vendredi 20 janvier 2012

Niablé: Un Libanais écume les forêts de Sansan Kouao



Le malheur continue de s’abattre sur le doyen Sansan Kouao, le richissime planteur de Niablé. Avec l’accord des services des eaux et forêts de la région, un Libanais s’est installé pendant des semaines dans une propriété du riche planteur qu’il a exploitée de fond en comble.

La fin des soucis du triple lauréat de la coupe nationale du progrès semble ne pas être pour demain. Après avoir été dépouillé de tous ses biens et contraint à l’exil forcé au Ghana, à la faveur de la crise postélectorale, la figure emblématique de la filière café-cacao dans le Moyen Comoé est l’objet d’une expropriation. Une forêt de près de 60 ha lui appartenant, à en croire ses proches, a été détruite par un exploitant forestier libanais du nom de Lakiss Ibrahim. Depuis quelques jours, ses équipes déployées sur place abattent les essences de cette forêt située à environ 10 Km de Niablé et 5 Km de la localité d’Abronamoué.

Une visite dans la cité nous a permis de nous rendre compte du désespoir des populations qui se sentent orphelines et de comprendre ce qui s’y passe réellement. Selon les témoignages recueillis sur place, c’est le lundi 18 octobre dernier que les machines de M. Lakiss Ibrahim ont fait irruption pour la première fois dans le domaine de Sansan Kouao en vue d’abattre les arbres dont il a besoin pour son usine de transformation du bois. Informé, le chef du canton de Niablé, Nanan Kouakou Kouao Le Patient III, ordonne la suspension des travaux d’abattage en attendant le retour du doyen Sansan Kouao. Il n’a pas manqué d’exprimer des doutes sur le certificat dont dispose l’exploitant forestier libanais l’autorisant à exploiter ladite parcelle de forêt.



Colère et indignation

Au cours d’une rencontre organisée par la chefferie à laquelle lui-même assistait, il lui a été conseillé au Libanais de surseoir aux travaux d’abattage. Mais à la surprise générale, dès le lendemain, les bulldozers et toute l’équipe de l’exploitation entrent à nouveau en action. Depuis, chaque jour, ce sont des quantités importantes de bois de grume de diverses essences qui sortent de la forêt. Sous le regard impuissant de tous. Une situation qui suscite indignation et colère au sein des populations de toute la région qui ont peine à comprendre ce qui se passe. «Sansan Kouao a réservé cette forêt pour non seulement sauvegarder l’écosystème à Niablé qui ne compte aucune forêt classée, mais aussi pour assurer l’avenir de sa progéniture. Malheureusement, c’est cette forêt qui est en train d’être détruite», s’est indigné l’un des neveux du doyen Sansan Kouao qui a requis l’anonymat.

Pour ne pas subir les représailles des FRCI. Il dit ne pas comprendre comment des machines ont pu avoir accès à une forêt encerclée par des plantations sans l’autorisation préalable du propriétaire. Comme lui, les populations se demandent qui se cache derrière l’exploitant forestier libanais.



Tous réduits au silence

Cette situation, personne n’ose apparemment en parler à visage découvert à Niablé, compte tenu de sa complexité. Le chef de canton de Niablé, que nous avons approché, n’a pas voulu se prononcer sur cette affaire devenue un tabou et qui indigne toute une population.

Idem pour les fils du riche planteur à qui les aînés ont demandé de garder le silence et qui observent cette consigne à la lettre. Ils assistent du coup impuissants à la destruction de la forêt de leur père en exil au Ghana depuis la crise postélectorale. Avec la destruction de cette forêt, explique des villageois qui ont accepté de s’ouvrir à nous, la famille de Sansan Kouao est désormais réduite à la pauvreté.

Il ne reste plus rien au riche planteur, après la razzia de la période post 11 avril 2011. Une situation vécue difficilement par le triple lauréat de la coupe nationale du progrès et figure emblématique de la filière café-cacao.

Joint au téléphone par un de ses proches, il a dit ceci : «Je leur demande pardon, qu’il ne touche pas à ma forêt. C’est la seule chose qui me reste avec ma famille après avoir tout perdu».

Brou Bella

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Le capitaine Koné Drissa des Eaux et forêts s’explique

Pour en savoir un peu plus sur cette affaire qui défraie la chronique dans l’Indenié, nous avons rencontré le chef de poste des Eaux et forêts dans la cité des lauréats, le Capitaine Koné Drissa qui a accepté de se prêter à nos questions.

«Concernant cette affaire de destruction de la forêt de Sansan Kouao à Niablé, je voudrais clarifier ceci. La sous-préfecture de Niablé comprend deux périmètres d’exploitation de forêt. L’un de ces périmètres dont le numéro est 15480, d’une superficie de 56 mille Ha, appartient à la nouvelle scierie de l’Indenié de M. Lakiss Ibrahim, exploitant forestier libanais qui possède le certificat d’autorisation et l’autre, de Numéro 15460 appartenant à la Société Nouvelle de Transformation de bois d’Abengourou (SNTRA). Parlant justement de ces périmètres, il faut rappeler que ce sont de grandes superficies exploitées par les exploitants forestiers autorisés à le faire. Et c’est le cas de M. Lakiss Ibrahim à Niablé. Vous ne pouvez les empêcher que lorsque vous déclarez votre titre foncier. A Niablé, personne ne possède un titre foncier, mais seulement des cadastres de plantations et de forêts. En ce qui concerne M. Lakiss, c’est une parcelle de 10 Ha qui l’oppose aujourd’hui au doyen Sansan Kouao et non pas 60 Ha comme le font savoir ses proches. Nous avons rencontré de ce fait le chef de canton de Niablé afin qu’il entame des discussions avec le doyen Sansan Kouao et lui fasse comprendre que ce périmètre de forêt a été attribué à M. Lakiss par l’administration forestière au titre de l’année 2011. Ce n’est que le 31 décembre 2011 que cette autorisation d’exploitation prendra fin. Pour dire tout simplement que l’exploitation de cette forêt dont on parle est tout à fait normale et autorisée parce que d’ailleurs elle a déjà été exploitée une première fois», a déclaré le capitaine Koné Drissa.

Malgré ces explications, de nombreuses questions restent pourtant en suspens. A savoir pourquoi l’exploitation de la forêt en question a continué au-delà du 31 décembre 2011. Et pourquoi c’est seulement au moment où le doyen Sansan Kouao est en exil au Ghana, pour des raisons politiques, qu’une autorisation est délivrée à un exploitant forestier pour écumer la propriété ?

Manifestement, il y a anguille sous roche dans cette affaire qui heurte l’entendement des Ivoiriens, toutes sensibilités confondues. Au moment où une affaire d’exploitation frauduleuse de forêt a conduit à l’arrestation d’un haut responsable de l’administration, notamment le chef de cabinet du ministre des Eaux et forêts, nous espérons que la lumière sera faite sur cette affaire. pour ne pas que s’enracine dans le subconscient des Ivoiriens le sentiment que c’est pour punir le riche planteur proche de Laurent Gbagbo que l’on a envoyé des bulldozers pour exploiter les essences de bois qui s’y trouvent et qui jusque-là étaient protégées contre les braconniers.

Edouard Amichia et Brou Bella


Source : Infodabidjan










Source: Le Nouveau Courrier

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