vendredi 30 décembre 2011

Le sale jeu des Américains et le fiasco de Sarko

Voilà une nouvelle analyse de l’ancien ministre délégué à la Restructuration québécois dans le cabinet Parizeau à ne pas lire à la légère. Où l’on voit la complicité gravissime de Sarkozy avec les Américains. Question à se poser : Et la France, dans tout ça ?... Vivement qu’il soit viré du pouvoir ! (Jean Dornac)

CRISE MONDIALE
La fin de partie approche
Tribune libre de Vigile
Texte repris par d’autres sites :
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Depuis quelques semaines, nos médias ont commencé à nous informer à peu près correctement sur l’évolution de la crise qui secoue l’économie mondiale et qui menace désormais non seulement les acquis de plusieurs générations, mais même la paix dans le monde.
Ceux d’entre vous qui n’ont pas suivi régulièrement l’évolution de cette crise depuis 2008 ne sont malheureusement pas renseignés sur le sale jeu des Américains depuis qu’il est devenu évident qu’ils risquaient eux-mêmes de devenir des victimes de cette crise et que celle-ci menaçait également leur hégémonie dans le monde.



Le premier problème auquel ils font face, c’est l’énormité des moyens financiers qu’ils ont dû mettre en oeuvre pour éviter que le système mondial ne s’effondre dès 2008. Au départ, il n’était question que d’une somme qui avoisinerait les 1 000 milliards $, mais au fur et à mesure que le temps passe, on découvre que la véritable ampleur de l’intervention de la FED dans les marchés aurait plutôt été de l’ordre de 29 000 milliards $.

Ce chiffre est si énorme qu’il dépasse, et de loin, la capacité de la plupart d’entre nous à le mettre en perspective. Mais disons rapidement que c’est le double du PIB des États-Unis en 2010, et pas tout à fait le double de la dette totale des États-Unis au moment où ces lignes sont écrites. Ce qu’il faut surtout comprendre de ce chiffre, c’est qu’il s’agit d’une hypothèque gigantesque sur l’économie américaine qui va considérablement limiter sa marge de manoeuvre dans les années à venir, quel que soit le plan envisagé, financier, économique, social, politique ou militaire.

Si le dollar américain n’était pas la monnaie de réserve, et si l’euro était en mesure de supplanter celui-ci, cette situation serait à coup sûr suffisante pour envoyer l’économie américaine par le fond et peut-être même en faillite. Seulement voilà, l’euro est fortement plombé et ses chances de supplanter le dollar sont désormais nulles, s’il parvient même à survivre, ce qui n’est désormais plus du tout assuré.

Les États-Unis jouissent donc d’un répit jusqu’à ce que le monde se rende compte que leur situation est en train de devenir désespérée. Et il faut dire que les milieux financiers américains ont tout fait, avec la complicité de leurs comparses du Royaume-Uni qui font face à la même situation, pour attirer d’abord l’attention du monde sur les problèmes de l’Europe.

Notez bien que je parle des milieux financiers américains et britanniques et non des États eux-mêmes. Il faut en effet comprendre que les milieux financiers dans ces deux pays sont devenus de véritables États dans l’État tant ils pèsent lourds dans l’économie de leur pays respectif.

Ce sont donc les milieux financiers américains et britanniques qui ont d’abord inventé l’épithète méprisante des PIIGS pour illustrer la vulnérabilité de l’Europe et de l’euro aux pays les plus faibles de sa sphère, et qui ont par la suite alimenté la presse spécialisée dans un premier temps, puis la presse grand public, en rumeurs, déclarations perfides, rapports et études de toutes sortes sur la mauvaise situation européenne. Autrement dit, et je suis bien placé pour en parler, on a fait à l’Europe le coup qui avait été fait au Québec au moment du référendum de 1995.

L’intérêt de ces milieux est facile à comprendre. Wall Street et la City de Londres contrôlent les marchés financiers mondiaux à travers leurs grandes banques, leurs bourses, et leurs agences de notation, pour ne s’en tenir qu’aux pièces les plus importantes de leur dispositif. Toute concurrence sérieuse est une menace à leur domination et aux profits faramineux qu’ils en tirent.

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Or, au début de cette année (http://www.leblogfinance.com/2010/01/strauss-kahn-fmi-dollar-monnaie-reserve.html) la dégradation de la situation américaine avait amené Dominique Strauss-Khan, alors encore directeur du FMI, à formuler un commentaire très critique envers les États-Unis dans une déclaration qui passera à l’histoire. Depuis plusieurs mois, une lutte souterraine était engagée entre les États-Unis et l’Europe sur la question de savoir lequel, du dollar ou de l’euro, s’imposerait comme monnaie de réserve.

À la clé, l’accès aux marchés financiers pour financer leur dette, et idéalement aux meilleures conditions possibles. Déjà, dans son communiqué public No 45 du 15 mai 2010, le Laboratoire européen d’anticipation politique (LEAP), évoquait la stratégie des États-Unis, soit « être prêts à tout pour attirer toute l’épargne mondiale disponible ». Et, pour les États-Unis, la capacité de poursuivre leur politique hégémonique.

Strauss-Kahn, on ne sera pas surpris, favorisait l’Europe et volait au secours de l’euro en aidant la Grèce, l’Irlande, le Portugal, et pensait faire de même pour l’Espagne.

Mais surtout, suprême audace et suprême atteinte à la majesté américaine, il envisageait purement et simplement le remplacement du dollar comme monnaie de réserve par une autre qui se fonderait sur une combinaison d’or et de DTS (droits de tirage spéciaux). Et il avait eu le culot sacrilège (aux yeux des Américains) de concocter ce plan avec la Chine (projet Zhou Xiaochuan) et avec la Libye de Kadhafi dont la banque centrale devait être la première à utiliser cette monnaie en remplacement de son dinar.

Quelques semaines plus tard, le 19 mars, l’Otan déclenchait une offensive contre la Libye. Le 8 mai, DSK était arrêté dans les circonstances que l’on connaît, et le 5 juillet, Christine Lagarde, ci-devant ministre des Finances de France, remplaçait DSK à la tête du FMI. À la différence de DSK, ce n’est pas une économiste. Avocate d’affaires, elle a fait l’essentiel de sa carrière au sein d’un grand cabinet américain, Baker McKenzie, réputé pour ses liens avec le pouvoir, dont elle a exercé les commandes au siège de Chicago de 1999 à 2005. Avec elle au FMI, les États-Unis n’ont rien à craindre.

Certains ne verront dans cette séquence qu’une série d’événements isolés sans rapport les uns avec les autres. D’autres, plus au fait des jeux d’intérêts et de la férocité avec laquelle ils se disputent au niveau international, ont conclu qu’il fallait y voir la main des Américains.

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C’est le cas entre autres de Mike Whitney, un journaliste américain dont un premier article sur l’affaire DSK d’abord paru en anglais a été rapidement traduit en français. La traduction française étant approximative, je vous suggère le texte original si vous maîtrisez bien l’anglais. Il est également l’auteur de l’article suivant sur le même sujet. (Je précise tout de suite que la clairvoyance dont a pu faire preuve DSK sur le plan économique ne justifie aucunement à mes yeux son comportement abject envers la gent féminine).

Ce que Whitney nous confirme, c’est combien les pouvoirs financiers américains avaient été choqués par les propos de DSK, combien ils voyaient en lui une menace à leurs intérêts, et à quel point il était nécessaire pour eux qu’il disparaisse dans le discrédit le plus total. Pour y parvenir, ils avaient besoin de complicités françaises, et il semble qu’ils les aient obtenues, au plus haut niveau.

Difficile, en effet, d’aller plus haut en France qu’à la présidence de la République, soit à Sarkozy lui-même, trop heureux dans les circonstances de se débarrasser d’un dangereux rival que tous les sondages plaçaient gagnant haut la main aux prochaines présidentielles françaises avant son arrestation. Dès le mois de juillet, les rumeurs à ce sujet allaient bon train http://www.lexpress.fr/actualite/po... ; http://fncaledonie.over-blog.fr/art....

Encore ces derniers jours, un professeur et journaliste américain réputé pour ses enquêtes politico-judiciaires, Edward Jay Epstein publiait un article dans la prestigieuse revue « The New York Review of Books » décrit en détail la chaîne des événements et nous en révèle toutes les bizarreries, notamment l’existence d’une vidéo où l’on voit les agents de sécurité de l’établissement Sofitel (propriété du groupe français ACCOR proche de Sarkozy) se mettre à se congratuler et à danser à l’annonce de l’arrestation de DSK quelques minutes plus tôt.

De toutes façons, la réponse à la simple question de savoir à qui profitait l’arrestation de DSK nous indique bien tout l’intérêt que le gouvernement américain, les milieux financiers américains et Nicolas Sarkozy pouvaient y avoir. Et j’invite ceux qui s’imaginent que des gens de pouvoir ne commettraient jamais de tels forfaits à prendre connaissance des coups fourrés dont se sont rendus coupables les États-Unis et la France au cours des 25 derniers. N’ayant reculé ni devant les assassinats ni la torture, on s’imagine à quel point le piège tendu à DSK ne pesait pas lourd sur leur conscience et pouvait même passer à leurs yeux pour une juste rétribution pour le comportement libertin de celui-ci.


Mais l’affaire ne s’arrête pas là, et l’irruption soudaine de Sarkozy dans le portrait nous permet de saisir à quel point ce président français tranche avec ses prédécesseurs et avec la tradition gaulliste d’indépendance à l’égard des Américains. Pour comprendre son comportement, il est essentiel de lire ce texte « Opération Sarkozy : comment la CIA a placé un de ses agents à la présidence de la République française », et au Québec, nous pourrions rajouter « avec la collaboration de Paul Desmarais, proche ami de George Bush père, ancien directeur de la CIA avant d’accéder à la présidence des États-Unis ».

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Nicolas Sarkozy roule donc pour le États-Unis, et les événements des derniers mois nous montrent à quel point. On peut évidemment évoquer le cas de la Libye, mais c’est sur le dossier financier que la preuve est la plus éloquente, tant Sarkozy s’est fait le relais des positions américaines auprès d’Angela Merkel.

En effet, Sarkozy s’est d’abord montré hostile à toute réduction de la dette de la Grèce en insistant sur la nécessité absolue pour celle-ci de rembourser l’intégralité de ses dettes aux détenteurs de ses obligations, se faisant en cela l’écho de Tim Geithner, le secrétaire au Trésor des États-Unis qui connaît fort bien le degré élevé de l’exposition des institutions financières américaines non seulement aux obligations européennes, mais aux fameux credit default swaps (CDS) contractés sur la dette européenne. On se souviendra à cet égard que les plus grosses pertes lors de la crise de 2008 n’avaient pas été celles des banques, mais bien celle du conglomérat d’assurances AIG qui avait garanti le paiement des créances titrisées en cas de défaut SANS avoir constitué les réserves nécessaires pour faire face à des défauts en série, comme ce fut le cas. Ce champ d’activité n’ayant pas été réglementé à suite des événements de 2008, les mêmes pratiques ont continué de plus belle en progressant presque de façon géométrique, et aujourd’hui, une chaîne de défauts aurait des conséquences cataclysmiques.

Bien sûr, les banques françaises détiennent une importante quantité d’obligations des pays en difficulté (Grèce, Italie, Espagne), mais elles sont loin d’être exposées au même degré que les institutions financières américaines à ce que l’on appelle dans le jargon les risques de contrepartie.

Mais, pour les Américains, l’enjeu le plus important au cours des derniers mois était la possibilité de voir la zone euro monétiser sa dette en lâchant sur le marché des tonnes d’euros pour empêcher que les marchés ne gèlent par faute de liquidités suffisantes. En effet, tant les pays européens que les États-Unis vont devoir refinancer leur dette au cours des prochains 18 mois, et le besoin de liquidités va être énorme.

Or les États-Unis inondent les marchés de liquidités depuis 2008, et ils ne sont pas parvenus à faire repartir la machine. Ils ont tout essayé, même des choses qu’ils ne seront jamais prêts à admettre, mais rien n’y fait. L’économie progresse à une lenteur désespérante, et certains prétendent même qu’elle ne progresse pas du tout, tant les méthodes de calcul ont été trafiquées pour présenter un portrait plus favorable de la situation réelle.

Le seul espoir résidait donc pour les Américains dans la possibilité que la Banque centrale européenne prenne le relais de la FED et se mette elle aussi à inonder les marchés de liquidités de façon à ce que les Américains ne se trouvent pas mal pris quand ils vont vouloir refinancer leur dette, et Nicolas Sarkozy a plaidé cette cause tant et plus ces derniers mois jusqu’à ce qu’à la fin, la semaine dernière, Angela Merkel lui oppose un « Nein » sans équivoque.

Pour l’Allemagne, la monétisation est impensable, à la fois pour des raisons culturelles profondes qui remontent à Luther, et pour des raisons historiques, vu les expériences aussi cuisantes que désastreuses des années 1920 et 1930. Sarkozy le sait depuis le début, et en bon partenaire des Allemands (et tout simplement en bon stratège), il aurait dû éviter de les pousser dans leurs derniers retranchements sur cette question.

Cela dit, il ne faut pas exclure une autre tentative de convaincre l’Allemagne de céder, en intensifiant les pressions. Après tout, le diktat imposé par l’Allemagne s’accommode mal avec la notion qu’ont les Américains, les Britanniques et les Français d’avoir gagné la Seconde Guerre Mondiale, et la volonté allemande est ressentie par plusieurs comme le monde à l’envers. De très vieilles chicanes sont en train de remonter à la surface qui augurent très mal de l’avenir.

C’est pourquoi il convient de conclure au fiasco devant les démarches de Sarkozy. Non seulement il a mal servi les intérêts de la France en ne s’en tenant pas uniquement à ceux-ci, mais, en acceptant de faire les petites commissions des Américains auprès d’Angela Merkel, s’est-il révélé pour les Allemands un partenaire en qui ils ne pouvaient faire confiance, ce qui augmente les risques d’effondrement et de la zone euro et de l’Union Européenne, en plus de constituer une menace pour la sécurité du continent européen à moyen et long terme.

De façon plus immédiate, les pseudos gains de la semaine dernière sont déjà remis en question par certains dirigeants européens qui prennent conscience après coup de la difficulté qu’ils auront à vendre les ententes conclues à leurs partisans et aux électeurs, l’adversaire de Sarkozy crédité des plus grandes intentions de vote dans les sondages, François Hollande du PS, a annoncé qu’il n’aurait rien de plus pressé, s’il était élu, que de les dénoncer, et les marchés financiers à travers le monde constatent, une fois de plus, que rien n’est vraiment réglé.

Alors, où s’en va-t-on ? Tout droit à la catastrophe. Je voudrais bien vous souhaiter « Joyeux Noël et Bonne Année », mais je n’ose pas. Le ciel est trop sombre.

Source Vigile.net

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