jeudi 1 décembre 2011

Questions et réponses concernant l’affaire Le Procureur contre Laurent Koudou Gbagbo


Laurent Koudou Gbagbo est né le 31 mai 1945 dans le village de Mama, sous préfecture de Ouragahio, département de Gagnoa (Côte d’Ivoire). De nationalité ivoirienne, il était Président de la Côte d’Ivoire.

Quels crimes Laurent Gbagbo aurait-il commis ?

La Chambre préliminaire III de la Cour pénale internationale (CPI) a conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’au lendemain des élections présidentielles en Côte d’Ivoire, les forces pro-Gbagbo ont attaqué la population civile à Abidjan et dans l’ouest du pays, à partir du 28 novembre 2010, prenant pour cible des civils qu’elles pensaient être des partisans du candidat de l’opposition,Alassane Ouattara. Il est allégué que ces attaques revêtaient un caractère généralisé et systématique, qu’elles ont été commises sur une longue période et dans une zone géographique vaste, et qu’elles suivaient un mode opératoire général similaire. En outre, elles auraient souvent été dirigées contre des communautés ethniques ou religieuses spécifiques et ont fait un grand nombre de victimes.

La Chambre a également conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que Laurent Gbagbo et son entourage immédiat avaient convenu d’un plan et qu’ils étaient conscients que la mise en oeuvre de celui ci aboutirait à la commission des crimes allégués. Ils auraient exercé un contrôle conjoint sur les crimes et apporté une contribution coordonnée et essentielle à la réalisation du plan.

Laurent Gbagbo aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle, en tant que coauteur indirect, pour quatre chefs de crimes contre l’humanité à raison de meurtres, de viols et d’autres violences sexuelles, d’actes de persécution et d’autres actes inhumains, qui auraient été perpétrés dans le contexte des violences post électorales survenues sur le territoire de la Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.



Pourquoi la CPI a-t-elle délivré un mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Gbagbo ?

Au vu de la requête de l’Accusation et des éléments de preuve présentés à la Chambre préliminaire III, les juges ont conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que la responsabilité de Laurent Gbagbo est engagée pour quatre chefs de crimes contre l’humanité.

La Chambre a également conclu que l’arrestation du suspect était nécessaire pour garantir qu’il comparaîtra devant la Cour, qu’il n’usera pas de son pouvoir ou de ses moyens financiers pour faire obstacle à l’enquête ou en compromettre le déroulement, ainsi que pour empêcher la commission d’autres crimes.

Que se passera t-il-après l’arrivée de Laurent Gbagbo au quartier pénitentiaire de la CPI ?

Dans un délai raisonnable après la remise du suspect et son arrivée au quartier pénitentiaire de la CPI, la Chambre préliminaire III tiendra une audience de première comparution pour vérifier l’identité du suspect et s’assurer qu’il a été informé clairement des charges portées contre lui et des droits que lui reconnaît le Statut de Rome. À l’issue de cette première comparution, la Chambre préliminaire fixera la date de l’audience de confirmation des charges, étape suivante dans la procédure préliminaire.



Qu’est ce qu’une audience de confirmation des charges ?

Une audience de confirmation des charges n’est ni un procès, ni un « mini procès ». Il s’agit d’une audience publique au cours de laquelle la Chambre préliminaire de la CPI décide de confirmer ou non, partiellement ou dans leur totalité, les charges retenues par le Procureur à l’encontre du suspect, et de renvoyer l’affaire, le cas échéant, en jugement devant la Chambre de première instance.

L’Accusation est tenue d’étayer chacune des charges avec des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que le suspect a commis les crimes qui lui sont reprochés.

Outre l’Accusation et la Défense, les représentants légaux des victimes peuvent assister à l’audience et exposer oralement leurs vues.



Quels sont les droits du suspect devant la CPI ?

Tout suspect est présumé innocent tant que sa culpabilité n’ait été établie au-delà de tout doute raisonnable. Comme tout suspect devant la CPI, Laurent Gbagbo a le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement, équitablement et de façon impartiale. À cette fin, une série de garanties sont prévues dans les instruments juridiques de la Cour, dont les suivantes :

• Être défendu par le conseil (avocat) de son choix, présenter ses propres éléments de preuve, faire citer ses propres témoins et s’exprimer dans une langue qu’il comprend et parle parfaitement ;

• Être informé en détail des charges portées contre lui dans une langue qu’il comprend et parle parfaitement ;

• Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer librement et confidentiellement avec son conseil ;

• Être jugé sans retard excessif ;

• Ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable, et pouvoir garder le silence, sans que ce silence soit pris en considération pour déterminer sa culpabilité ou son innocence ;

• Obtenir que le Procureur communique à la Défense les éléments de preuve en sa possession ou sous son contrôle dont il estime qu’ils disculpent le suspect ou tendent à le disculper ou à atténuer sa culpabilité, ou sont de nature à entamer la crédibilité des éléments de preuve à charge.



Quelles seront les conditions de détention de Laurent Gbagbo au quartier pénitentiaire de la CPI ?

Le quartier pénitentiaire de la CPI satisfait, pour le traitement des détenus, aux normes internationales les plus élevées en matière de droits de l’homme, comme, par exemple, l’Ensemble de règles minima des Nations Unies. L’emploi du temps quotidien du quartier pénitentiaire permet aux détenus d’effectuer une promenade dans la cour de l’établissement, de faire de l’exercice, de recevoir des soins médicaux, de participer à des activités manuelles et d’avoir accès aux installations mises à leur disposition pour préparer leur défense. Les détenus peuvent par ailleurs utiliser des ordinateurs, regarder la télévision ou encore se procurer des livres et des magazines. Chaque cellule, de 10 m², est aménagée pour recevoir une seule personne. Une cellule standard dispose d’un lit, d’un bureau, d’étagères, d’un placard, de toilettes, d’un lavabo, d’une télévision et d’un interphone permettant d’appeler les surveillants lorsque la porte est verrouillée.

Les personnes déclarées coupables de crimes relevant de la compétence de la Cour ne purgent pas leur peine au quartier pénitentiaire de la Cour à La Haye, celui-ci n’étant pas prévu pour les emprisonnements de longue durée. Toute personne condamnée est donc transférée vers un établissement situé en dehors des Pays-Bas, dans un État désigné par la Cour parmi les États qui ont manifesté leur volonté d’accepter la personne condamnée pour y purger sa peine.



Qui sont les juges qui siègent dans cette affaire ?

La Chambre préliminaire III est composée des juges Silvia Fernández de Gurmendi (juge présidente), Adrian Fulford et Elizabeth Odio Benito.

Les juges de la CPI sont des personnes jouissant d’une haute considération morale, connues pour leur impartialité et leur intégrité, et réunissant les conditions requises dans leurs États respectifs pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires. Tous ont une grande expérience, en rapport avec l’activité judiciaire de la Cour. Les juges sont élus par l’Assemblée des États parties sur la base de leur compétence reconnue en droit pénal et en procédure pénale dans des domaines pertinents du droit international, tels que le droit international humanitaire et les droits de l’homme.




Comment et pourquoi les victimes peuvent-elles participer aux procédures ?

Le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, est innovateur à plus d’un titre. L’un des points les plus importants est la reconnaissance aux victimes de droits qui ne leur avaient jamais encore été accordés devant une juridiction pénale internationale. Les victimes peuvent être impliquées dans les procédures devant la CPI soit en envoyant des informations au Procureur pour lui demander d’ouvrir une enquête, soit en témoignant de leur plein gré devant la Cour, soit encore en participant aux procédures par le biais de leurs représentants légaux (c’est-à-dire leurs avocats).

Cette participation volontaire permet aux victimes d’exprimer une opinion indépendante de celle des parties et leur donne l’opportunité de parler de leurs propres préoccupations et intérêts. Lorsque la Cour l’estime approprié, les victimes peuvent exposer directement aux juges leurs points de vue, aux différents stades de la procédure. Cette participation se fait normalement par l’intermédiaire d’un représentant légal (c’est-à-dire un avocat) chargé d’exposer leurs vues et leurs préoccupations à la Cour, car les procédures pénales sont assez complexes.

Si les victimes souhaitent participer à la procédure, elles doivent remplir un formulaire à cet effet. La demande est gratuite. Les victimes peuvent obtenir une copie de ces formulaires à partir du site Web de la Cour, ou auprès de la Section de la participation des victimes et des réparations à La Haye. Ces formulaires doivent être renvoyés à la Section de la participation des victimes et des réparations à La Haye par télécopie, courriel, ou courrier (informations ci-dessous).

Pour obtenir de l’aide afin de remplir le formulaire et le transmettre à la Cour, la victime peut contacter cette même section.

La Section de la participation des victimes et des réparations peut être contactée à :

Cour pénale internationale

Section de la participation des victimes et des réparations

B.P. 19519

2500 CM La Haye

Pays-Bas

Télécopie : +31 (0) 70 515 9100

Adresse électronique : vprsapplications@icc-cpi.int



Questions concernant la situation en Côte d’Ivoire

La CPI est-elle compétente pour connaître de la situation en Côte d’Ivoire alors même que cet État n’a pas ratifié le Statut de Rome ?

Oui. La Côte d’Ivoire n’est pas partie au Statut de Rome mais elle a accepté la compétence de la Cour le 18 avril 2003, par une déclaration effectuée en vertu de l’article 12 3 du Statut de Rome ; plus récemment, et par deux fois, le 14 décembre 2010 et le 3 mai 2011, la Présidence de la Côte d’Ivoire a de nouveau confirmé qu’elle acceptait la compétence de la Cour.



Pourquoi la CPI intervient-elle dans la situation en Côte d’Ivoire ?

La CPI est une juridiction de dernier ressort. Elle ne peut intervenir qu’en vertu du principe de complémentarité. Elle ne peut enquêter et, lorsque cela se justifie, poursuivre et juger des personnes que si l’État concerné se trouve réellement dans l’incapacité de le faire ou n’a pas l’intention d’agir en ce sens, ce qui peut notamment se traduire par des retards injustifiés dans une procédure ou par des procédures visant à soustraire des personnes à leur responsabilité pénale.

À la suite de la déclaration de la Côte d’Ivoire acceptant la compétence de la Cour, le Procureur a procédé à un examen préliminaire de la situation. Il a conclu que les critères requis pour l’ouverture d’une enquête étaient réunis et a présenté, le 23 juin 2011, une demande d’autorisation d’ouvrir une enquête de sa propre initiative (propio motu) sur la situation en Côte d’Ivoire.

Le 3 octobre 2011, la Chambre préliminaire III a fait droit à la demande du Procureur et l’a autorisé à ouvrir une enquête sur les crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis dans ce pays depuis le 28 novembre 2010, ainsi que sur les crimes susceptibles d’y être commis à l’avenir dans le cadre de la même situation. 

La Chambre préliminaire III a également demandé au Procureur de lui communiquer tout renseignement supplémentaire dont il dispose concernant des crimes commis entre 2002 et 2010 et susceptibles de relever de la compétence de la Cour. Le Procureur a répondu à cette demande le 3 novembre 2011. La Chambre examine maintenant s’il y a lieu ou non d’autoriser le Procureur à enquêter sur des crimes qui auraient été commis entre 2002 et 2010.



La CPI est-elle indépendante vis-à-vis de l’ONU et du Conseil de sécurité ?

Oui. La CPI est une entité indépendante, créée pour juger des crimes relevant de sa compétence, sans avoir besoin d’un mandat spécial de l’Organisation des Nations Unies. Le 4 octobre 2004, la CPI et l’ONU ont conclu un accord régissant leurs relations institutionnelles.



Quels sont les crimes faisant l’objet de l’enquête du Procureur de la CPI ?

S’appuyant sur la demande du Procureur et les éléments fournis à son appui, les juges ont autorisé celui-ci à ouvrir une enquête sur la situation en Côte d’Ivoire eu égard aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre qui auraient été commis par les forces pro-Gbagbo et pro-Ouattara, notamment des meurtres, des viols, des disparitions forcées, des cas d’emprisonnement, des actes de pillage et de torture et le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des civils.

Ces actes criminels auraient été commis dans plusieurs régions, notamment Abidjan et l’ouest de la Côte d’Ivoire, dans le contexte des violences qui ont éclaté après les élections présidentielles de 2010 dans ce pays.



La CPI va-t-elle poursuivre d’autres suspects en Côte d’Ivoire ?

D’après la déclaration du Procureur, il est clair que son bureau poursuit les enquêtes et, au vu des éléments de preuve déjà recueillis, il a l’intention de porter d’autres affaires devant la Cour.

La politique adoptée par le Procureur est de se concentrer sur les principaux responsables des crimes les plus graves. 

On notera surtout que la CPI ne se substitue pas aux systèmes nationaux de justice pénale ; elle en est le complément. Les États gardent la responsabilité première pour juger les auteurs des crimes les plus graves.

Source: icc-cpi.int

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