Le directeur général d’Amnesty International France, s’interroge sur
la passivité de l’Onuci, dont la mission est pourtant de protéger les populations civiles.
L’Onuci a-t-elle failli à sa mission de protection des populations civiles
en Côte d’Ivoire ?
Stephan Oberreit. Au regard de sa mission, on peut se poser des questions sur le manque de réactivité de l’Onuci. Lors des bombardements de la commune d’Abobo, à Abidjan, par les forces pro-Gbagbo, comme lors du massacre commis dans le quartier Carrefour de Duékoué le 29 mars 2011 par les forces pro-Ouattara. Il faut prendre en considération les contraintes auxquelles faisaient face les casques bleus. Ces missions de protection des populations sont complexes, difficiles à mettre en œuvre. Mais la lumière doit être faite sur les décisions prises à chaque étape de cette crise.
Des responsables de l’Onuci vous
ont affirmé que la protection
des populations relevait des autorités ivoiriennes. Cette réponse n’est-elle
pas aberrante ?
Stephan Oberreit. Complètement. Les forces en présence, loyales à Laurent Gbagbo ou soutenant le président Ouattara, ont attaqué des populations. Si ces forces avaient la volonté et
la capacité de protéger les populations, la communauté internationale n’aurait pas déployé 10 000 casques bleus en Côte d’Ivoire, avec un mandat de protection des civils.
Vous soulignez la collusion, à Abidjan, entre les forces de sécurité loyales
à Laurent Gbagbo et les milices…
Stephan Oberreit. Des meurtres,
des assassinats ont été commis par les Jeunes patriotes de Charles Blé Goudé sous les yeux de forces officielles comme l’armée, les forces de défense et de sécurité ou le Cecos (centre de commandement des opérations de sécurité).
Les massacres commis dans
l’ouest par les forces d’Ouattara ciblaient les Guérés. Avaient-ils aussi
un caractère politique ?
Stephan Oberreit. Plusieurs témoignages confirment que des Guérés menacés ou battus par les FRCI étaient épargnés s’ils montraient une photo ou un tee-shirt à l’effigie d’Ouattara. Il ne faut pas s’arrêter à une dimension ethnique. Il y avait bien, aussi, une dimension politique. Ceci dit, les Guérés étaient ciblés car considérés comme favorables à Laurent Gbagbo.
Les crimes des FRCI engagent-ils
la responsabilité d’Alassane Ouattara ?
Stephan Oberreit. Le président Ouattara a créé, par décret, ces Forces républicaines de Côte d’Ivoire, en y intégrant les Forces nouvelles et d’autres éléments. Ces forces sont donc sous sa responsabilité. Restent toutefois des zones d’ombres sur les milices ayant pris part aux combats et aux exactions, mais aussi sur les Dozos, ces chasseurs traditionnels du nord qui opéraient aux côtés d’unité se revendiquant des FRCI. Nous avons demandé à maintes reprises que le président Ouattara se prononce sur ce qui s’est passé à Duékoué. À ce jour, sa réaction demeure insuffisante. Or sans enquêtes, sans justice, c’est la chronique annoncée de nouvelles violences en Côte d’Ivoire.
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