jeudi 15 septembre 2011

LIBERATION DE LAURENT GBAGBO: DES CHEFS D'ETAT SE MOBILISENT AUSSI



Les apparences sont généralement trompeuses et singulièrement sur la déportation de Laurent Gbagbo. De nombreux Chefs d'Etat militent en effet activement pour la libération de l'ancien président de la République et offrent gîte et couvert aux proches de l'ancien homme fort d'Abidjan exilés dans plusieurs pays limitrophes.
En dépit des menaces que leur fait courir la justice ivoirienne en lançant de manière ininterrompue des mandats d'arrêt internationaux, les partisans de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo capturé par la France après une série inattendue de bombardements de sa résidence d'Abidjan ne sont guère confinés dans la clandestinité. Selon plusieurs sources dignes de foi, ils sont même bien accueillis par de nombreux Chefs d'Etat africains qui leur accordent gîte et couvert. Ces derniers les reçoivent d'ailleurs avec beaucoup de sympathie et même si la crainte de la France n'est pour autant pas effacée, ils œuvrent aussi à convaincre le Chef d'Etat ivoirien Alassane Dramane Ouattara de libérer l'ancien homme fort d'Abidjan. Selon des indiscrétions, lors des récents sommets de l'union africaine, de la Cedeao et du fleuve Mano, bien d'homologues africains du N°1 Ivoirien ont ainsi approché ce dernier pour lui demander d'élargir le célèbre prisonnier de Korhogo. Requête à laquelle Ouattara a répondu avoir pris bonne note, mais que le problème ne dépendait pas que de lui. Mais aussi et surtout des présidents Sarkozy et Obama.

Car en dépit des discours lénifiants, y compris celui tenu récemment en France par Dramane Ouattara dans le cadre d'une visite officielle, la Côte d'Ivoire demeure sous tension. La vie politique est bloquée comme l'est l'Assemblée nationale du pays et l'ancien parti au pouvoir le Front Populaire Ivoirien (FPI) se dit contraint de ne pas aller aux élections législatives prévues officiellement pour fin décembre si les conditions de transparence et de sécurité notamment ne sont pas réunies.

De sources diplomatiques, on indique que le porte-parole du président Laurent Gbagbo est même l'objet de sollicitations de Chefs d'Etat africains qui ne supportent pas le sort réservé à son patron détenu depuis plus de cinq mois au nord du pays en dépit d'une inculpation qui devrait officiellement lancer la procédure de son jugement. Koné Katinan est l'ancien ministre du budget de Laurent Gbagbo. Il est régulièrement monté en première ligne en raison de la crise postélectorale qui s'est déportée sur le terrain économique avec la fermeture des banques du pays. Officiellement, ces Chefs d'Etat facilitent les déplacements des représentants de Laurent Gbagbo exilés dans les pays limitrophes avec des passeports de service notamment. Connu pour être l'un de ses grands défenseurs, le Chef de l'Etat angolais ne s'est jamais officiellement prononcé sur la capture de Laurent Gbagbo par les Français à Abidjan. Mais on imagine la dette qui est celle de Dos Santos qui doit une fière chandelle à Laurent Gbagbo pour la liquidation de Jonas Savimbi chouchouté par les régimes d'Houphouët-Boigny et d'Henri Konan Bédié. Mais si l'ogre angolais garde le silence, l'ancien président sud-africain ne manque pas d'occasion pour dénoncer ce qui s'est passé à Abidjan et en dépit de la situation de fait qui prévaut en Côte d'Ivoire , continue encore de douter de la victoire d'Alassane Ouattara.

La plupart de ces chefs d'Etat en exercice ou à la retraite usent de leurs pouvoirs et de leur carnet d'adresses pour aider à la libération du président Gbagbo pas par simple humanisme mais parce qu'ils ont leur propre lecture des événements en Côte d'Ivoire. L'ancien président ghanéen Jerry Rawlings fait partie des fidèles défenseurs de Gbagbo. Hostile à un dénouement armé de la crise, il avait lui aussi demandé le recomptage des voix pour départager le sortant et Alassane Ouattara pressé d'en découdre militairement. Son aide est fortement appréciée de la plupart des patriotes qui sont exilés au Ghana. Mais on connait aussi le point de vue tranché de Paul Kagamé sur la question. C'est lui qui avait dénoncé l'ombre du metteur en scène étranger dans l'arrestation du président ivoirien. « Le fait que, cinquante ans après les indépendances, le destin du peuple ivoirien, mais aussi son économie, sa monnaie, sa vie politique soient encore contrôlés par l'ancienne puissance coloniale pose problème », avait-il analysé au grand désespoir des journalistes de Jeune Afrique l'Intelligent qui l'avait interrogé.

Mais la cause de Laurent Gbagbo est surtout défendue par la diaspora africaine. Celle-ci n'arrête plus de se mobiliser. Hier encore, elle était à Paris pour huer plusieurs dirigeants africains venus assister à la remise du prix Houphouët-Boigny. Ce prix sponsorisé par la Côte d'Ivoire voit chaque année défiler d'apocryphes houphouëtistes qui ont jeté aux orties son œuvre et sa vieille épouse. Alassane Ouattara s'est vu lancer à la face un « Ouattara assassin ! » suivi de « Wade assassin ! » scandé par la foule au fur et à mesure de l'arrivée des Chefs d'Etat invités à cette cérémonie. Bernard Houdin le conseiller du président Gbagbo représentant le porte-parole Koné Katinan en Europe multiplie les rencontres. « En ma qualité de représentant du porte-parole du Président, j'essaie de rencontrer le plus possible les associations et organisations issues de la diaspora, certaines anciennes, d'autres nées avec la crise, et je suis souvent impressionné par l'engagement des uns et des autres dans ce combat », affirme-t-il. Le 7 août, Bernard Houdin était d'ailleurs à Montréal où il a rencontré une forte communauté ivoirienne dont il se dit surpris par l'enthousiasme. Cette communauté ivoirienne comme partout en Europe, épaulée par de nombreux Africains des autres pays. Le représentant du porte-parole du président ira dans les prochaines semaines en Allemagne où il est attendu par de nombreux Africains. Pour lui, tout cela augure que c'est Gbagbo qui aura raison à la fin.

Alors qu'il avait cru se débarrasser du Président Gbagbo comme l'ont demandé les Français en le déportant, Alassane Ouattara a bien du mal à s'affirmer comme le président légitime des Ivoiriens. Hier encore, il a fallu une seule déclaration de Gbagbo qui l'a pourtant royalement ignoré dans sa lettre à Nicolas Sarkozy pour que ses deux grandes interviews au Figaro et à TF1 passent complètement inaperçues à Abidjan où chaque sortie de l'ancien président alimente plus la conversation que les discours monocordes de Ouattara.

Joseph Titi, in le quotidien ivoirien « Aujourd'hui » N° 64 du jeudi 15 septembre 2011.

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