On peut avancer que la catastrophe survenue au Japon aura peu d'impact sur l'économie mondiale. Mais elle intervient à un moment de grande fragilité des économies qui ont épuisé toutes les mesures contracycliques. Avec en prime, le spectre redouté de l'inflation.Les pertes humaines et matérielles dues au tremblement de terre et au tsunami au Japon sont immenses. Il est impossible actuellement d'en évaluer l'étendue. Il est néanmoins possible de se faire une idée des effets latents de cette catastrophe sur le reste de l'Asie et sur les grandes économies de la planète.
Si l'on prend les choses par le petit bout de la lorgnette, on peut dire que le choc qui frappe le Japon n'aura guère de conséquences sur le reste du monde. Après vingt ans de quasi-stagnation, ce pays a fortement réduit son influence sur l'économie mondiale.
Les deux premières puissances économiques de la planète n'ont rien à craindre. Le Japon ne représente que 5 % des exportations des États-Unis et 8 % des exportations de la Chine. Parmi les pays développés du G10, l'Australie est en première ligne. La zone euro est dans une situation opposée, puisque le pays du Soleil-Levant représente moins de 2 % de ses exportations. Et parmi les pays émergents, les Philippines et l'Indonésie sont les premiers partenaires du Japon. En queue du peloton, on trouve la Corée du Sud, la troisième économie d'Asie de l'Est, avec 6 % seulement de ses exportations à destination du Japon.
Mais croire que
le drame japonais n'aura guère d'impact sur le reste du monde, c'est omettre un facteur essentiel : elle survient dans un moment de fragilité économique, non seulement pour le Japon, mais également pour les grandes économies développées qui commencent tout juste à se redresser après la pire crise financière et la pire récession depuis les années 1930. Par ailleurs, la « secousse » japonaise n'est pas le seul facteur négatif à l'oeuvre aujourd'hui. L'impact de la flambée du prix du pétrole et de la crise de la dette souveraine qui se prolonge est déjà très préoccupant. Même si ces chocs ne représentent pas, chacun dans son domaine, le fameux « point de basculement », leur concomitance et le contexte sont pour le moins troublants.
le drame japonais n'aura guère d'impact sur le reste du monde, c'est omettre un facteur essentiel : elle survient dans un moment de fragilité économique, non seulement pour le Japon, mais également pour les grandes économies développées qui commencent tout juste à se redresser après la pire crise financière et la pire récession depuis les années 1930. Par ailleurs, la « secousse » japonaise n'est pas le seul facteur négatif à l'oeuvre aujourd'hui. L'impact de la flambée du prix du pétrole et de la crise de la dette souveraine qui se prolonge est déjà très préoccupant. Même si ces chocs ne représentent pas, chacun dans son domaine, le fameux « point de basculement », leur concomitance et le contexte sont pour le moins troublants.
Le contexte est primordial. En dépit du rebond euphorique de la Bourse depuis deux ans, l'économie mondiale reste fragile. Les marchés semblent avoir oublié que les redémarrages après l'éclatement d'une bulle sont souvent difficiles. La croissance économique est proche de sa vitesse de décrochage, autrement dit, elle est loin de la vitesse de libération qui lui est nécessaire pour parvenir à un redressement durable (et qu'elle atteint périodiquement). Malheureusement, il y a une complication supplémentaire : les États et les banques centrales ont épuisé les moyens traditionnels sur lesquels ils s'appuient en cas de difficulté économique, qu'il s'agisse de mesures monétaires ou économiques, les deux piliers de la stabilisation contracyclique moderne. Les taux d'intérêt sont proches de zéro dans les principales puissances économiques du monde développé et les déficits budgétaires vertigineux sont devenus la norme. Les mesures de relâchement monétaire ont toujours été considérées comme temporaires. Mais les chocs se succèdent, avec un retour à la normale sans cesse reporté. D'où une inquiétude majeure : avec les crises qui se suivent, le scénario d'une expansion monétaire sans limites qui ne pourra se terminer que dans les larmes devient plausible ; le spectre redouté d'une spirale inflationniste plane soudain, menaçant.
Tout cela est vrai en dépit du facteur résilience. Oui, le Japon va se reconstruire, et cela stimulera un redémarrage économique. Mais le coup de fouet de la reconstruction n'aura qu'un effet temporaire, comme ce fut le cas après le tremblement de terre à Kobe. C'est l'une des leçons que l'on peut tirer de la catastrophe frappant le Japon. Ce pays fait face en éclaireur aux principaux problèmes qui ont touché ces dernières années l'économie mondiale. De la bulle des actifs et d'un système financier en faillite, à la sous-appréciation de sa devise et à des erreurs de politique monétaire, le Japon a été le laboratoire de notre futur.
Malheureusement, le monde n'a pas retenu les leçons du Japon. Et maintenant, il risque d'être aveugle à un autre élément important : le tremblement de terre et le tsunami auront probablement un impact direct limité sur l'économie mondiale, mais ce sont les derniers d'une série de chocs qui nous poussent dans nos ultimes retranchements.
Copyright Project Syndicate.
Stephen S. Roach, Yale University et président de Morgan Stanley Asia - 25/03/2011,
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