vendredi 13 janvier 2012

CONFLIT LARVE ENTRE OUATTARA ET BEDIE POUR LE POSTE DE PREMIER MINISTRE: COMPRENDRE SES ENJEUX ET SON POSSIBLE DENOUEMENT.

Le PDCI, ce vieux parti, ne cessera d’étonner et de déconcerter. Ce parti a gouverné la Côte d’Ivoire pendant 39 et sans partage. Il est cependant véritablement résolu à s’humilier, à pleurnicher, à quémander, à faire la courbette pour un poste de premier ministre. Pour le PDCI, «ce qui est dit est dit», selon les mots de l’artiste (Petit Denis) entrés dans le jargon populaire des ivoiriens. Ouattara doit tenir sa promesse faite le samedi 20 novembre 2010, entre les deux tour de la présidentielle. Et, parce que le vieux parti pleurniche sans être écouté, il tente de faire passerAlassane Ouattara pour celui qui ne tient pas sa promesse. Mais pour ce dernier le PDCI a tort, puisqu’il demande plus que son dû. Cela laisse percevoir que la malhonnêteté politique est du côté du PDCI. Pour s’en convaincre il faut se poser une simple question et y répondre sérieusement. Qui d’Alassane Ouattara et d’Henri Konan Bédié a raison dans cette affaire d’attribution du poste de premier ministre? Pour y répondre sérieusement, il faut se référer aux termes de la «promesse».
Origine et termes de la «promesse».

Elle remonte au samedi 20 novembre 2010. Ce jour-là, le Conseil politique du RHDP (Rassemblement des Houphoëtistes pour la Démocratie et la Paix) a tenu une importante réunion à la maison du PDCI à Cocody, sous la présidence d’Henri Konan Bédié. Au sortir de cette réunion, le candidat Alassane Ouattara fait une déclaration à la presse. Voici un extrait substantiel de son contenu:«Nous avons fait un tour d’horizon sur l’orientation de la campagne du Rhdp, les directives à donner à la direction nationale de campagne pour qu’à l’issue de cette campagne, le candidat du Rhdp que j’ai l’honneur d’être, puisse gagner cette élection du deuxième tour. (…) Aujourd’hui, à l’occasion de ce Conseil politique, nous avons réaffirmé notre volonté d’exercer le pouvoir dans l’intérêt de tous les Ivoiriens et dans la paix. Nous avons réitéré notre volonté d’appliquer le programme commun de gouvernement. Et nous avons donné instructions au directoire du Rhdp pour rédiger les annexes concernant le statut du parti unifié et les questions de poste de responsabilité. A cet égard, j’ai proposé au Conseil politique, après accord du président du Rhdp, que le poste de Premier ministre sera confié au Pdci-Rda, à l’issue de ces élections.» (voir les quotidiens Le nouveau réveil et Le patriote du lundi 22 novembre 2010).

Promesse illusoire ou vrai contrat

La «promesse» faite au PDCI ne procède pas fondamentalement d’une volonté de gouvernance commune au nom d’une alliance politique nommée RHDP. Pour une gouvernance commune, il suffit de nommer des ministres issus des autres partis membres de la coalition RHDP. C’est le cas actuellement. Dans l’entendement du candidat Ouattara, le poste de premier ministre est une récompense qui doit être méritée. Ne méritera ce poste que le parti qui fera gagner le candidat du RHDP par la voie des urnes. Naturellement ce poste devrait revenir au PDCI en tant que second poids lourd du RHDP (25,24% des voix du 1er tour de la présidentielle de 2010). Le candidat Ouattara promet le poste de premier ministre au PDCI pour le motiver davantage à battre véritablement campagne pour sa victoire. Il promet également pour persuader les militants du PDCI de le voter. En réalité, le candidat Ouattara était convaincu que rien ne garantissait à son avantage le report systématique des voix du PDCI. Cette réalité ne pouvait être ignorée dans un jeu démocratique où ne sont pas négligeables les trahisons entre alliés politiques et la liberté des électeurs.

Face à cette réalité, le candidat du RHDP était obligé de promettre. Il promet en exprimant d’abord son souhait de «gagner cette élection du deuxième tour». Mais ce souhait est une condition. La suite de son discours nous en convainc: «le poste de Premier ministre sera confié au PDCI à l’issue de ces élections». Il voulait clairement dire qu’il confiera le poste de premier ministre au PDCI s’il gagne les élections. C’est bien de cela qu’il s’agit à travers l’expression “à l’issue de ces élections”. Ce qui est désigné comme une promesse est du coup plus qu’une promesse. C’est un véritable contrat électoral non écrit. Alors que le PDCI croyait naïvement avoir affaire à une promesse électorale, son allié Ouattara était dans une logique de contrat électoral. C’est à ce niveau que se trouve le problème et qu’il faut se poser une question essentielle: le PDCI a-t-il rempli sa part du contrat? En d’autres termes, le PDCI a-t-il pu fait gagner le candidat Alassane Dramane Ouattara au second tour de la présidentielle du 28 novembre 2010?

Comprendre les enjeux et le possible dénouement du conflit.

Le conflit larvé né de ce contrat entre Alassane Ouattara et le PDCI est une clé pour savoir qui a gagné la présidentielle du 28 novembre 2010. Le refus du président (par effraction) Ouattara de confier le poste de premier ministre au PDCI procède de son intime conviction. Le PDCI n’a pas rempli sa part du contrat. Le vieux parti n’a pu conduire Alassane Ouattara au pouvoir par la voie des urnes. C’est-ce qu’atteste la réalité du scrutin. Ce sont les rébelles de Soro Guillaume, aidés par l’armée de «la communauté internationale» (casques bleus de l’ONUCI, Force française Licorne), qui ont conduit Alassane Ouattara au pouvoir par la guerre et le coup d’État du 11 avril 2011. Dans ces conditions, pour Ouattara, il est tout à fait «logique et normal» de faire preuve de gratitude en confiant la primature à Soro Guillaume. Aussi était-il clair que la logique de guerre était à l’origine de sa nomination à ce poste. La gratitude dont Ouattara a fait preuve était nécessaire pour lui. Elle l’était d’autant plus qu’il reste convaincu que sont pouvoir acquis par les armes ne pourra être conservé sans les armes et les loups enragés aux ordres de Soro Guillaume, de surcroît ministre de la défense.

Dans cette affaire la malhonnêteté se trouve du côté dU PDCI. Ce parti réclame plus que son dû. Il réclame sans avoir accompli sa part du contrat. Sans doute le vieux parti reste conscient qu’il n’a pu remplir sa part du contrat. Mais il a décidé d’obtenir le poste de premier ministre par la ruse, en se fiant aux résultats de la «communauté internationale» et en prenant Ouattara aux mots. Pour le vieux parti, si Ouattara dit qu’il a gagné démocratiquement la présidentielle, cela n’a été possible que par lui, au vue de son soutien et de son poids électoral. Dans ces conditions le PDCI ayant rempli sa part du contrat, la chose étant désormais ainsi nommée, le président Alassane Ouattara doit remplir la sienne. Il doit s’exécuter en lui confiant le poste de premier ministre.

Le PDCI a huit ministres dans le gouvernement de Soro Guillaume. Mais pourquoi s’entête t-il à réclamer la primature? Le PDCI est loin d’être animé par un zèle patriotique de servir l’État à un niveau important comme celui de la primature. Son entêtement répond à des enjeux financiers et politico-stratégiques. Les partis politiques membres du RHDP ont acquis des pratiques antirépublicaines dans les gouvernements successifs de réconciliation nationale. Ils avaient participé à ces gouvernements depuis l’Accord de Linas Marcoussis signé le 24 janvier 2003. Ces pratiques antirépublicaines consistent à détourner les fonds publiques des ministères pour le financement occulte de leurs partis politiques respectifs, en dépit de leur financement public officiel . Servir le parti et desservir la République, c’était la mode de cette période, et cela n’a pas cessé. Il fallait tout faire pour diaboliser Gbagbo et lui faire porter le chapeau de la mauvaise gouvernance. Alors quand le PDCI réclame la primature, il ne veut pas d’un poste honorifique. Il veut le gros poisson. Et le vieux parti est certain d’en tirer un avantage financier, politico- stratégique pour les joutes électorales à venir. Le vieux parti veut être maître du jeu de pocker de la politique ivorienne. Mais la question est de savoir si le RDR, parti d’Alassane Ouattara, est prêt à l’accepter.

Dans le fond, Ouattara a raison de ne pas confier le poste de premier ministre au PDCI. Ce parti n’a pas honoré sa part du contrat. Mais «officiellement», le PDCI a raison, puisqu’il a donné la victoire à Ouattara, selon les résultats de «la communauté internationale», proclamés à l’hôtel du golf. Entre le fond et l’apparence ou l’«officiel», chacun pourra prendre une position partisane ou médiane pour dire qui a raison ou qui n’a pas tort.

Et même quand Ouattara sera convaincu de confier la primature au PDCI, ce ne sera pas une manière à lui de finalement donner raison au vieux parti. Il faudra trouver la raison d’un tel acte ailleurs. Cet ailleurs a été évoqué par Anaki Kobenan, président du MFA (Mouvement des Forces d’Avenir), dont le parti est membre du RHDP. Dans une interview accordée au quotidien Fraternité Matin dans le mois de décembre, Anaki Kobena affirmait: «Le RHDP est mort de sa belle mort.» Après les frustrations du PDCI nées des résultats des législatives du 11 décembre dernier, ne pas lui donner la primature c’est tuer tout espoir de résurrection du RDHP. Et le président Ouattara sait qu’il sera politiquement affaibli s’il a le PDCI contre lui, même si par hypocrisie ou par peur le vieux parti ne le manifeste pas publiquement. La sagesse politique dont Ouattara fera peut-être preuve sera de ressusciter le RHDP, dont le «médecin légiste» Anaki Kobena a constaté la mort, en confiant le poste de premier ministre au PDCI. Pour y parvenir, il lui faudra avant tout persuader Soro Guillaume ou le tenir en respect par des menaces et des intimidations avec le concours de «la communauté internationale».

ZEKA TOGUI

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