoh (prendre) ça. »
Visiblement, le jeune homme est très inspiré, parle sans retenue et n’hésite pas à répondre à toutes leurs curiosités.
Après la commune d’Abodo et de Cocody, celle de Yopougon était le théâtre des affrontements entre pro-Outtara et les résistants pro-Gbagbo, auxquels notre chauffeur affirme avoir pris part. Une fois de plus, il dit l’avoir échappé belle. Il en témoigne : « C’est une Renault 406 que j’ai arrachée à une dame qui m’a sauvé, au quartier Koweit. Je dis, un jour, je suis tombé dans une pluie de tirs à la roquette. Wah allahi, si on avait une 4X4, on allait djah. Non, je respecte camion-là. Sur la plaque d’immatriculation, j’ai écrit BSB. Vous savez ce que ça veut dire ? Bandit suit bandit. Voilà mes Vieux mogo. »
Au bout de leur course, le chauffeur confie qu’il est retourné à sa vie normale. « Ce pour quoi, je combattais, je l’ai eu. C’est pour cela que j’ai rendu ma kalach et mon treillis. Moi, je vivais entre le Libéria et la Côte d’Ivoire. Je ne suis pas prêt à aller dans l’armée. Là-bas on peut te coucher (t’abattre) à tout moment. L’armée, c’est pour le militaire. Tranquille. Je suis retourné à mon volant. Mais, cela ne m’a pas empêché d’aller prendre mes 100 mille FCFA, il y a quelques jours. On nous a dit que c’est prix de savon pour nos treillis. Ce qui est sûr, je n’ai plus de treillis pour laver mais j’ai djoh quand-même. Ça peut me sutra, ou bien ? »
Ils auraient bien aimé continuer d’être suspendus aux lèvres du conducteur qui est sans doute capable de révéler des choses plus intéressantes. Mais un embouteillage l’a obligé de s’excuser auprès de ses passagers et de gagner d’autres cieux. Pourvu qu’il n’y croise pas un jour une de ses victimes revanchardes d’hier qui pourrait lui faire payer ce qui apparaît pour lui comme la plus belle histoire de sa vie à raconter à tout bout de champs. Sans remords.


Zabril Koukougnon

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