jeudi 24 mars 2011

Crise post-électorale : QUE DE SANCTIONS INEDITES CONTRE LA COTE D’IVOIRE



Attention, ouverture dans une nouvelle fenêtre. 
La crise post-électorale  montée de toutes pièces par la France et le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, à travers son  représentant spécial en Côte d’Ivoire, Young Jin Choi,a été le prétexte pour une partie de la communauté internationale,de servir un lot de sanctions à la Côte d’Ivoire. Pour  contraindre le Président élu Laurent Gbagbo à céder le fauteuil à son rival et candidat malheureux, Alassane Ouattara, à la présidentielle du 28 novembre 2010. Retour sur des sanctions allant des interdictions de visas à l’embargo sur les produits pharmaceutiques, en passant par l’asphyxie économique du pays.
Deux semaines après la présidentielle du 28 novembre, à la suite des menaces de sanctions brandies par les Etats-Unis et la suspension de la Côte d’Ivoire par l’Union africaine et la Cedeao le 7 décembre, la diplomatie européenne se réunit à Bruxelles, le 13 décembre 2010, pour adopter des sanctions contre le Président Laurent Gbagbo qui, selon eux, refuse de reconnaître la victoire de son rival, Alassane Ouattara, reconnu par une partie de la communauté internationale.


Accusations fallacieuses
L’Union européenne, à travers ses ministres des Affaires étrangères, adopte l’interdiction de visas et un gel des avoirs du Président Gbagbo  et plusieurs dirigeants ivoiriens. A ce propos, Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, espérait que «la décision de principe adoptée allait convaincre les dirigeants ivoiriens avant qu’on en arrive au stade de sanction proprement dite». Le 20 décembre 2010, l’Union européenne met à exécution sa ménace. 27 pays de cette union décident de priver le Président Gbagbo, son épouse et 17 autres personnalités, de visas d’entrée sur leurs territoires. Le lendemain 21 décembre, les Etats-Unis, à travers la secrétaire d’Etat,  emboîtent le pas à l’Union européenne, en donnant leur feu vert pour des sanctions immédiates, empêchant le Président Gbagbo et une trentaine de personnes de son entourage de se rendre aux Etats-Unis. La communauté  internationale qui a pris fait et cause pour son poulain, Alassane Ouattara et dans leur volonté manifeste de déstabiliser la Côte d’Ivoire, publiera le 14 janvier 2010, une liste de 11 sociétés d’Etat et  85 personnalités, dont les ministres du gouvernement Aké N’Gbo, les directeurs généraux de la Rti  et de Fraternité Matin, qui écopent ainsi des sanctions de l’Union européenne. A travers des interdictions de se rendre dans l’Union européenne et le gel des avoirs. Le chef d’accusation, aussi ironique que fallacieux, était le refus pour ces personnes et entreprises visées, de se mettre à la disposition «d’Alassane Ouattara, président reconnu par la communauté internationale», alors que le Président élu par le peuple de Côte d’Ivoire est bien Laurent Gbagbo. Le ridicule, c’est que la liste des sanctionnés au nombre desquels le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré, est dressée depuis l’hôtel du Golf, siège du gouvernement virtuel d’Alassane Ouattara.
Dans le même mois de janvier 2011, les choses vont s’accélérer. Le 20 janvier, l’Union africaine envisage des sanctions économiques contre la Côte d’Ivoire. Le 25, Alassane Ouattara appelle au boycott de l’exportation du café et du cacao. La multinationale Cargill suspend tout achat de cacao de Côte d’Ivoire. Elle est soutenue dans cette action par Washington. L’Union européenne se remet en selle le 26 janvier, en brandissant un embargo commercial sur la Côte d’Ivoire.  La France qui militait pour une intervention militaire africaine en Côte d’Ivoire, revoie sa position le 28 janvier et privilégie des sanctions financières contre le régime de Laurent Gbagbo. Tout ce vaste complot européen aura pour conséquence le refus de leurs navires de fréquenter les ports ivoiriens.

Produits pharmaceutiques sous embargo
A savoir Abidjan et Sans Pedro. Plus grave, cette interdiction de la destination Côte d’Ivoire va s’étendre à tous les produits, même  pharmaceutiques. L’Union européenne va faire la preuve de son crime contre l’humanité en Côte d’Ivoire, le 10 février. Ce jour-là, des produits pharmaceutiques en provenance de l’Europe sont détournés vers le port de Dakar. Quel cynisme!  Entre-temps, la France qui veut absolument asphyxier la Côte d’Ivoire, avait déjà actionné les ministres des Finances de l’Uemoa. Qui, le 23 décembre 2010, au sortir de leur rencontre de Bissau, avaient annoncé reconnaître la signature d’Alassane Ouattara pour le compte de la Côte d’Ivoire. Un mois plus tard, soit le 22 janvier 2011, les chefs d’Etat vont emboîter le pas à leurs ministres, en contraignant à la démission, le gouverneur de la Bceao, l’Ivoirien Philippe Henri Dakoury Tabley. Toujours dans leur logique, l’intérimaire du siège à Dakar, le Burkinabé Jean-Baptiste Comparé, demande à la direction nationale de la Beceao de ne plus traiter avec le Trésor ivoirien. Ce qui devait porter le coup de massue à l’économie ivoirienne. Le gouvernement prend ses responsabilités et le 25 janvier, il procède à la nationalisation des agences locales de la  Bceao. Il s’en suivra la fermeture successive des banques commerciales, avec en tête, les filiales françaises, la Sgbci et la Bicici. Qui ont été à leur tour nationalisées.
Malgré tous ces complots, le gouvernement a continué de fonctionner en payant régulièrement  les salaires des fonctionnaires. Depuis le 6 mars, le Président Laurent Gbagbo a pris une ordonnance, pour la reprise en main par l’Etat, de la commercialisation du binôme café-cacao.

Marc Yevou

LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE PRISE A SON PROPRE PIEGE

En brandissant le gel des avoirs contre le Président Gbagbo et des personnalités qui lui sont proches, la communauté internationale pensait avoir trouvé là le moyen de fragiliser les responsables du régime en place. Mais très rapidement, leur plan fera place à la désillusion, lorsque, après vérification, ils se rendront compte que ni le Président Gbagbo, ni ses proches n’avaient de comptes à l’extérieur. Même l’interdiction de voyager en Europe comme aux Etats-Unis va montrer ses limites, puisque aucun de ces responsables n’a montré son obsession à se rendre dans ces pays. «Nous n’avons rien dans les banques européennes, nous pouvons nous passer de voyages en Europe», aiment bien dire des proches du Président Gbagbo. Pour contourner l’isolement diplomatique de la France qui a reconnu Ally Coulibaly comme ambassadeur nommé auprès de ce pays, le gouvernement prend des mesures. Il décide que les visas d’entrée en Côte d’ Ivoire délivrés par Ally Coulibaly sont nuls et de nul effet. Une liste de neuf consulats honoraires en France est rendue publique pour délivrer les visas.
Le gouvernement ivoirien va déployer la grande artillerie pour contrer l’embargo financier. Pour avoir une meilleure maîtrise de ses finances sans d’autres apports, la Côte d’Ivoire a décidé de geler le paiement de la dette extérieure qui s’élevait à 350 milliards de Fcfa. En plus, le pays a mis fin au versement de 65% de ses réserves de change au trésor public français où son solde de comptes courants extérieurs s’élevait à 4 563 milliards de Fcfa. Au plan sous-régional, la Côte d’Ivoire a rompu avec le siège de la Beceao à Dakar et réquisitionné le siège national et les agences locales. Les banques commerciales françaises en Côte d’Ivoire, la Sgbci et la Bicici, qui sont entrées dans la danse en fermant boutique, ont elles aussi été nationalisées. Ces différentes mesures créent des désagréments et déséquilibres financiers dans l’espace Uemoa.
Au niveau des produits pétroliers, le gouvernement a décidé de mettre l’Onuci et la Licorne sous embargo interne. «Nous ne pouvons pas continuer d’approvisionner au plan national ceux qui nous soumettent à un étranglement», expliquait le ministre des Mines et de l’Energie, Kouadio Komoé.

Prise en main de la commercialisation du cacao
Tranquillement, mais sûrement, le gouvernement ivoirien se donne les moyens de sa résistance. Au niveau de l’embargo sur les produits pharmaceutiques, en attendant de trouver une solution définitive, le gouvernement assure qu’il ne peut avoir de pénurie de médicaments. Le plus gros morceau que la communauté internationale a du mal à avaler est la prise en main de la commercialisation du binôme café-cacao par le gouvernement ivoirien. Cette nouvelle mesure, prise par ordonnance le 6 mars dernier, expose l’Europe et les Etats-Unis à des difficultés d’approvisionnement de leur marché. Etant sous embargo commercial avec ces destinations, la Côte d’Ivoire va se donner les moyens de se trouver d’autres partenaires, notamment asiatiques, qui représentent d’ailleurs un marché très important. Du coup, les chocolatiers européens et américains risquent de se tourner les pouces, par manque de matières premières. Ce qui a une évidence directe au plan financier. Puisque les Etats-Unis à eux seuls achètent entre 30 et 40% de la production ivoirienne, à travers leurs deux géants, Cargill et Adm, implantés en Côte d’Ivoire. Avec la prise en main des choses par l’Etat, il est clair que le Président Gbagbo contourne les sanctions financières de la communauté internationale. Puisque c’est l’élément essentiel à partir duquel la France et ses complices attendaient asphyxier complètement le pouvoir en place. Avec l’ordonnance du 6 mars, le Président Gbagbo vient de  sortir un de ses jokers pour continuer d’assurer l’autonomie financière de la Côte d’Ivoire. C’est ce qui explique les réactions hâtives des Etats-Unis et de la France, qui ont respectivement traité l’ordonnance du 6 mars de «vol» et de  «spoliation des entreprises des filières  café-cacao en Côte d’Ivoire».
Comme on le voit, la communauté internationale qui pensait mettre le Président Gbagbo en difficulté, se retrouve prise à son propre piège.

M. Yevou

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