mardi 7 juin 2011

DISCOURS SUR LE NEO-COLONIALISME : DE L’UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR A LA BASE MILITAIRE FRANCAISE D’ABIDJAN-PORT-BOUËT ( 43ème BIMA )







Une contribution de:
Maître Cheikh Koureyssi BA
Avocat à la Cour, Dakar


Une rétrospective rapide pour camper le cadre.

Le 11 Avril 2011, le coup d’Etat le plus long de l’histoire des nations, entamé dans la nuit du 18 au 19 Septembre 2002, trouve son épilogue avec la capture de M. Laurent Gbagbo par les forces spéciales françaises et sa remise entre les mains des rebelles auto-stoppeurs qui tentaient de le renverser depuis onze ans sans succès.

Le 5 Mai 2011, cinquante-six ans jour pour jour après la fameuse Conférence constitutive des Non-alignés de Bandoeng, M. Alassane Dramane Ouattara, chef de la rébellion, obtient aux forceps du Conseil Constitutionnel ivoirien -qui avait déjà investi et installé M. Laurent Gbagbo dans ses fonctions pour cinq ans !- sa proclamation au titre de cinquième président de la jeune République.

Enfin, le 21 Mai 2011, le nouveau « président » flambe 20 milliards de francs Cfa pour organiser à Yamoussoukro son investiture devant M. Nicolas Sarkozy en guest-star et 14 chefs d’Etats africains parmi lesquels se distinguent les trois alliés endurcis de la rébellion formant justement l’axe ADO , Abuja, Dakar, Ouagadougou. Certainement pétrifiée par l’émotion la dame Henriette Dagri Diabaté, nouvelle Grande Chancelière de l’Ordre National, commence son allocution par un lapsus linguae que l’Histoire retiendra, en donnant à Alassane Dramane Ouattara du « Monsieur le Préfet », majestueux lapsus vite réparé !

Un constat, après avoir campé le cadre que voilà.

Par la magie de la force, du non-droit, du mensonge et de la ruse, la France vient, enfin, de réussir à réaliser son vieux rêve de faire de la Côte d’Ivoire, membre important des 53 Etats constituant l’Union Africaine, son 102ème Département, 6ème Département ou Territoire d’Outre-Mer- du genre, avec à sa tête un authentique préfet ! Un vieux projet, donc, qui démangeait depuis plus d’une décennie les stratèges de l’Elysée, du Quai d’ Orsay et de Matignon. La recolonisation pour laquelle M. Chirac avait tant œuvré sans succès venait ainsi d’être acquise par son successeur à la tête de l’Etat français, avec en prime un autre lot, la Guinée voisine placée fort opportunément entre les mains de M. Alpha Condé le meilleur Bao Daï dont la métropole pouvait rêver au pays de Sékou Touré et Lansana Conté…



Le train de la recolonisation du continent africain est donc lancé, et il importe de se demander à présent quelle sera la prochaine ex-colonie française à tomber dans l’escarcelle du néo-colonialisme négrier impénitent. Question d’autant plus urgente que les deux discours prononcés par M. Sarkozy à Dakar en Juillet 2007 et à Abidjan le samedi 21 Mai dernier –le premier lu dans le temple du savoir devant les jeunes étudiants sénégalais : « désolé, les enfants, voici ce que nous devrons faire de vous », le second dans une base militaire devant ses compatriotes : « voilà, chers amis, ce que nous venons de faire pour vous »-, eh bien ces deux discours s’inscrivent dans un projet on ne peut plus clair !

A nous de savoir les décrypter à temps, notre survie étant à ce prix…

LE DISCOURS-ALIBI DE DAKAR TOMBE DANS L’OREILLE DE SOURDS

Après le discours-alibi de Dakar en 2007, la majorité des réactions, marquées du sceau d’un courroux ma foi très légitime, avait été, malheureusement, en net décalage avec la réalité. Principalement en raison de cette circonstance que la colère est une conseillère de bas étage ! Là où l’on eût pu s’attendre de la part des intellectuels à des analyses froides permises par le recul méthodique, la rigueur et le sang-froid, l’on a eu droit plutôt à un déversement inouï de colère sincère ou feinte, à telle enseigne que la plupart des commentaires avaient raté leur cible. Nicolas Sarkozy n’avait pas, de toute évidence, été compris…

Et c’est bien parce que, en 2007, les intellectuels s’étaient trompé en trempant leur plume dans le fiel qu’ils ont -tragiquement manipulés durant ces six derniers mois entre 2010 et 2011- accompagné, encouragé et ingénument avalisé la « gigantesquissime » forfaiture de la France en Côte d’Ivoire, pour n’avoir absolument rien compris à ce qui leur avait été mensongèrement présenté comme une crise post-électorale, alors même que c’était le discours de Dakar qui prenait insidieusement forme en entrant dans sa phase opérationnelle ! Le discours-aveu d’Abidjan est venu les tirer de leur sommeil ! En confessant urbi et orbi qu’il a enfin eu ce qu’il voulait, c’est-à-dire une Côte d’Ivoire domestiquée où règnera l’ « ordre français » sécurisé par une soldatesque appelée à se sédimenter (oubliée, la promesse de fermer les bases militaires en Afrique, de toute façon seuls ces idiots d’africains y croyaient !), le successeur de Jacques Chirac tombe le masque. Nicolas Sarkozy a, cette fois-ci, manifestement, été compris…

LE DISCOURS-AVEU OU QUAND TOMBE LE MASQUE

Aujourd’hui nos intellectuels organiques et tous ces politiques ambitionnant de faire le bonheur du peuple sénégalais (et qui ont soutenu l’imposture et l’usurpation du pouvoir légitime en Côte d’Ivoire au prix d’une effroyable boucherie) devraient être dans leurs petits souliers au vu de la situation actuelle :

@le Français Michel Camdessus, son boss du FMI de l’époque du fameux prêt à la mafia russe, est venu prendre ses quartiers à Yamoussoukro pour servir de « Conseiller financier » à son ancien poulain Ouattara devenu président reconnu par la communauté internationale, ce le jour-même de la cérémonie de travestiture !

@ également venu étrenner ses fonctions de conseiller spécial chargé des questions militaires auprès de Ouattara depuis le 18 Mai, le colonel nantais Marc Paitier, saint-cyrien bien connu à Abidjan pour avoir servi dans la Licorne et sévi sur les résistants ivoiriens, est en réalité le nouveau chef d’Etat major de ce que l’on ose à peine appeler l’« armée » réunifiée !

@chaque ministron du nouveau gouvernement de Guillaume Soro, « premier ministre sortant-restant-entrant » (et ce dernier lui-même) sera flanqué de deux conseillers -économiques, bien entendu, que croyez-vous ?- soigneusement triés sur le volet en France et en charge de concocter et d’imposer le menu du conseil des ministres !

@pareillement, tous les responsables des régies financières et directeurs généraux d’entreprises publiques et à participation publique majoritaire seront encadrés par un gourou également fourni par la métropole, le partenariat gagnant-gagnant ayant ses exigences !

@les cortèges officiels du président installé par la pègre internationale et des personnalités qu’il a nommées à la tête des institutions sont sécurisés par air et au sol par l’armada française, cette mesure étant d’ailleurs effective depuis le premier jour de la capture du Président de la République, SE M. Laurent Gbagbo Koudou, plus personne n’étant désormais autorisé à aller dormir à…Dakar pour venir travailler à Abidjan !

@les gendarmes et policiers français assurent la sécurité dans tout le ressort d’Abidjan-sur-Seine, la circulation étant même régulée par leurs soins dans les carrefours stratégiques du quartier d’affaires de la commune du Plateau !

N’en jetons plus ! Voilà ce pour quoi se battait la France ! On est bien loin de la défense de la victoire « certifiée » d’un candidat volé ! Voilà, dans toute sa splendeur, le scénario-catastrophe qu’avait exactement entrevu Laurent Gbagbo ! Il n’a d’ailleurs eu de cesse de le marteler durant toutes ces années à ses compatriotes, qui l’ont élu précisément pour faire obstacle à ce plan français de recolonisation de leur pays par l’entremise de Dramane Ouattara, « le candidat de l’étranger », l’élément de persécution de la nation ivoirienne, un aventurier sans attache dans un pays qui n’est pas le sien, un pays qui lui a pourtant tout donné mais à l’endroit duquel il n’a jamais éprouvé la moindre compassion !

Comment un peuple aussi attaché à sa souveraineté, aussi éduqué et qui a tant souffert depuis une décennie aurait-il pu élire un tel homme, libéral terne, sans idéal autre que de servir les milieux mafieux qui l’ont formaté pour ce faire, singulièrement brouillon et à l’incompétence notoire comme en atteste son séjour entre 1990 et 1993 à la primature, spécialisé dans la violence gratuite, père d’une rébellion sanguinaire et sans égale en Afrique pour sa cruauté? Va-t-on enfin comprendre qu’il y a eu dol sur la marchandise ? Que Alassane Dramane Ouattara reste virtuel, avec un pouvoir violent, certes, mais volatil dont la vocation est d’ailleurs de ne reposer sur aucune base pérenne, et donc voué à disparaître à brève échéance de la scène ivoirienne avec ses sponsors qui ne valent guère mieux ?

RECOLONISER A TOUT PRIX : RETROSPECTIVE

Sarkozy était venu annoncer la couleur à Dakar. De son discours foireux seuls des membres de phrases et des insultes avaient été retenus. Alors que c’était tout un discours-programme, truffé de messages subliminaux ! Le « discours de Dakar » était en fait une annonce claire et nette du projet français de recolonisation de l’Afrique. Et il eût été bon de le situer dans son vrai contexte afin de ne pas être dépassé par les événements, plutôt que d’abonder dans le sens des nombreux analystes pour qui Sarkozy avait fait hors-sujet et servi un langage dépassé. Que non : le président français avait été très cohérent, le tout étant de savoir dans quel contexte il était venu parler à la jeunesse africaine à partir de Dakar.

Le choix de Dakar était d’ailleurs une contrainte. C’est bien aux Antilles que ce discours devait être prononcé en guise de réaction à la témérité de Mme Christiane Taubira qui, on le sait, s’était battue comme une forcenée pour faire voter la loi de Mai 2001 assimilant l’esclavage à un crime contre l’Humanité. Le problème était que Sarkozy avait été déclaré non- grata dans les Caraïbes sous administration française depuis la polémique autour de la loi si décriée du 23 Février 2005 exigeant que les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la colonisation, i.e. de la « présence française outre-mer ».

La polémique suscitée par ce bout de phrase (alinéa 2 du chapitre 4 du texte) avait surpris plus d’un, d’autant plus qu’il ne s’agissait, somme toute, que d’une loi mémorielle, sans lien aucun avec les enjeux du moment ni conséquence directe sur la vie quotidienne des Français qui avaient la tête manifestement ailleurs. Finalement le bout de phrase sera supprimé le 25 Janvier 2006 mais l’objectif visé avait été atteint : les Français de « souche » étaient, comme l’ont confirmé les sondages, à 80% fatigués de la repentance, et il ne leur eût point déplu que l’histoire de la colonisation fût réécrite à l’eau de rose !

Il est incontestable, au demeurant, que les réactions outrées de Aimé Césaire ( le père du Discours sur le colonialisme et du Cahier de retour au pays natal), Georges Erichet, Secrétaire général du Parti Communiste martiniquais et surtout du seul chef d’Etat africain à avoir manifesté sa colère (M. Abdelaziz Bouteflika, lequel condamna en la circonstance « une cécité mentale qui confine au négationnisme et au révisionnisme », et exigea le retrait de la loi avant toute signature d’un traité d’amitié franco-algérien), toutes ces réactions avaient pesé dans la suppression du texte. Mais, retenons-le, la majorité présidentielle au sein de laquelle Sarkozy détenait à l’époque le portefeuille de ministre d’Etat ministre de l’Intérieur visait seulement à préparer l’opinion à cautionner de nouvelles aventures expansionnistes.

Ce discours de relégitimation de la présence française outre-mer tenant au rôle positif de la colonisation constituait donc un préalable dans l’entreprise de réhabilitation morale de cette colonisation vitale pour ce pays. Notons-le et faisons le parallèle avec Napoléon qui, en 1802, à cause de la crise économique sans précédent à laquelle la France était confrontée, avait été contraint de réinstaurer l’esclavage en Guadeloupe !

Un ambassadeur américain disait un jour, se gaussant du pays de Marianne : « la France n’est grande que si elle monte sur les épaules de l’Afrique ! ». La France a besoin de la colonisation, elle n’est rien sans la colonisation, ou si, mais alors si peu de chose, pas plus que d’ex-empires coloniaux tels le Portugal, la Belgique, la Hollande. Malgré ses atouts indéniables, ce pays est exsangue, mal géré, peu compétitif puisque les mauvaises habitudes apprises dans son empire colonial lui ont fait perdre les réflexes de la compétition : il avait tout à l’œil, sans faire le moindre effort. Or la donne a changé avec l’ouverture du marché à tout le monde. Il n’y a plus de chasse gardée avec la globalisation de l’économie-monde, la mondialisation… Surtout avec cette propension toute faite d’extraversion d’Africains qui pensent naïvement que changer de maître, pour l’esclave, équivaut à se libérer ! Et qui ne sont pas loin d’espérer en toute candeur que le nouveau maître aux yeux bridés, en djellaba ou en sari devrait être plus charitable que celui au visage pâle…

A ce niveau trois identités remarquables se signalent :

1/ La colonisation française, contrairement à celle allemande, italienne ou anglaise, n’est pas un fait historique, elle est toujours une donnée de l’actualité.

2/ Elle a changé de forme, certes, mais elle demeure et s’est adaptée à l’évolution de ses ex-colonies (pacte colonial, bases militaires, accords de coopération économique, contrôle des ressources et de l’argent).

3/ Elle est en crise car l’équilibre qui la fonde est remis en cause par la mondialisation et le « choc des civilisations » (prédit par le philosophe américain Samuel Huntington).

RECOLONISER A TOUT PRIX : LA MERE DES GUERRES

Le rôle positif de la colonisation-en réalité une litote pour dire mission civilisatrice- est aujourd’hui l’arme dont se sert la France pour jouer son va-tout. En jouant à fond la carte de l’afro-pessimisme, en mettant en exergue le rôle peu glorieux joué par certains chefs noirs dans la fourniture d’esclaves aux négriers (chefs qui ont muté pour devenir des chefs d’Etats aux ordres, obéissants et accommodants ou des chefs rebelles appointés pour déstabiliser les pays dirigés par des leaders qui osent dire non), en appelant à une cogestion de l’impérialisme nécessitée par le devoir d’ingérence, en recherchant l’onction du droit international, les colonisateurs indécrottables entament un retour en force.

En toile de fond, le discours raciste qui justifiait la mission civilisatrice resurgit. Hier, c’étaient des terres sans culture et sans histoire qu’il convenait de sortir de la nuit de la sauvagerie, de la barbarie. Aujourd’hui, toujours avec les mêmes soubassements - la hiérarchisation des races et des cultures, le mépris de l’autre, l’intime conviction de sa supériorité- d’autres présupposés sont en question :

@ la démocratie, avec Bush qui a rêvé d’en inventer une en Irak en ignorant la majorité chiite

@ la pacification, par ces « missions de paix » au Libéria, en Sierra Leone, au Burundi, en Côte d’Ivoire, en RDC, au Soudan, etc…

@ l’actualisation et la légitimation des formes modernes de protection ou de tutelle sous mandat du Conseil de sécurité (selon Hubert Védrine, qui plaide vivement, dans Le Monde du 22 Mai 2003, au lendemain du déclenchement de la guerre de Bush en Irak sans l’aval onusien, pour une limitation de souveraineté qui sera imposée aux « Etats ratés », failed states, en Afrique,i.e. ceux qui refusent de se coucher, tout en appelant à la prudence car le risque est grand « d’y réveiller les fantômes du passé, de réalimenter les fantasmes phobiques d’une altérité conquérante » chez les habitants de ces contrées sauvages qui, précisément, pour ces motifs, « sont restées des refuges en marge du monde »). Nicolas Sarkozy a-t-il dit autre chose à Dakar ?

Il faut savoir que Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères issu du P.S., qui a servi à la fois sous François Mitterand et Jacques Chirac, sous la gauche et la droite, est considéré mondialement comme un des grands idéologues de l’action de la France dans le monde. Il avait dévoilé dans la contribution précitée tous les tropismes de la diplomatie de son pays, diplomatie qui se résume en un mot : « pas contre les interventions impérialistes (coloniales) des pays puissants, mais il faut une cogestion dans le cadre de l’ONU avec l’accord des pays riches ou vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale ( l’aristocratie) et après réforme du chapitre VII de la Charte évoquant le recours à la force (par le pays qui y a intérêt) ». Il suffit d’affirmer que des gouvernements ou des groupes actifs- mouvements de terrorisme ou de résistance- menacent ou persécutent les populations, pour être avalisé dans une aventure dans son pré-carré, sa zone d’influence…

L’argumentaire militaro-ethnographique avait déjà été dévoilé auparavant par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense avant d’être ministre de l’Intérieur au moment du « discours de Dakar ». Elle s’exprimait alors à Bruxelles, fin 2005, devant des experts en matière de défense (l’intégralité de cette intervention est disponible dans le site spécialisé armées.com) :

« la notion d’Etat est en train de s’effilocher dans la plupart des pays africains en raison des conflits ethniques et la misère. Si cela se généralise, à ce moment-là, on peut être sûr qu’il y aura une migration de millions de personnes qui chercheront le seul endroit où il y aura de la stabilité, et le seul et le plus proche, c’est l’Europe. Aujourd’hui, soyons lucides, aucun pays africain n’est en état de réellement pouvoir diriger lui-même des opérations pour mettre fin à une crise. Ils ont besoin de notre soutien. Un des problèmes majeurs que nous allons avoir va être celui du risque de l’embrasement de l’Afrique tout entière ».

On le voit bien, outre le risque d’invasion par les barbares de la mondialisation, la principale « monnaie » de légitimation de la présence militaire, donc forcément économique, des nations européennes en Afrique est l’instabilité. Que l’on ne s’étonne pas qu’elles soient tentées de la fabriquer pour se maintenir, d’autant plus que le RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix) a échoué, tout comme la vietnamisation de sinistre mémoire.

La recolonisation globale de l’Afrique est sérieusement envisagée depuis quelques années. On connait le très médiatique philosophe Alain Finkielkraut, ce personnage haut en couleurs à la tête d’une école de pensée qui alimente les leaders d’opinion français en idées selon lesquelles l’Occident historique doit réactualiser ses théories racistes pour continuer à dominer et à écraser la barbarie, qu’il n’a pas le choix de toute façon car les barbares, surtout ceux qu’il héberge, le haïssent tant ( voir les émeutes des « minorités visibles » qui dans son entendement ne sont que le seul fait des noirs et des arabes avec une identité musulmane, ou les paroles des chansons de rap « Je pisse sur la France, je pisse sur De Gaulle » de Dr R, ou l’équipe de France black-black-black…) et sont à ce point ingrats alors que cet Occident ne leur a fait que du bien, et tutti quanti.

S’il n’agite pas l’épouvantail du racisme anti-blanc qui va prendre au 21ème siècle les formes du communisme au 20ème siècle selon les termes de Finkielkraut publiés par le quotidien israélien Haaretz, l’impérialisme verse dans un afro-pessimisme radical, toujours à la limite du racisme essentialiste le plus féroce et singulièrement cultivé en France.

RECOLONISATION : MODE D’EMPLOI

Stephen Smith, journaliste spécialiste de l’Afrique, ancien de Libération puis du quotidien Le Monde dont les livres préparent toujours une inflexion de la diplomatie française, est considéré à juste titre comme l’un des idéologues les plus en vue de la Françafrique. Son livre-événement « Négrologie-Pourquoi l’Afrique meurt » paru fin 2003 a été consacré par la critique en France et récompensé par le prix France-Télévisions. Qu’écrit ce chef de file des journalistes à gages sous contrat avec les entreprises du Cac 40 ? Des âneries, des insultes à toute une race, et une conclusion : ces sauvages sont à recoloniser à tout prix !

Quelques extraits de ce torchon qui a inspiré le « Discours de Dakar ». Selon notre spécialiste de l’Afrique, ce continent ne serait qu’un « Ubuland sans frontières, terre de massacres, mouroir de tous les espoirs » qui « agonise, quoiqu’en disent, une fois l’an, au creux de l’actualité, les optimistes forcenés de l’Afrique qui bouge ». L’Afrique serait le « paradis de la cruauté », à cause des Africains « qui se bouffent entre eux » et « s’enferment dans un autisme identitaire » les poussant à accuser l’Occident de tous les maux dès qu’il les critique légitimement.

« Si l’on remplaçait la population-à peu près équivalente-du Nigéria pétrolier par celle du Japon pauvre, ou celle de la RDC par celle de la France, il n’y aurait plus guère de souci à se faire pour l’avenir du « géant de l’Afrique noire » ni de l’ex-Zaïre. De même, si 6 millions d’Israéliens pouvaient, par un échange standard démographique, prendre la place des Tchadiens à peine plus nombreux, le Tibesti fleurirait et une Mésopotamie africaine naîtrait sur les terres fertiles entre le Logone et le Chari. Qu’est-ce à dire ? Que les Africains sont des incapables pauvres d’esprit, des êtres inférieurs ? Sûrement pas. Seulement, leur civilisation matérielle, leur organisation sociale et leur culture politique constituent des freins au développement ».

Stephen Smith se lance dans une démonstration, fait feu de tout bois, ramassant les chiffres et les données sur les guerres qu’eux-mêmes ont allumées en Côte d’Ivoire ou en RDC, sur la famine et le sida, la loi coranique au Nigéria, le mouvement évangélique, et va jusqu’à prédire l’effondrement de l’Afrique du Sud menacée par Thabo Mbeki et qui ne peut se sauver qu’en se débarrassant de la « négrologie » et en la remplaçant par les Blancs, ce qu’il appelle un « miracle ». Le spécialiste de l’Afrique s’indigne que le monde puisse encore tolérer le maintien des Etats africains en faillite, ou considérer comme sérieux leurs efforts en vue de passer aux « grands ensembles régionaux » sur le continent. « Comment se fait-il que la souveraineté des pays africains , que le colonel Khadafi et les deux Chines rivales (Pékin et Taïwan) achètent tout comme la France et le Japon, pour faire le plein des voix dans les instances internationales, est maniée comme une hostie, dans la crainte permanente du sacrilège ? », se demande-t-il, en concluant : « depuis l’indépendance, l’Afrique travaille à sa recolonisation. Du moins si c’était le but, elle ne s’y prendrait pas autrement ».

Même en cela le continent échoue, au point que plus personne n’est preneur. Sauf peut être la généreuse patrie des droits de l’homme qui a pour credo que là où sur cette planète un être humain souffre, elle va se sacrifier pour aller à son chevet et le consoler car elle a le devoir de le considérer comme étant français. Heureusement donc pour nous, la France est là, et Sarkozy était passé pour nous le rappeler à Dakar !

Après cela, comment douter un seul instant que le processus de la recolonisation avait été déjà enclenché, le tout étant seulement de lui trouver un habillage ? Sinon relisons ce passage du livre de Stephen Smith : « Le réengagement de l’Occident en Afrique est déjà en cours. La reprise en mains du continent, amorcée avec la multiplication des opérations de rétablissement de la paix au Libéria, en Sierra Leone, au Burundi, en Côte d’Ivoire et au Congo, passera par une seconde pacification de l’Afrique. A un bon siècle d’intervalle de la conquête coloniale, le prétexte deviendra raison » : il s’agit de mettre fin « à d’effroyables tueries tribales ». Mais cette fois, la « mission civilisatrice » est assumée par la communauté internationale dans son ensemble.

Sur le continent, tient-il à préciser, lui le prescripteur, « la mise en œuvre militaire de cette mission civilisatrice sera confiée, d’une part, à des casques bleus originaires de pays du tiers-monde (Inde, Pakistan, Bengladesh, etc…) et, d’autre part, à des puissances régionales telles que le Nigéria et l’Afrique du Sud, qui rappelleront les « forces supplétives » de la colonisation ».

MEDIAS MENSONGES ET DESINFORMATION
La palme hésite encore entre cette chaîne qui diffuse des mensonges 24heures sur 24, cet autre medium vieillissant griot de la francophonie, l’Afp et ses jeunes concurrentes, les télés du bouquet France télévisions, bref tous ces organes de propagande du Cac 40 qui ont valu à la France, à juste titre, une lamentable 44ème place au classement mondial de la liberté de la presse récemment publié, loin derrière des pays africains comme le Mali, le Cap Vert, le Ghana, la Namibie, etc …

Pour les besoins de la cause, l’atteinte de l’objectif -le départ à tout prix de Laurent Gbagbo-exigeait que fussent rangés au placard tous les principes enseignés dans les écoles de journalisme. Et ces messieurs-dames, chantres motivés du journalisme bleu-blanc-rouge, n’ont pas boudé leur plaisir ! Rétrospectivement d’ailleurs, au vu du résultat obtenu, et quels que soient le mépris que suscite le recours à ces méthodes et la haine que ces bandits de plume, de micro et de caméra inspirent, force est d’admettre qu’ils sont très très forts.

Il fallait être ceinture noire 5ème dan de mauvaise foi ou s’appeler « journaliste français » pour faire gober toutes les salades de mensonges putrides qui ont été servies pendant cette crise post-électorale ivoirienne créée de toute pièce ! Pour s’en convaincre, il suffit de voir les images et commentaires des prétendus assauts rebelles sur la résidence de Gbagbo, de la grossière attaque de l’hôtel du golfe, du faux massacre des manifestantes d’Abobo…, ou de se demander pourquoi les images des massacres perpétrés par l’Armée française, les forces d’occupation onusiennes, les bouchers de l’Ecomog et leurs complices rebelles ont été soigneusement mises sous le coude, raison d’Etat néocolonial obligeant !

Mieux que tout long discours, le témoignage de Dominique Ugeux atteste des misérables méthodes de couverture qui ont caractérisé le traitement de l’information tout au long de cette mère des guerres pour la recolonisation de la Côte d’Ivoire par l’Etat français sous le fallacieux prétexte d’un refus par Laurent Gbagbo de sa défaite.

En mi Décembre 2010, les télespectateurs ont pu voir et entendre sur les antennes de la radiotélévision ivoirienne le témoignage de ce citoyen de l’Europe, membre émérite de l’Académie royale de la presse Nord-Sud, ex-député au parlement belge. Voici le récit de cet homme :

« J’étais sur la terrasse de l’Hôtel Pullman pendant la proclamation des résultats. Il y avait des journalistes correspondants de chaînes que je ne vais pas citer. Ils venaient s’asseoir sur la terrasse pour discuter et surtout pour capter leurs satellites pour le journal en duplex.

A cet endroit j’ai assisté à une des scènes des plus révoltantes au monde. Ce que je vais vous dire résume beaucoup de choses dans la crise en Côte d’Ivoire et n’appellera pas d’autres commentaires.

Il était 17 heures 15 minutes, le lundi 6 Décembre 2010, ici à la terrasse de l’hôtel Pullman. J’échangeais avec un journaliste avec lequel je m’étais lié d’amitié au premier tour et qui était là pour le second tour de l’élection présidentielle. On discutait de la déontologie et de la liberté de la presse. A 18heures ici, 19 heures pour Paris, avec son portable et l’amplificateur, il appelle Paris étant à un mètre de moi. Il a dit : « Allô Paris, je fais la manchette sur Abidjan. Il y a des embouteillages, tout est normal, il fait calme. Abidjan bouge, le peuple est heureux, Laurent Gbagbo est élu ! ».

Alors on entend Paris dire : « Tu ne peux pas dire ça ! Tu dois dire qu’il y a une tension vive à Abidjan, que les Ivoiriens ont peur, les rues sont désertes, les Ivoiriens contestent la victoire de Gbagbo. ». Voilà ce dont j’ai été témoin ».

Sans commentaire…Sauf pour répéter que cette manière ignoble de pratiquer un métier aussi noble est devenue le paradigme pour des professionnels naguère cités en exemple, à la grande désolation des citoyens français eux-mêmes, les premiers à déplorer la remarquable mutation de leurs journalistes, transformés du jour au lendemain en crapules immondes.

Appelé, en vérité, à accélérer le déclin de la grande France, Nicolas Sarkozy est le premier responsable de cette grave dérive. Il a toujours assumé avec véhémence les relations privées d’une solidité extrême qui le lient depuis le début de sa carrière d’avocat à des puissances d’argent et aux grands représentants des milieux d’affaires présents dans les ex-colonies de l’Empire français en Afrique.

Ces amis brassent des fortunes considérables dans toutes les anciennes possessions françaises à travers le continent africain dans des domaines aussi variés que le pétrole, le Btp, le transport multimodal, les nouvelles technologies, l’eau, l’électricité, le téléphone, l’internet, les mines, la finance, les produits agricoles…( Soit dit en passant, l’arrivée de Alassane Ouattara « aux affaires » à Abidjan entre 1990 et 1993, la longue maladie de Félix Houphouët Boigny lui laissant les coudées franches, demeure encore le meilleur souvenir de pillage organisé pour ces capitalistes !).

Et comme de juste, ces amis de Nicolas Sarkozy sont les propriétaires exclusifs ou les gros actionnaires des grands groupes de presse de l’Hexagone : journaux, radios, télévisions ; sans compter toutes ces officines des droits de l’homme qu’ils ont placées sous perfusion financière et qui vivent des subsides que ces messieurs au grand coeur veulent bien leur distribuer…

Voilà, en vérité, le chaînon manquant du « Discours de Dakar » ! L’avocat Nicolas Sarkozy était venu parler à la jeunesse africaine en missi dominici de ses parrains, lui le Vrp des détenteurs du grand capital français. Son style avait heurté, certes, mais l’essentiel n’était pas dans le chapelet d’injures qu’il égrenait ce jour-là. Il était simplement venu annoncer la décision prise par ses maîtres, sous la contrainte d’événements qu’ils ne maîtrisent plus, de tout nous reprendre, jusqu’à nos indépendances formelles !

L’AGENDA SECRET DE LA FRANCAFRIQUE

En somme le discours de Port-Bouët est celui par lequel la France a enfin baissé le masque et déchiré l’épais rideau de fumée derrière lequel elle a longtemps caché son intention inavouable et le présupposé de toutes ses actions en Côte d’Ivoire : le départ de Laurent Gbagbo du pouvoir d’ Etat et l’ installation de Alassane Dramane Ouattara, le remplacement du courageux défenseur de la cause du peuple ivoirien par le domestique formaté pour être le gérant loyal des intérêts français. Si d’aucuns continuent d’en douter, qu’ils se rappellent au moins la principale information livrée par Sarkozy dans ce discours-aveu : la France est désormais dans la place et sa base militaire y sera maintenue en permanence, pour l’éternité!

Je pressens que des idiots utiles pousseront l’audace jusqu’à aller chercher et trouver des raisons d’ordre sécuritaire à cette décision ; qu’ils aient au moins - une fois n’est pas coutume- la lucidité de reconnaître qu’on est vraiment très loin du souci allégué de faire respecter un prétendu verdict des urnes favorable à Ouattara. Entre installer son poulain victime d’injustice et s’inviter ad vitam aeternam sur la place, il devait bien y avoir un agenda secret soigneusement caché, et cela seuls ceux qui avaient des écailles sur les yeux ne pouvaient le voir… Mais enfin, si l’aveugle ne voit pas la pluie, il entendra bien le tonnerre!

A présent que la recolonisation d’un pays frère est consommée, tous ceux qui ont été leurrés du fait du stupéfiant « suivisme moutonnier » ayant obscurci leur discernement devraient enfin accepter leur part intrinsèque de responsabilité dans cette arnaque franco-américano-onusienne qu’ils ont grandement facilitée. La ridicule et mensongère allégation de victoire électorale de Ouattara n’était qu’un prétexte utilisé par le loup affamé pour entrer dans la bergerie! Incapables de comprendre cette motivation d’ordre géo stratégique, tous ces Africains qui ont cautionné par leur parole et leurs écrits cette aventure criminelle et dont certains ont poussé la félonie jusqu’à jeter l’anathème sur leurs frères assez lucides pour comprendre les enjeux et défendre Laurent Gbagbo (le florilège de leurs réquisitoires incendiaires ayant heureusement été conservé dans les cahiers de l’Histoire), tous ces « procureurs » en sont aujourd’hui pour leurs frais. Qu’ils aient surtout la dignité et l’élégance d’assumer !

Quant à tous ces autres négriers des temps modernes qui se connaissent : ce conglomérat hétéroclite de journalistes sous contrat connectés aux cercles mafieux, de politiques opportunistes en attente d’un renvoi de l’ascenseur, d’intellectuels qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, d’humanitaires à gages, j’ose espérer que leur conscience –s’ils en ont une – les grondera. En cautionnant cette entreprise de recolonisation d’un pays frère mieux que ne l’auraient fait des ânes de Troie (le cheval étant un animal trop noble !), ils ne se sont même pas rendu compte qu’ils ont, ce faisant, ouvert la boîte de Pandore de la destruction de leur propre pays !


En conclusion, l’interrogation majeure, à l’heure de la recolonisation du continent, demeure l’avenir de la Françafrique. Feu François-Xavier Verschave dans son ouvrage « Noir silence » se demandait à juste titre : qui arrêtera la Françafrique ? La réponse coule de source, s’agissant de la Côte d’Ivoire patriotique. Les difficultés qu’ont éprouvées les différents pouvoirs qui se sont succédé à Paris pour y installer leur pion et le phénomène de rejet que suscite ce dernier auprès des populations qu’il ambitionne de diriger envers et contre tout seront inversement proportionnels à la facilité avec laquelle ce peuple brimé, humilié, massacré mais toujours debout se débarrassera, le moment venu, de l’imposture, et imposera sa volonté !

Quant au cartel international des comploteurs qui rient encore sous cape du tour pendable joué à Laurent Gbagbo, ses membres ne perdent rien pour attendre ! Ils auraient pu, à la limite, obtenir une parcelle de pouvoir à leur nègre de service sans verser tout ce sang d’innocents. Encore que l’atteinte de cet objectif n’a même pas fait cesser le génocide dans l’ouest ivoirien que Sarkozy et Obama ont juré de repeupler par des populations plus accommodantes pour la mise à disposition du cacao aux chocolatiers Barry et Cargill. Mais, comme on dit à babi (Abidjan), chacun d’entre eux connaîtra un jour le jour de son jour qui sera son mauvais jour. Une fourmi noire sur une pierre noire dans la nuit noire, Dieu la voit !

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