vendredi 24 juin 2011

Massacre des populations dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.Comment l’ONUCI a participé aux tueries des civils à Duékoué


par La Majorité Présidentielle Gbagbo, vendredi 24 juin 2011, 18:11

Voyageur en transit au moment des faits, j’ai décidé de rendre ce témoignage sur les tueries massives à Duékoué (450 kilomètres d’Abidjan-ouest de la Côte d’Ivoire). Je le fais pour deux raisons fondamentales. Eclairer la lanterne de l’opinion et tout individu qui voudrait en savoir plus sur cette bêtise humaine inexplicable. Mais surtout, en tant que sachant, ne pas rendre ce témoignage serait synonyme de complicité devant Dieu face à ses crimes contre l’humanité.


Comme le métier d’opérateur économique l’exige, je voyage bien souvent. C’est ainsi que ce dimanche 27 mars 2011, j’ai été emmené, à bord de mon véhicule personnel, à partir d’Abidjan en compagnie de deux amis. Direction Man. N’ayant pas vite pris le départ d’Abidjan, nous pointons au corridor de sécurité de Duékoué à 20 heures 30 minutes. Là, nous découvrons une situation bien inhabituelle, bizarre même. Le corridor était fermé à la circulation ! Comme témoigne la herse qui traverse entièrement la chaussée. Nos nombreux Klaxons pour amener les maîtres des lieux à dégager la herse restent sans écho favorable. Le corridor présentait un calme de cimetière. Il n’y a aucune âme qui vit. On finit par comprendre que les agents de sécurité sont tapis dans l’ombre. Mais on comprendra le pourquoi un peu plus tard. Toujours est-il qu’on a rebroussé chemin pour replier sur le carrefour de Guessabo (40 kilomètres), attendant le jour pour repartir. Juste le temps de voir plus clair dans la situation. «Il y a couvre feu à Duékoué, mais habituellement, c’est à 21heures. Cette fois, ils ont fait 19 heures, ils n’ont pas dit qu’ils son forts, demain ils vont voir», explique un jeune chasseur traditionnel Dozo, à Tobly-Bangolo, où on avait marqué un arrêt pour s’informer. A Guessabo, nous passons la nuit dans le véhicule tout comme de nombreux véhicules de transport en commun avec leurs passagers. Man, Duékoué, Guiglo, Zagné, Taï, Bloléquin et Toulépleu sont les destinations des voyageurs rassemblés pour la circonstance à Guessabo carrefour. 6heures, nous revoilà au corridor de l’entrée de la ville de Duékoué, ce lundi 28 mars 2011.Si la herse est dégagée de la voie cette fois-ci, certains soldats loyalistes, armes au poing, sortent brusquement du fourré pour nous intimer l’ordre de faire demi-tour. Une manœuvre que nous n’avons pas fini de faire quand la réponse est donnée à toutes nos interrogations de la veille. C’est que Duékoué est le théâtre de violents combats entre les forces loyalistes et les forces pro-Ouattara. Crépitements, détonations et explosions les plus assourdissants se faisaient entendre dans la ville située à 500 mètres de ce corridor de sécurité.

Dans le village de Niambly déserté où on a trouvé refuge dans la précipitation, la sécurité, évidemment, est loin d’être garanti. Surtout que les forces pro-Ouattara, venues du coté de Guessabo, avaient coupé toute cette zone du fleuve Sassandra. Pris entre deux feux, tous les automobilistes dont certains essuyaient des tirs déjà ne pouvaient trouver d’autres solutions que de faire irruption dans le camp onusien, un contingent marocain de l’ONUCI situé à l’entrée de Duékoué. A leur corps défendant, les militaires onusiens font le ménage en nous installant sur une aire vague en pleine plantation de cacaoyer, à proximité de leur camp. Femmes, enfants, bébé, vieillards, jeunes et adultes, tous des voyageurs et ne se connaissant pas du tout, vont partager leur destin là, à même le sol, au pied d’une vieille bâtisse tenue par un vieux gardien. «Notre rôle ne consiste pas à héberger, à recueillir les gens dans nos camps, c’est exceptionnel, votre présence est acceptée momentanément», explique avec un brin de fermeté, un soldat marocain à ses visiteurs du moment à qui des nattes sont distribuées. Dans le même temps, les soldats dressent un corridor autour de leurs visiteurs inattendus.

Pendant ce temps, les combats entre forces loyalistes et pro-Ouattara font rage dans la ville. Des informations persistantes font état de ce que les forces pro- Ouattara mènent le bal sur le terrain, c'est-à-dire contrôlent la quasi-totalité de la ville. Certains automobilistes retranchés comme nous avaient perpétuellement le téléphone collé à l’oreille et dissimulaient mal leur enthousiasme. 14 h. Il se passe quelque chose. Les FDS loyalistes ont-elles du renfort ? Toujours est-il qu’une hystérie s’est emparée du contingent marocain. Qui fait sortir de son camp d’importants engins militaires. Ordre est donné pour que les visiteurs hommes suivent les femmes et les enfants dans le camp où auparavant, seuls les derniers cités avaient été admis. Pourquoi tout ce ménage ? La réponse ne se fait pas attendre pour les fugitifs qui s’activaient à installer leurs nattes au sein du camp. Parce que la terre tremble. Car les armes lourdes postées ça et là dans le camp et hors du camp ont été actionnées et vrombissent. On saura un peu plus tard que l’ONUCI réagissait pour mettre sous l’éteignoir les FDS qui reprenaient du poil de la bête en reprenant le contrôle de la ville. Les forces pro-Ouattara étaient donc en difficulté. Cet état de fait est plausible d’autant qu’un des leurs en treillis qui a abandonné son arme s’est présenté au camp pour indiquer de façon précise les positions de leurs ennemis (FDS). Surtout du côté de la zone carrefour, un quartier des autochtones guéré, fief des groupes d’auto-défense locaux depuis 2002, date de l’éclatement de la rébellion armée en Côte d’Ivoire.

L’ONUCI dont les chars sont déjà présents dans la ville pendant les combats intensifie ses frappes dans le quartier général des autochtones Wê où tous les civils se sont enfermés dans leurs habitations. 18 heures, les combats ont baissé en intensité. Le ciel de Duékoué est noir de fumée comme si l’on venait de brûler des champs pendant les travaux champêtres. Cette fumée traduisait l’âpreté des combats au cours de la journée. Autour de 18 heures 30, un hélicoptère de l’ONUCI survole la ville. «Condoléances et courage à vous dont les parents sont tombés aujourd’hui à Duékoué, parce qu’il y en a eu», concède de façon pathétique un soldat onusien qui s’est approché de ses hôtes, terriblement désabusés. A la suite des frappes de l’ONUCI, les FDS perdent la ville. Seule poche de résistance, le quartier carrefour en cette fin de la journée du lundi 28 mars 2011. Toute la nuit, avec l’accalmie, les populations civiles, dans le dénuement total, fuyant la mort, prennent d’assaut le camp onusien. La journée du mardi 29 mars 2011, même scénario. Ah cette journée du pire cauchemar pour les populations de Carrefour qui, passé pour la fois sous le contrôle des forces pro-Ouattara aux premières heures du jour (mardi 29 mars 2011), va subir les violences les plus extrêmes. Au quartier carrefour, les conquérants ne se sont pas posés de question. Toutes les maisons dont les portes sont closes sont détruites et les occupants tués. Ou encore celui qui tente de s’échapper à la vue des assaillants est fusillé sans autre forme de procès. Que ce soit avant ou après les combats, ce scénario a été mis en scène à la lettre par les forces pro-Ouattara à Duékoué et particulièrement au quartier carrefour. En tous cas, dans le camp onusien où nous étions, les témoignages des fuyards reçus heure après heure étaient invariables. D’ailleurs, un des soldats onusiens ne peut s’empêcher, devant de telles horreurs et atrocités. «J’ai fait le Congo. J’y étais pendant la guerre mais ce que j’ai vu à Duékoué ici n’a rien à voir avec ce que j’ai vu au Congo. Au quartier carrefour, la scène est insupportable. Nous les soldats de l’ONUCI nous serons obligés d’aller ramasser les corps pour éviter les épidémies. On n’attendra pas les ordres de nos chefs ou toute autre action», raconte-t-il avec émotion. Il montre encore plus qu’il est un digne fils de l’Afrique. «Tout ce qui arrive est la faute des Africains qui ne sont pas unis. Le jour où ils parleront le même langage, les Occidentaux seront déphasés et on ne verra plus ce genre de scène», poursuit-il face à ses deux interlocuteurs (moi-même et un autre ami) un peu détaché du groupe des «pensionnaires» dont le nombre grossissant avait pratiquement submergé le camp onusien. Nous sommes mercredi 30 mars 2011. Ce jour marque le départ d’une autre vague des visiteurs du camp après celle du mardi après-midi, à destination de Man et de Duékoué ville. Après notre départ, les nombreux pensionnaires restés dans le camp ont été expulsés. La mission catholique leur a été recommandée. Sur le motif de cette expulsion, les voyageurs partis du côté de Taï racontent que l’ONUCI suspecte certains fuyards enregistrés dans le camp d’être des miliciens. Un tel motif, on s’en doute, exposait encore plus les expulsés au massacre. Toutes ces situations combinées justifient-elles les tueries massives et ciblées des civils à Duékoué que dénoncent les organisations de défense des droits humains ? Tout porte à le croire.



Kambire Sitafa
Correspondance particulière



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