On peut l’affirmer sans risque d’exagérer : l’annonce la déportation de Laurent Gbagbo à la CPI, a eu, en Côte d’Ivoire comme partout ailleurs, l’effet d’une bombe. Son onde de choc n’a pas encore fini de secouer les ivoiriens et tous ceux qui, depuis lors, voyaient d’un mauvais œil l’arrestation et l’emprisonnement de celui-ci à Korhogo.
Pour le moment, Laurent Gbagbo est soupçonné de crimes contre l’humanité, de violations de droits de l’homme qui auraient été commis sous son autorité et dont on dénombre officiellement 3000 victimes. Là-dessus, il faut être frappé de cécité, car toutes ces 3000 victimes le sont-elles du seul fait du camp Gbagbo ? D’autre part, comment appeler les tueries et les actes inhumains perpétrés depuis 2002 à nos jours par la rébellion armée se faisant d’abord appeler forces nouvelles (FN), rebaptisée depuis peu, forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI)? Sous quelle autorité ou au nom de qui ces crimes ont-ils été commis ?
Comment des commanditaires avérés de crimes peuvent-ils accuser leurs adversaires devant la CPI, sans au préalable s’assurer qu’ils ne courent eux-mêmes aucun risque ? Toutes choses qui poussent certains à exprimer des suspicions légitimes quant à l’impartialité la CPI dans cette affaire. Mais, la réalité est là, implacable : Laurent Gbagbo, président élu par les ivoiriens et victime d’un coup d’état, au départ emprisonné à Korhogo, a été déporté à la Haye, où il croupit dans une cellule de prison.
Raisons profondes d’une déportation à la Cour Pénale Internationale.
A la lecture de l’actualité passée et récente de la Côte d’Ivoire, il n’est pas hasardeux d’admettre que cette déportation, s’inscrit dans la logique du plan bien orchestré par Sarkozy et Ouattara dans le but de ‘’neutraliser’’ totalement le Président Laurent Gbagbo, à défaut de l’avoir physiquement éliminé. D’assurer surtout à Alassane Ouattara un mandat tranquille. Certes, le camp Ouattara se vante aujourd’hui, d’avoir laissé la vie sauve à Gbagbo, en comparaison à ce qui est arrivé au Colonel Kadhafi. Mais le fait ici, c’est que Laurent Gbagbo n’est pas Kadhafi et la Côte d’Ivoire n’est pas la Libye.
Laurent Gbagbo n’est pas que l’adversaire d’Alassane Ouattara, il est aussi celui du président français Nicolas Sarkozy. Car, au delà des discours angéliques dégoulinants de condescendances, la France s’est manifestement impliquée bien au-delà de « l’ingérence dans les affaires internes d’un état souverain » et a affiché de façon flagrante son parti-pris dans un différend électoral opposant deux adversaires politiques.
Comment en est-on arrivé là ? Laurent Gbagbo, aussitôt à la tête de l’état ivoirien, s’est résolument tourné vers un discours politique basé sur : « l’indépendance totale et la souveraineté ». Saisissant l’occasion devant un parterre d’entrepreneurs français exerçant en Côte d`Ivoire, il affirmait : « Je ne suis pas un sous-préfet français nommé en Côte d’Ivoire. Je suis un chef d’état élu ». C’est par ce discours et par des décisions courageuses aux commandes du navire ivoirien, qu’il a séduit plus d’un ivoirien. De même que par son refus de voir la Côte d’Ivoire spoliée de ses richesses et de subir l’hégémonie de l’occident. Selon des observateurs internationaux, le mandat de Laurent Gbagbo, aura manifestement provoqué la descente aux enfers de la France néo-colonialiste en Côte d’Ivoire. Au fil des années, cette France qui, naguère avait une mainmise totale sur ce pays, aura mordu la poussière, voyant s’échapper l’ex-pré-carré.
La volonté de Gbagbo d’ouvrir, en toute souveraineté, la Côte d’Ivoire au reste du monde, de se tourner résolument vers des partenaires commerciaux autres que la France, ont fait de lui l’ennemi numéro un des intérêts français en Côte d’Ivoire. La France aura donc mal perçu le risque de perde, avec Gbagbo, à tout jamais sa place de partenaire exclusif de la Côte d’Ivoire. Un tel personnage représente sans aucun doute une véritable menace pour la France et ses alliés occidentaux.
C’est pourquoi, selon l’avis d’observateurs, l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire, n’était qu’un prétexte pour faire partir Gbagbo ‘’le populiste’’. Devant l’impasse électorale, la France n’a eu d’autres recours que la guerre. Une guerre qui est aujourd’hui loin d’être finie. Mieux, elle s’est déportée à la CPI qui est, depuis peu, le nouveau théâtre de la guerre menée par la France contre la Côte d’Ivoire digne.
Laurent Gbagbo, ce prisonnier jugé ‘’trop gênant’’, a été déporté à la CPI. A qui cela profit-il ?
Au plan national, les caciques du pouvoir Ouattara ne s’en sont pas cachés : selon eux, Gbagbo hors de Côte d’Ivoire, cela faciliterait la réconciliation nationale. Mais il s’agit en réalité de priver l’opposition de son leader charismatique. De faire disparaitre, à l’usure, du cœur des ivoiriens toutes les idées nobles qu’incarne l’illustre prisonnier de la CPI.
Pour la France, il s’agit de faire avaler au monde entier la pilule de son ingérence en Côte d’Ivoire. L’éventualité de voir la France jeter tout sont dévolu dans ce procès, pour ne pas perdre la face, existe. La perdre signifierait, pour la France, la mise à nue de son plan machiavélique et par la même occasion, le dévoilement du complot international, monté de toute pièce, contre Laurent Gbagbo et la Côte d’Ivoire. On imagine bien qu’elle voudra aller jusqu’au bout dans sa logique ‘’d’effacer’’ les traces de Laurent Gbagbo. Il s’agira de peser de tout son poids, pour voir, Laurent Gbagbo maintenu pour le restant de ses jours dans les geôles de la Cour Pénale Internationale. Dans cette logique, les média français ne sont pas en reste. Ils ont dès à présent embouché la trompette de l’intox, dépeignant le président Laurent Gbagbo, comme: « un affreux dictateur ayant massacré son peuple ».
Ce dernier, pour sa part, a d’ores et déjà sonné le début des hostilités en mettant les pieds dans le plat : « j’ai été arrêté sous les bombes françaises ». Pour sa première comparution devant le juge, c’est un homme serein que l’on a vu, nullement intimidé et très à l’aise. Il a une fois de plus démontré qu’il est déterminé et prêt à livrer bataille pour que la vérité éclate enfin au grand jour. La phrase : « Nous irons jusqu’au bout », qu’il a lâché, illustre bien le défi qu’il lance, avant tout, à ses adversaires.
La déportation de Laurent Gbagbo aura eu le mérite d’apporter de l’eau au moulin et de raviver certains débats. Tant elle renvoie avec force à l’interrogation suivante : « Avons-nous les moyens nécessaires, en tant qu’africains, d’inverser l’ordre de la domination occidentale, ou devrions-nous accepter cet ordre établi et faire avec ? » La déportation de Laurent Gbagbo s’inscrit, sans nulle doute, dans la dynamique de ce débat qui divise les africains. Certains estiment qu’il y a ceux qui veulent changer les choses et qui n’y arrivent pas. Selon eux, Laurent Gbagbo ferait partie de ceux-là. Ces mêmes personnes soutiennent que raisonner en termes de combat de « l’Afrique contre l’impérialisme occidental », c’est exprimer un ‘’complexe africain’’.
Que faire alors face à l’attitude hautaine des occidentaux qui n’hésitent pas à piétiner les plus faibles pour imposer leurs intérêts et faire triompher leur hégémonie ? Devrions-nous rester les bras croisés à attendre un hypothétique secours divin ? Certes il faut que l’Afrique aille de l’avant, mais comme nous l’ont maintes fois démontrés nos illustres leaders africains, à travers leurs luttes: « la liberté ne se donne pas, elle s’arrache». A cela nous pouvons ajouter, avec Roosevelt qu’« il y a quelque chose de pire dans la vie que de ne pas avoir réussit, c'est de ne pas voir essayé ».
Marc Micael - zemami1er@yahoo.fr
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