lundi 7 novembre 2011

La poussée d’Archimède…

Tout corps plongé dans un liquide reçoit une poussée verticale dirigée de bas en haut, égale au poids du volume du liquide déplacé. Voici sommairement exposé le principe physique auquel est soumise toute action politique inavouable. Les eaux sombres du marécage dans lequel macèrent les velléités hégémoniques de l’Etat français n’échappent pas aux lois de la physique, et c’est bien heureux ! 

Dans un article publié le 6 Novembre par la rédaction de Médiapart*, le spectre des coups tordus et de la barbouzerie la plus triviale refait surface et met en perspective les récents évènements ivoiriens. 
L’attaque du quartier général français de Bouaké…

Il apparait clairement que l’histoire n’est pas encore écrite et pour qui veut se pencher sur le dossier Gbagbo avec un minimum d’objectivité, le storytelling officiel n’est aucunement source de vérité ou d’éclaircissement. Un bref retour sur les faits les plus saillants de cette enquête journalistique, qui risque de faire grincer les dents des caciques UMP, s’impose. 

Le 6 novembre 2004, deux avions de chasse ivoiriens bombardent délibérément le lycée Descartes de Bouaké, quartier général des troupes françaises d’infanterie de marine du colonel Patrick Destremeau. 

Les pertes sont très lourdes : neuf militaires français et un civil américain sont tués, trente-huit autres soldats sont blessés. Furieux, l’état-major français réagira sans délai, avec l’onction de l’Elysée: les deux avions seront détruits par des tirs de missiles français quelques minutes plus tard, le reste de l’aviation ivoirienne dans les heures qui suivent. 

Le déroulé de l’opération semble clair, les forces aériennes ivoiriennes ont volontairement bombardé des positions françaises, semant la mort et la désolation. 

Cet acte de guerre délibéré démontre le caractère dangereux de Laurent Gbagbo, alors homme fort de la Côte d’Ivoire, chassé du pouvoir le 6 avril 2011 grâce à l’action conjointe de la Force Licorne et de l’ONUCI. 

Un bouc-émissaire nommé Gbagbo?

Les premiers éléments de l’enquête portés à la connaissance des français ne laissent pas la place au doute: la volonté de nuire est évidente. Ils permettent également de préparer psychologiquement l’opinion publique au renversement par les armes du président ivoirien, en lui façonnant un profil de «méchant» sur mesure. 

Mais rien ne se passera comme souhaité, il faudra onze années à l’état français pour parvenir à ses fins, en clair: le replacement de Laurent Gbagbo par Alassane Ouattara. Ce coup d’état déguisé en lutte pour la démocratie, aura couté cher aux ivoiriens: plusieurs milliers de morts et l’unité nationale. 

Le pays végéte aujourd’hui dans un état de tensions politico-ethniques préoccupantes. 

Pour les français, le prix aura été moindre mais dans le symbole tout aussi important, car si les révélations contenues dans l’article de Médiapart s’avère être confirmées il s’agit là d’un mensonge d’état ayant entraîné la mort de militaires français. 

Une affaire plus complexe qu’il n’y parait…

Plusieurs éléments, révélés par le journaliste Alexandre François, sont de nature à causer des sueurs froides à Jacques Chirac, Dominique de Villepin et à l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Michelle Alliot-Marie. Selon ses informations, l’attaque du quartier général des troupes françaises à Bouaké serait due à un false-flag, une intoxication émanant d’une source militaire française et indiquant à l’état-major ivoirien la tenue présumée d’une réunion des chefs rebelles dans les locaux bombardés. 

Ceci explique les réticences françaises apparues lors de l’instruction. 

Sept ans après le drame, l’avocat de plusieurs familles des victimes, Me Jean Ballan affirme que «Tout s’est arrêté. Aucun acte de procédure significatif n’a plus été effectué depuis un an et demi». 

Il est aisé de comprendre pourquoi ! Il est en effet plus que délicat de révéler publiquement que l’exécutif a sciemment laissé massacrer des militaires français. Il est plus que délicat de mettre sur la place publique les obscures motivations ayant pour seul objectif de décrédibiliser le gouvernement ivoirien d’alors, et justifier une escalade militaire rendant son départ inéluctable. 

Le maquillage grossier des preuves de cette bavure peut être étayé par les indélicatesses dont ont fait l’objet les dépouilles mortelles des soldats. 

Les corps, conservés dans des sacs mortuaires et des cercueils plombés, ont été enterrés à la va-vite sans avoir été lavés et correctement habillés. 

Certaines dépouilles ont été adressées aux mauvaises familles. En violation de la procédure en vigueur et applicable dans le cadre d’une enquête de cette nature, nulle autopsie n’a été ordonnée. 

Ou comment filer à la biélorusse…

Cet empressement à escamoter des éléments essentiels à l’instruction est à mettre en perspective avec le sauf-conduit dont ont bénéficié les deux pilotes biélorusses ayant mené le raid. Ces derniers détenus pendant quatre jours par des forces spéciales qui les ont auditionnés, sont relâchés dans la nature. Ils ne se feront pas prier pour plier bagages. Arrivés à la frontière togolaise, ils sont accueillis par la secrétaire de celui-là même qui les avait recrutés pour le compte de l’armée de l’air ivoirienne: Robert Montoya, ancien gendarme de l’Élysée, à l’époque de la présidence de François Mitterrand. 

Les pilotes biélorusses échapperont miraculeusement une nouvelle fois aux rigueurs de la justice française. 

Le ministre togolais de l’intérieur désireux de couvrir ses arrières, propose alors aux autorités françaises de leur adresser le colis encombrant. Peine perdue ! Au bout de dix jours, devant le refus du représentant local de la DGSE de réceptionner les deux pilotes, conformément à une recommandation venue de Paris, ces derniers sont élargis. Direction le guichet d’embarquement et Moscou, où bien évidemment ils s’évanouiront dans la nature. 

Balbutiements en haut lieu, barbouzerie et françafrique…

Cette fuite rocambolesque aurait de quoi faire sourire, mais elle est partie intégrante d’une crise majeure entre la France et la Côte d’Ivoire se soldant par la mort de militaires français et celle, bien souvent passée sous silence, de dizaines de civils venus manifester devant l’hôtel Ivoire le 9 novembre 2004. Précisons que ces faits n’ont également pas été jugé et que de nombreuses victimes ivoiriennes attendent toujours réparation. Il est difficile, aux regards des éléments matériels ressortant de l’instruction, d’expliquer les errements des autorités françaises concernant l’appréhension des pilotes présumés responsables du décès de 9 soldats. 

Les dénégations des autorités, explicitées dans l’article de Médiapart, sont incohérentes et maladroites. 

Paris savait que ces hommes avaient pris part directement au bombardement. 

Dans ce cas pourquoi les avoir laissé s’enfuir alors que leur arrestation n’eut soulevé aucune difficulté ? Pourquoi faire traîner l’instruction et empêcher par-là même les familles des victimes de faire leur deuil ? Pourquoi avoir bâclé cette même instruction en n’effectuant pas, par exemple, les autopsies ? Au nom de la trop fameuse raison d’état ? 

Si ces informations portées se voient confirmées, les responsables d’alors sont au centre d’une énième scandale éclaboussant la Françafrique. 

Elles mettent en perspective les véritables ressorts sur lesquels repose l’intervention de la Force Licorne. 

A-t-on au nom de raisons de basse politique entraîné un pays dans le chaos et causé la mort de milliers de civils innocents ? 

A-t-on, au nom du peuple français, semé les germes d’un ressentiment légitime envers la France? 

Alors que la commission d’enquête parlementaire concernant l’intervention de la Force Licorne n’a toujours pas été mise en place par la Représentation parlementaire**, les fantômes de Bouaké se rappellent à notre bon souvenir. 

Ils pointent, sept ans jours pour jours après la survenance des faits, l’irresponsabilité chronique de nos gouvernants en matière de politique africaine. 

Ils mettent en lumière un des travers essentiel de la Vème république : le tropisme de celle-ci pour les coups tordus et les actions barbouzardes lorsqu’il s’agit d’Afrique, de Françafrique pour employer le mot juste. 

Afin que la justice soit rendue…

Réaffirmons-le avec force: seule la vigilance et l’investissement de chaque citoyen dans la défense des valeurs essentielles définissant notre pacte social et un contrôle véritable des conditions d’exercice du pouvoir peuvent forcer nos décideurs à agir avec plus de rectitude. 

Si la politique internationale est traditionnellement le domaine réservé du chef de l’état, la politique de la cellule africaine du gouvernement est celui d’une coterie politico-mafieuse qui piétine autant qu’elle le peut les principes qui sont les nôtres. 

Il est de notre devoir de reverser cette idole. 

La politique françafricaine est l’affaire de tous puisqu’elle est menée en notre nom commun. Détourner le regard n’est plus souhaitable. L’action, visant à la mise place d’une commission d’enquête parlementaire sur l’intervention de la Force Licorne, entreprise au mois d’avril dernier, a été formalisée par les parlementaires le 25 juillet 2011 par un dépôt de texte préparatoire. 

Signer et diffuser la pétition soutenant ce projet est une réponse, parmi tant d’autres, à apporter aux dérèglements de l’action des femmes et des hommes qui nous représentent. 

N’hésitez pas à rejoindre cette initiative citoyenne. 

Acceder à la pétition et signer : http://alternativesetcoherence-actions.com/

Ahouansou Séyivé



Source : Infodabidjan

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