Dans les quartiers, les stations-services sont transformées en cellules improvisées où sont entassés des centaines de jeunes dénoncés par leurs voisins comme partisans, civils et armés, de Laurent Gbagbo. Dans des quartiers comme Yopougon, la terreur règne. Des pillages inédits dans l'histoire de la Côte d'Ivoire sont commis depuis plus d'une semaine par des combattants des FRCI, qui "punissent" leurs victimes chez qui des signes d'appartenance au camp adverse sont trouvés. Ces informations, confirmées par Amnesty International, sont passées sous silence par les médias internationaux, mais cela ne les empêche pas d'exister. Il y a une vie après le storytelling.
Peut-on se réconcilier dans une atmosphère objective d'oppression politique et de désespoir humanitaire ? Les prochains jours nous le diront. Mais le ton et la violence des "réconciliateurs" laisse présage que ce beau concept sera utilisé comme arme de musellement et de monopolisation du champ politique. Rappeler le passé, mettre en lumière les contradictions des nouveaux gouvernants, faire des reportages sur les dizaines de villages entièrement brûlés à l'Ouest, reviendra à aller contre la "réconciliation". Admonester la France officielle, dénoncer sa collusion avec Ouattara, enquêter sur les bénéficiaires réels des pillages de nature industrielle auxquels nous assistons reviendra à véhiculer "la haine". En réalité, le camp Ouattara, en disant "embrassez-vous" veut dire "game over" et décréter, comme Francis Fukuyama après la chute du mur de Berlin, "la fin de l'Histoire". Fragilisé au point de vue politique - sa base de soutien s'est rétrécie en raison de son mode d'accession au pouvoir et des pillages qui paupérisent la classe moyenne - et militaire - les bandes rebelles rivales qui se sont partagé Abidjan ne constitueront pas d'ici peu une police, une gendarmerie et une armée organisée et ne voudront pas laisser la place aux FDS -, le régime Ouattara veut empêcher tout retournement de situation. Mais il ne recherche pas, de manière sincère, la réconciliation.
La réconciliation est définie par le dictionnaire comme le "rétablissement de l'entente entre personnes brouillées". Cela signifie qu'elle ne peut être imposée, et doit être négociée dans le cadre d'un dialogue fructueux. Qui sont "les personnes brouillées" en Côte d'Ivoire ? Quel est l'objet de leur brouille ? Qu'est-ce que chaque camp reproche à l'autre ? Quels actes forts seraient de nature à apaiser les coeurs ? En dehors de ces questions, des initiatives de réconciliation ne seraient que de la comédie.
Revenons en arrière. Après son élection en octobre 2000, Laurent Gbagbo a entrepris un processus - très contesté par l'opposition d'ailleurs - de réconciliation nationale. La clé de voûte de son initiative était le retour triomphal en Côte d'Ivoire de tous les leaders contraints à l'exil par le régime militaire, notamment Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Par la suite, un Forum où chaque camp est venu exposer ses griefs et ses propositions a été organisé. Des recommandations en sont sorties. Un gouvernement de réconciliation nationale où toutes les tendances du pays étaient représentées a été mis en place. Cela n'a pas empêché l'éclatement de la guerre. Mais la démarche était autrement plus "ouverte" que ce à quoi on assiste aujourd'hui, dans un festival de menaces et d'intimidation... qui sont le remake, en pire, de la prise de pouvoir du général Robert Guei en décembre 1999. A l'époque, elle était très encadrée... par les hommes d'Alassane Ouattara.
Au-delà des considérations relevant de la moralité politique, l'on est en droit de s'interroger sur les chances de succès de la méthode de "pacification" violente engagée par Alassane Ouattara. Par le passé, Guillaume Soro a moqué Laurent Gbagbo en indiquant que, contrairement à son ancien mentor "faiblard", lui, il avait maté la rébellion de "IB". Les mois qui viendront nous situeront sur l'efficacité du rouleau compresseur et du règne absolu de la testostérone et de la kalachnikov
 Source : Telediaspora.net