Barack Obama devait expliquer lundi 28 mars au soir les motifs de l’intervention américaine en Libye dans un discours officiel à la nation. Peu à peu se dessine une « doctrine Obama » qui rompt avec l’interventionnisme américain du passé
Barack Obama, lors d'une conférence, mardi 22 mars, au Salvador (Luis Romero/AP).
Depuis le début de l’opération « Aude de l’Odyssée », Barack Obama a été accusé de tout et de son contraire : d’avoir trop tardé à agir, ou bien de s’être décidé trop tard et sans stratégie. Opposé à l’invasion de l’Irak, lauréat du prix Nobel de la paix en 2009, le président américain a eu du mal à justifier l’option militaire en Libye.
« Les États-Unis ne doivent pas et ne peuvent pas intervenir à chaque fois qu’il y a une crise quelque part dans le monde, expliquait-il samedi 26 mars dans son intervention radiophonique hebdomadaire, donnant un avant-goût de son discours à la nation de lundi 28 mars au soir. Mais je crois fermement que lorsqu’un peuple innocent est brutalisé, lorsque quelqu’un comme Kadhafi menace de provoquer un bain de sang qui pourrait déstabiliser la région, quand la communauté internationale est prête à agir de concert pour sauver des milliers de vies, il est dans notre intérêt national d’agir. »
Sa décision n’a pas été prise à la légère. Trois semaines de discussions intenses ont été nécessaires pour conclure à l’usage de la force. Le secrétaire à la défense, Robert Gates, était opposé à une intervention dans un pays où les États-Unis n’ont pas d’intérêt stratégique.
Barack Obama a finalement tranché en faveur des arguments de sa conseillère pour les droits de l’homme, Samantha Power, et de son ambassadrice après des Nations unies, Susan Rice.
Les drames de la Bosnie et du Rwanda ont influencé ObamaLa première est une ancienne reporter de guerre, qui a couvert notamment les Balkans, récompensée par un prix Pulitzer pour son travail sur les génocides ; la seconde était conseillère de Bill Clinton pour l’Afrique lors du conflit au Rwanda et a été marquée par les atrocités perpétrées sous les yeux du monde entier.
La Bosnie et le Rwanda à l’esprit, la secrétaire d’État Hillary Clinton s’est ralliée à la cause d’une action militaire pour empêcher la répression sanglante promise par Mouammar Kadhafi dans le fief des rebelles à Benghazi.
Mais Barack Obama a accepté d’intervenir uniquement dans un cadre international et pour une mission restreinte. À la lumière de ces éléments, les experts américains tentent de définir les grandes lignes d’une « doctrine Obama ». Lors de la campagne présidentielle de 2008, le démocrate avait déclaré « qu’il n’allait pas être aussi doctrinaire que son prédécesseur, car le monde est compliqué ».
Il refuse d’ailleurs d’être classé dans un moule théorique, comme il l’expliquait lors de son discours de réception du prix Nobel : « Aux États-Unis, il y a longtemps eu une tension entre ceux qui se décrivent comme réalistes et ceux qui se décrivent comme idéalistes – une tension révélatrice d’une alternative douloureuse entre la poursuite d’intérêts étroits ou une campagne sans fin pour imposer nos valeurs au reste du monde. Je rejette cette alternative. »
«Nous avions l’habitude de diriger le monde libre»Dans ses relations avec le reste du monde, l’actuel locataire de la Maison-Blanche privilégie le soft power, le pouvoir de la négociation, mêlant diplomatie et sanctions – par exemple avec l’Iran – plutôt que le hard power des conflits armés.
« Aussi justifiée soit-elle, la guerre promet une tragédie humaine », déclarait-il devant l’Académie Nobel. Selon lui, les armes doivent être le dernier des recours, et leur usage limité dans le temps.
Depuis son arrivée au pouvoir, il a ordonné le retrait des troupes de combat américaines d’Irak. S’il s’est résolu à un renforcement des effectifs en Afghanistan, il a aussi promis un départ progressif à partir de juillet 2011.
Quand la guerre est inévitable, les États-Unis doivent agir d’égal à égal dans le concert des nations, une position qui fâche ceux qui croient en la supériorité américaine. « Nous avions l’habitude d’apprécier de diriger le monde libre, a protesté le sénateur républicain Lindsey Graham. Maintenant, c’est comme si c’était un inconvénient. »
Stéphanie FONTENOY, à New-York
Barack Obama, lors d'une conférence, mardi 22 mars, au Salvador (Luis Romero/AP).
Depuis le début de l’opération « Aude de l’Odyssée », Barack Obama a été accusé de tout et de son contraire : d’avoir trop tardé à agir, ou bien de s’être décidé trop tard et sans stratégie. Opposé à l’invasion de l’Irak, lauréat du prix Nobel de la paix en 2009, le président américain a eu du mal à justifier l’option militaire en Libye.
« Les États-Unis ne doivent pas et ne peuvent pas intervenir à chaque fois qu’il y a une crise quelque part dans le monde, expliquait-il samedi 26 mars dans son intervention radiophonique hebdomadaire, donnant un avant-goût de son discours à la nation de lundi 28 mars au soir. Mais je crois fermement que lorsqu’un peuple innocent est brutalisé, lorsque quelqu’un comme Kadhafi menace de provoquer un bain de sang qui pourrait déstabiliser la région, quand la communauté internationale est prête à agir de concert pour sauver des milliers de vies, il est dans notre intérêt national d’agir. »
Sa décision n’a pas été prise à la légère. Trois semaines de discussions intenses ont été nécessaires pour conclure à l’usage de la force. Le secrétaire à la défense, Robert Gates, était opposé à une intervention dans un pays où les États-Unis n’ont pas d’intérêt stratégique.
Barack Obama a finalement tranché en faveur des arguments de sa conseillère pour les droits de l’homme, Samantha Power, et de son ambassadrice après des Nations unies, Susan Rice.
Les drames de la Bosnie et du Rwanda ont influencé ObamaLa première est une ancienne reporter de guerre, qui a couvert notamment les Balkans, récompensée par un prix Pulitzer pour son travail sur les génocides ; la seconde était conseillère de Bill Clinton pour l’Afrique lors du conflit au Rwanda et a été marquée par les atrocités perpétrées sous les yeux du monde entier.
La Bosnie et le Rwanda à l’esprit, la secrétaire d’État Hillary Clinton s’est ralliée à la cause d’une action militaire pour empêcher la répression sanglante promise par Mouammar Kadhafi dans le fief des rebelles à Benghazi.
Mais Barack Obama a accepté d’intervenir uniquement dans un cadre international et pour une mission restreinte. À la lumière de ces éléments, les experts américains tentent de définir les grandes lignes d’une « doctrine Obama ». Lors de la campagne présidentielle de 2008, le démocrate avait déclaré « qu’il n’allait pas être aussi doctrinaire que son prédécesseur, car le monde est compliqué ».
Il refuse d’ailleurs d’être classé dans un moule théorique, comme il l’expliquait lors de son discours de réception du prix Nobel : « Aux États-Unis, il y a longtemps eu une tension entre ceux qui se décrivent comme réalistes et ceux qui se décrivent comme idéalistes – une tension révélatrice d’une alternative douloureuse entre la poursuite d’intérêts étroits ou une campagne sans fin pour imposer nos valeurs au reste du monde. Je rejette cette alternative. »
«Nous avions l’habitude de diriger le monde libre»Dans ses relations avec le reste du monde, l’actuel locataire de la Maison-Blanche privilégie le soft power, le pouvoir de la négociation, mêlant diplomatie et sanctions – par exemple avec l’Iran – plutôt que le hard power des conflits armés.
« Aussi justifiée soit-elle, la guerre promet une tragédie humaine », déclarait-il devant l’Académie Nobel. Selon lui, les armes doivent être le dernier des recours, et leur usage limité dans le temps.
Depuis son arrivée au pouvoir, il a ordonné le retrait des troupes de combat américaines d’Irak. S’il s’est résolu à un renforcement des effectifs en Afghanistan, il a aussi promis un départ progressif à partir de juillet 2011.
Quand la guerre est inévitable, les États-Unis doivent agir d’égal à égal dans le concert des nations, une position qui fâche ceux qui croient en la supériorité américaine. « Nous avions l’habitude d’apprécier de diriger le monde libre, a protesté le sénateur républicain Lindsey Graham. Maintenant, c’est comme si c’était un inconvénient. »
Stéphanie FONTENOY, à New-York
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