Cette fois on sait. Pas tout évidemment, car, compte tenu de la gravité de la situation au Japon (radioactivité trop élevée dans des légumes de Tokyo, niveau d'iode radioactif dans l'eau du robinet à Tokyo) on ne doit nous dire que le strict nécessaire. Mais on sait que les efforts pour limiter les fuites radioactives ont été suspendus hier, car les autorités japonaises redoutent que le coeur du réacteur N°3 ne soit fissuré. En l'absence de réponses claires sur les effets des rayonnements, l'inquiétude continue de croître au fil des annonces de nouveaux cas de contamination au Japon.
LEGENDE : Sur cette photo de la centrale, on peut voir l'unité n°1 qui a totalement perdu son toit (lors de la première explosion), à comparer au bâtiment n°2 à sa droite quasiment intact. Mais l'important dans cette photo, c'est l'unité n°3 surmontée de deux panaches, après avoir subi une explosion de beaucoup plus grande ampleur, lundi 14 mars. Ces deux panaches correspondent à de la fumée s'échappant de la PISCINE et du REACTEUR. Cette photo conforte les hypothèses qui indiquent la possibilité d'une "mise à l'air" du coeur du réacteur, avec relargage directement dans l'air des produits de fission. ( Voir le blog de Dominique Leglu)
Ou sont passés les dirigeants de TEPCO ?
Silencieux depuis une semaine sur cette crise, le Premier ministre a prévenu que les problèmes n'étaient "absolument pas sur le point" d'être réglés. "Nous faisons des efforts pour empêcher que cela empire mais j'ai le sentiment que nous ne pouvons pas nous permettre la moindre suffisance", a dit le chef du gouvernement. "Nous devons rester sur nos gardes." Déjà, la veille, TEPCO, l'opérateur privé, rappelons-le, de la centrale de Fukushima, évoquait l'idée d'une fuite d'uranium et de plutonium hors des réacteurs, envisageant l'hypothèse une reprise ponctuelle de la « fission nucléaire ». Les dirigeants de cette firme privée semblent avoir disparu après avoir présenté leurs excuses au peuple japonais, inclinant le buste comme ils l'avaient déjà fait en 2000, 2003, 2007, en promettant chaque fois de prendre toutes les mesures...
Le plutonium reste dangereux pour une durée correspondant à des milliers de générations humaines !
Or selon l'Agence de sûreté nucléaire japonaise, les niveaux de radiations très élevés détectés le 23 mars dans l'eau de la turbine du réacteur n° 3 proviennent du coeur du réacteur. Si les efforts se focalisent sur le réacteur trois de Fukushima, c'est que celui-ci représente une menace majeure parce qu'il est le seul de la centrale à être chargé avec du Mox, contenant du plutonium : des ingénieurs nucléaires occidentaux préviennent que la fuite de Mox dans l'atmosphère produirait un nuage radioactif beaucoup plus dangereux que celui provoqué par les réacteurs à l'uranium. Car le Mox, mélange d'oxydes d'uranium et plutonium, étant beaucoup plus instable et radioactif, augmente les risques d'accidents nucléaires et, en cas de fuite, est plus nocif. Le plutonium, à cause de sa durée de demi-vie, reste dangereux pour une durée correspondant à des milliers de générations humaines.
Les autorités demandent-elles à une population probablement contaminée, de quitter la zone sans être ni répertoriée, ni soumise au minimum de suivi médical ?
C'est dans ces conditions qu'on a appris hier une nouvelle ahurissante : le gouvernement japonais a encouragé hier les gens vivant à l'intérieur du périmètre de 20 à 30 kilomètres de la centrale nucléaire, à le quitter « volontairement ». Le choix du mot « volontairement » n'est évidemment pas innocent : il s'agit de ne pas affoler une population dont l'inquiétude augmente, alors que les gens, cloîtrés, sont dans un état sanitaire préoccupant (pas d'eau courante, pas d'électricité, pas de chauffage et bientôt à court de vivres). Mais également la notion de "départ volontaire" permettra aussi d''éviter d'indemniser las populations qui ont perdu leur maison, leur commerce, leur usine...Car ils sont partis "volontairement", ils n'ont pas été" évacués. De même, hier dans le Monde, on expliquait que le seuil de radioactivité admissible pour un travailleur dans une centrale nucléaire venait d'être drastiquement relevé afin de ne pas avoir à indemiser dans le futur les agents de TEPCO qui développeront des cancers, voire même leurs familles quand ils seront morts ! La Commission gouvernementale de sûreté nucléaire a également recommandé l'évacuation « volontaire », affirmant que le rejet de matières radioactives de la centrale devrait se poursuivre pendant un certain temps ! Ce qui pourrait signifier, traduit en clair, que les autorités demandent à une population probablement contaminée, de quitter la zone sans être ni répertoriée, ni soumise au minimum de suivi médical ! Ce genre d'attitude ne nous avait pas surpris de la part des soviétiques lors de Tchernobyl, mais venant de la part d'un gouvernement démocratique, régnant sur le pays qui a connu Hiroshima et Nagasaki, c'est une irresponsabilité aussi stupéfiante que criminelle.