mercredi 30 novembre 2011

Transfert de Gbagbo à la CPI : le film d’un déchirement

Aéroport de Korhogo. Décollage du Président Gbagbo hier nuit (29/11) pour La Haye. De afp.

Par Le Nouveau courrier le 30/11/11 - Alassane Ouattara l’a appelé de tous ses vœux, au point d’en faire un axe central de son programme de gouvernement. Hier, la CPI a formellement inculpé le président Gbagbo. Et l’a immédiatement transféré à La Haye. La journée d’hier, mardi 29 novembre 2011, a été particulièrement chargée et harassante hier pour le président Gbagbo à Korhogo. En fin de matinée, ce mardi, assisté de ses avocats, il reçoit la visite d’un magistrat de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel d’Abidjan. Qui doit venir, lui a-t-on dit, pour vérifier ses conditions de détention. Le président Gbagbo croit que cette visite fait partie de la réponse à la requête qu’il a émise : pouvoir marcher dans la cour de sa «cachette» deux heures par semaine. Quand la délégation d’Abidjan arrive à son lieu de détention, elle ne prend même pas la peine de s’asseoir. Une lettre lui est tout simplement tendue. Quand il interroge ses hôtes sur son contenu, il n’a droit qu’à des mines gênées. On lui explique que puisque le courrier lui est adressé, il doit en avoir la primeur. C’est donc avec surprise qu’il se rend compte qu’il s’agit d’un mandat d’arrêt émis par la Chambre préliminaire de la CPI.

«Que devons-nous faire maintenant ?», demande-t-il, en substance. Il lui est demandé de suivre ses hôtes au tribunal pour que le mandat d’arrêt lui soit officiellement signifié et qu’il réagisse. Ses avocats nationaux, surpris, demandent un report pour concertation. Un refus leur est opposé. De vifs échanges s’ensuivent. Face à la situation, le président Gbagbo choisit de parler à ses avocats. Pour lui, la décision de son inculpation est une décision politique. Et au vu de la volonté du nouveau régime de le transférer devant La Haye le plus tôt possible, obtenir un répit ne servirait à rien. Après avoir donc pris connaissance des documents, il les signe, sous l’œil vigilant de ses défenseurs. La procédure ivoirienne est ainsi mise en veilleuse, le régime ayant opté pour son transfèrement à La Haye, prétendu gage d’une vraie réconciliation. A partir de cet instant, les choses vont s’accélérer. Le président Laurent Gbagbo, qui a fait revenir Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié de France en 2001, devient le premier ivoirien contraint à l’exil. En dépit de la Loi fondamentale.
Laurent Gbagbo aux Ivoiriens : «Ne pleurez pas, soyez forts…»

Le président Gbagbo, qui a toujours œuvré pour le bien-être des Ivoiriens, est resté fort et digne face à cette autre épreuve qui, assurément, afflige les patriotes voiriens et les démocrates, épris de paix. C’est donc fort logiquement qu’il refuse que les Ivoiriens qui l’ont soutenu et le soutiennent encore sombrent dans la détresse. Voici son message au peuple ivoirien, par le biais de ses avocats, présents à ses côtés à Korhogo : «Ne pleurez pas, soyez forts et courageux, le temps est un autre nom de Dieu». Aux environs de 17h 40, le président Gbagbo qui n’a pas mangé de la journée, ayant été retenu au tribunal toute la journée, regagne – sous la surveillance des hommes de Fofié Kouakou – la villa où il est maintenu en résidence surveillée depuis sa déportation à Korhogo, au lendemain de son arrestation.
Aux environs de 18 heures, la nouvelle de son transfèrement à La Haye, à bord d’un avion qui attendait à l’aéroport de Korhogo, fait le tour du monde. L’information sera confirmée quelques heures plus tard par des sources proches des avocats de Laurent Gbagbo. La nouvelle a profondément ému les Ivoiriens qui ont vite regagné leurs domiciles. Tous s’indignaient de l’attitude des nouveaux dirigeants et formulaient des prières à l’endroit de Laurent Gbagbo. Un digne fils de Côte d’Ivoire que Ouattara envoie croupir a mille lieues de la terre de ses ancêtres. L’histoire le retiendra.
Stéphane Bahi

Guy Labertit (France) et Félix Atchadé (Sénégal) « La CPI, instrument de la justice des vainqueurs »
par La rédaction le 30/11/11 à 2:21

C’est par une procédure confidentielle que celui qui a dirigé pendant plus de dix ans la Côte d’Ivoire, le Président Laurent Gbagbo, est déféré à La Haye devant la Cour pénale internationale (CPI). Par la nature arbitraire de son acte qui enfreint la légalité et ressort de la justice des vainqueurs, la CPI confirme qu’elle ne dit pas le droit. En prétendant juger le Président Gbagbo, elle n’est qu’un instrument politique au service des puissances occidentales qui continuent de dominer l’essentiel du continent africain et ses richesses naturelles, qui continuent d’étouffer ceux qui aspirent à une authentique souveraineté, plus de cinquante après les indépendances. C’est depuis la fin des années 1960 le sens du combat de Laurent Gbagbo, opposant, qui a promu le multipartisme face au parti unique, de Laurent Gbagbo, Président, qui entendait que les Ivoiriens aient la maîtrise de leur destin.
Comment tolérer qu’un simple litige électoral national après une campagne que tous avaient jugé exemplaire ait pu conduire, sans que ne soient recomptés les bulletins de vote, à une intervention armée sans précédent de la France ordonnée par le Président Sarkozy qui a outrepassé les résolutions de l’ONU allant jusqu’à bombarder la résidence présidentielle. C’est par la force de l’armée française appuyée par l’ONUCI, parfois mise devant le fait accompli, qu’un Président, Alassane Ouattara, a été imposé à la Côte d’Ivoire, au mépris de la souveraineté des institutions ivoiriennes. Sept mois après son installation, celui qui s’est appuyé pendant huit ans sur une rébellion armée, cautionnant toutes formes de violence, pour se maintenir sur l’échiquier politique ivoirien, jette le masque. Les cadres de l’ancienne majorité présidentielle restent détenus, l’opposition est muselée, les journalistes sont arrêtés ou licenciés en masse. La France maintient à bout de bras, tant au plan financier que sécuritaire ce pouvoir né d’une rébellion armée contre les institutions républicaines de la Côte d’Ivoire, et issu de résultats frauduleux du scrutin du 28 novembre 2010.
Comment croire à l’équité du procureur de la CPI Moreno Ocampo qui a bâclé son enquête partiale en terre ivoirienne et se trouvait au domicile parisien du président Ouattara trois jours avant l’annonce officielle du mandat d’arrêt ? Plus que jamais la libération du Président Gbagbo et de tous les détenus politiques en Côte d’Ivoire peut créer les conditions indispensables à la réconciliation et à la paix en Côte d’Ivoire.

Félix ATCHADÉ et Guy LABERTIT

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