lundi 1 août 2011


Publié le lundi 1 aot 2011 | Le Temps
Le 4 décembre 2010, le Conseil constitutionnel reçoit le serment de M. Laurent Gbagbo comme Président de la République de Côte d’Ivoire. La Communauté dite internationale conduite par la France, qui ne reconnaît pas ce résultat monte une armée de mercenaires conduite par la force française de l’opération Licorne et les forces de l’Onuci, puis lance un assaut contre le pouvoir légalement établi. La coalition armée finit par l’emporter le 11 avril 2011 suite à l’arrestation humiliante du Président de la République.
Ainsi venait de prendre fin le coup d’Etat commencé depuis le 19 septembre 2002. Neuf années pour perpétrer le Coup d’Etat le plus long de l’Histoire. La Côte d’Ivoire rentre ainsi, selon des observateurs avisés, dans le livre Guinness des records pour avoir connu le coup d’Etat le plus long et parfait de l’histoire du monde.

La «capture» du président Gbagbo par les forces françaises donne lieu à des scènes burlesques : Le ballet des reniements, la danse du ventre et autres actes dits de trahison. Le mot est lâché. «Accusés, levez vous !» Parmi les «traîtres ou les vrai faux traites», des visages connus. Pour avoir entonné pendant longtemps, l’hymne de la victoire de la majorité présidentielle (LMP).Mais qui, aux premières heures du coup d’Etat contre le pouvoir de Gbagbo, ont couru se jeter dans les bras du chouchou de la France en Côte d’Ivoire. Sans regret. Alors qu’aucun signe de désamour entre eux et leur champion «renversé», ne pointait à l’horizon.

Traîtrise ou stratégie politique, tactique de survie, instinct de conservation ? Nul ne saurait aujourd’hui apporter une réponse claire, pour illuminer le choix du cœur, du ventre ou de la raison, opéré par ces «accusés». C’est ce que semble dire le professeur de droit, Ouaraga Obou, nouvellement coopté par l’équipe de Ouattara pour être parmi les conseillers du Conseil constitutionnel : «Laissez-moi prendre ma part de traîtrise»…

Beaucoup y voient une couleuvre difficile à avaler. Jetant l’anathème sur ces «camarades», «ces patriotes» devenus subitement des «butterflies», parce que papillonnant en société. Faut-il mettre dans ce même registre, le Pr. Mamadou Koulibaly, (ex ?) président de l’Assemblée nationale, ex N°3 du FPI, parti qui a emmené Laurent Gbagbo au pouvoir d’Etat en 2000 ? L’avis d’un médecin renommé, tombe comme un couperet : «Imagine toi un seul instant que les Oliver Thambo, Thabo M'Beki, Jacob Zuma, et les autres aient quittés l'ANC pour aller créer un nouveau parti dès que le ''terroriste'' Nelson Mandela et ses amis dont Walter Sisulu ont été arrêtés... MK ? Ce que j'en pense? La révolution est pyramidale et au fur et à mesure que nous avançons les plus fragiles vont tomber… ». Ce jugement vaut-il celui de l’histoire? Est-ce précipité ? Toujours est-il qu’il apporte du grain à moudre à ceux qui n’ont jamais compris l’attitude du Professeur Paul Yao N’Dré. Cet autre «refondateur» qui a assombri l’aura du Conseil Constitutionnel Ivoirien, en se reniant. Pour sauver quoi ? Dégommé récemment de cette institution, cet homme, rentré également dans le livre Guinness des records pour avoir été le premier Président d’un Conseil constitutionnel à avoir accepté le serment de deux Présidents de République sans que l’un d’eux ne soit décédé ou déclaré incapable à la fonction, aura largement le temps d’y répondre.

Ah, comme l’histoire bégaie ! Ramenant à la surface des consciences, les parenthèses pétainistes (la France sous occupation), les Révisionnistes, version «rectification» de la refondation comme l’a fait avec moins d’élégance, un certain Blaise Compaoré au Burkina Faso, avec la disparition du martyr-héros Thomas Sankara. Schéma similaire en basse Côte d’Ivoire ? En tout cas, à peine en résidence surveillée au même titre que, enfant, épouse, parents, amis, camarades de lutte politique, connaissances et de simples citoyens, que Gbagbo est renié par les…siens. Certains, bien entendu. Evitons et n’osons pas le parallèle avec le reniement par Pierre du fils de l’homme trahi par Judas : «Je ne le connais pas». Apôtres et autres compagnons de Jésus, s’effacèrent pour éviter le courroux des maîtres des lieux. Le cas Mamadou Koulibaly et des refondateurs «déserteurs» trouve-t-il explication dans le régime de fer et de feu qui s’installe pernicieusement en Côte d’Ivoire ?
Selon l’Afp (16 juin 2011), «jusqu`à 500.000 personnes sont toujours déplacées en Côte d`Ivoire malgré la fin de la crise politique». «60 prisonniers politiques, 2 millions de réfugiés et d’exilés, 3 mois de pouvoir» (source : Notre Voie).

Dans son communiqué daté du 15 juin 2011, la ligue ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho) dénonce cette situation en ces termes : « la Côte d’Ivoire continue d’être le théâtre de graves violations de droits de l’homme, qui se déclinent entre autres en atteintes au droit à la vie, aux libertés de circulation, de presse, d’opinion, d’expropriation de biens meubles et immeubles (voitures, plantations, etc.) et d’occupation de domiciles privés. En effet, de façon régulière notre monitoring de la presse et les différents rapports de nos sections font état desdites violations que confirment par ailleurs les organisations internationales de défense des droits de l’homme et de promotion de la démocratie. Les populations continuent de vivre dans l’angoisse du fait d’une situation sécuritaire qui reste préoccupante. Des domiciles continuent d’être visités et pillés de nuit comme de jour, des familles séquestrées par des hommes armés se réclamant des Forces Républicaines Côte d’Ivoire (FRCI), sous le prétexte de perquisitions à la recherche de caches d’armes qui se terminent bien souvent par des exécutions sommaires de personnes civiles». HRW met en doute l`impartialité de la justice ivoirienne .Selon Afp (16 Juin 2011), la justice ivoirienne "semble partiale" face aux auteurs de violations des droits de l`Homme, s`inquiète Human Rights Watch (HRW), soulignant qu`aucun élément des forces de Alassane Ouattara impliqué dans des "crimes graves" n`a encore été arrêté. "Aucun des membres des Forces républicaines (pro-Ouattara, ndlr) n`a été arrêté ou placé en garde à vue pour crimes graves commis pendant la période post-électorale", poursuit HRW. Selon Corinne Dufka, chercheuse au sein de l`ONG, "le clivage se creuse entre le discours du gouvernement Ouattara selon lequel personne n`est au-dessus des lois, et la réalité d`une justice qui semble être partiale et
marcher au ralenti". La justice des «vainqueurs» est en marche. Elle fait taire la «parole (naguère) libérée» et jette dans des prisons du «Soroland», proches des goulags d’alors, tous ceux qui pensent autrement. Même la prison d’Assabou(Yamoussoukro), création de feu Houphouët Boigny, au temps où il faisait régner la terreur sur ses adversaires politiques, n’est que paradis devant les lieux d’enfermement réservés aux ivoiriens qui, l’instant d’une simple compétition électorale, ont supporté le camp Lmp. Quelle réaction humaine avoir, pour sauver sa tête, dans ce «Dozoland» où la peur prend place partout, où les citoyens n’osent plus se regarder dans les yeux et se parler, puisqu’il y règne la délation, la félonie et les étourderies de seigneurs de guerre ? Est-t-on dans le cas de figure d’une dictature rampante ? Les dictateurs, on le sait, ont des traits communs, selon notre ami facebookers, Georges Gino : Ils ont le droit de mort sur leur peuple et représentent à eux seuls, avec leurs épouses, la justice, le droit et la démocratie dans leur pays. Ils ne connaissent ni les remords dévorants d'une mauvaise conscience, ni les vaines terreurs qu'inspirent aux autres hommes les fables des enfers, ni les frayeurs que leur causent les spectres et les revenants. Ils sont les nombrils de leurs nations et eux seuls sont de race pure. Les autres, hybrides, n'ont pas les mêmes droits qu'eux, sont des sous-hommes.

En un mot, ils ne sont point déchirés par cette foule de soucis qui assiègent continuellement la vie de leurs compatriotes. Ils n'ont jamais faim, ne manquent point d'argent ni de femmes. Ils n'ont ni honte, ni crainte, ni ambition pour leurs Etats, ni jalousie des Champs Elysées qu'ils affectionnent, incapables de les construire chez eux, ni tendresse pour leur peuple. Toujours gais et contents, non seulement ils jouent, chantent, rient et s'amusent sans cesse, mais ils répandent encore des pleurs, des cris et des douleurs sur tous ceux qui les environnent, parce qu'ils ont toujours le doigt sur la gâchette ou les poisons sur les assiettes. La Côte d’Ivoire de l’après Gbagbo semble être entrée dans le giron des damnés de la terre. Où, les victimes expiatoires du nouveau pouvoir ont choisi plusieurs voies de salut. Entre autres, ne pas prêter le flanc aux justiciers de l’ombre. Faire sa cuisine dans son coin. En espérant que soit bouclé rapidement, le pénible circuit : Vengeance-revanche-réconciliation-paix. De l’exagération ? Reste à voir. Sinon, comment qualifier un régime qui jette en prison Michel Gbagbo, tout simplement parce que selon le ministre ivoirien de la justice, «c’est le fils de Gbagbo et il se trouvait avec son président de père» au moment de sa «capturation» (néologisme créé par notre handballeuse de ministre de l’Education nationale). Comment comprendre l’emprisonnement de journalistes dont Herman Aboa, Franck Anderson Kouassi, Guézé, etc ? Comment qualifier un régime où des pieds nickelés rebaptisés «forces républicaines» tuent plus qu’ils ne protègent les citoyens de l’insécurité ambiante ? Comment qualifier un Etat qui fonce droit vers sa «Somalisation» ? Avec des chefs de guerre prêts à en découdre avec celui qu’ils ont fait roi et qui, disent-ils, veut par ingratitude leur faire la peau ?

Témoignage de la presse nationale : «Voici le résumé des propos d’un soldat FRCI, ancien des Forces nouvelles que nous avons joint samedi dernier au téléphone depuis la localité de Ponondougou dans le nord de la Côte-d’Ivoire. Au mois de juin, nous vous faisions cas du refus des hommes du commandant «rebelle» Fofié Kouakou, de laisser les postes de contrôles frontaliers aux fonctionnaires des douanes, affectés depuis Abidjan. Ceux-ci avaient d’ailleurs été menacés et sommés sous la menace des armes de retourner d’où ils venaient. Un mois plus tard, nous sommes repartis aux nouvelles. Le constat est que le statut-quo demeure, «les douaniers de Ouattara» ne sont toujours pas les bienvenus dans le «Soroland». Des propos attribués récemment par les médias locaux au commandant Fofié Kouakou(zone de Khorogo) sont inquiétants : «(…) Il faut leur dire que nous on continue notre boulot tranquillement, tous les régisseurs sont en place, la Centrale (Ministère des Finances des ex rebelles, Ndlr) ici à Korhogo fonctionne correctement. Les entrées d’argent du port suffisent à Ouattara et à ses amis blancs. Ils veulent fermer nos postes, mais qu’ils arrêtent d’abord les tickets de Wattao au port d’Abidjan et des autres à San-Pedro. Wattao taxe les camions vides à 5000 Fcfa et les camions remplis à 10.000 Fcfa, est-ce que eux ils ne voient pas ça ? Et c’est nous ici, ils viennent emmerder. Dernièrement nos éléments ont reçu 100.000 FCFA à la CTK, mais toi-même tu es journaliste vieux-père, est-ce que c’est normal ça, cent mille pour tout le travail qu’on a fait. Nos frères et amis sont tombés (mort, Ndlr ) au front, leurs parents n’ont rien reçu, mais Soro et Ouattara parce que l’armée française les soutient pensent qu’ils peuvent nous forcer à déposer les armes et puis fermer la Centrale. Eux, ils ont leurs milliards, nous on a nos régisseurs aux postes frontaliers. Je répète, l’argent du port suffit à Ouattara et à ses amis. Ils nous ont trompé eux tous, on a compris ça depuis la mort du Major (IB), on va te « recontacter » frère, y a des choses tu dois savoir (…)» Où va la Côte d’Ivoire qui attendait partout, la joie de jouir enfin de la pluie de milliards (Fcfa) promis par le chef de l’Etat actuel lors de la campagne présidentielle ?
Il faudra peut-être attendre de François Fillon, ci-devant Premier Ministre Français, en visite pour la Première fois en terre Ivoirienne, qui a exigé« la mise en caserne des comzones » envahissants et aux pouvoirs sans limite, plus de fermeté.

Pour l’heure, les Eburnéens, dans leur majorité, versent des larmes de sang. En silence. Partageant dans leur douleur, le vœu exprimé par l’ex Président de l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki, ex-médiateur de la crise ivoirienne : « Nous ne pouvons qu’espérer que Laurent et Simone Gbagbo et le peuple ivoirien ne continuent pas à souffrir en étant les victimes maltraitées et humiliées d’un système mondial qui, dans son intérêt, tout en prônant haut et fort les droits universels de l’homme, ne cherche en réalité qu’à perpétuer la domination du plus grand nombre par quelques-uns qui disposent de l’essentiel du pouvoir politique, économique, militaire et médiatique ».

pdouh@yahoo.fr

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