mardi 21 février 2012

Sanctions anti iraniennes: des coups d'épée dans l'eau!, par Yazan al-Saadi


IRIB- L’image d’un Iran isolé, au bord du désastre économique, à cause des sanctions croissantes, perd toute crédibilité, à la lumière de la multiplication des liens politiques et commerciaux iraniens avec les puissances mondiales non occidentales.Selon un reportage exclusif de Reuters, au début du mois, des acheteurs iraniens n’ont pas pu payer les 144 millions de dollars étasuniens qu’ils devaient, pour une cargaison de 200.000 tonnes de riz, en provenance d’Inde. D’autres rapports similaires de Reuters ont suivi, un affirmant que les commerçants asiatiques commençaient à prendre leurs distances avec la république islamique et un autre suggérant que des commerçants pakistanais "prenaient peur" de faire des affaires avec l’Iran. Un troisième rapport disait que l’Iran troquait de l’or et du pétrole contre des denrées de première nécessité, ce qui montrait les immenses difficultés que le pays traversait.

Cette série de reportages a suivi la mise en place, par le Président étasunien Barack Obama, de nouvelles sanctions plus sévères contre le gouvernement iranien visant à geler les avoirs iraniens, aux Etats-Unis, et à pénaliser les transactions des banques et institutions financières iraniennes. La décision d’Obama a été accompagnée de sanctions unilatérales de l’Union Européenne contre le secteur pétrolier iranien, qui constitue presque 90% des revenus de la république islamique. Pour les officiels iraniens, ces actions ne sont qu’une simple "guerre psychologique".

Les commentateurs et les observateurs européens et nord-américains, notamment, analysent les faits soulignés, par Reuters, comme le signe qu’il n’y a pas que les nations et les entreprises occidentales, qui veulent isoler l’Iran et qui souhaitent que les sanctions soient efficaces. Les difficultés du marché de l’alimentation et la dévaluation du rial iranien, qui ont causé une hausse exponentielle du prix des denrées de base sont salués comme les premiers résultats des pressions destinées à forcer l’Iran à arrêter sa course supposée vers la bombe nucléaire.

Mais la vision d’un Iran isolé et s’écroulant, progressivement, sous le poids d’une guerre économique pourrait fort bien n’être qu’une illusion.

L’article de Pepe Escobar, "Isoler l’Iran est un mythe", qui a été publié, sur plusieurs sites, remet en question le mythe, selon lequel, l’Iran serait tout à fait isolé et même démontre le contraire. L’Iran renforce ses relations économiques avec ses voisins directs, il a, aussi, réussi à resserrer ses liens avec l’Amérique du Sud et à maintenir et même à approfondir ses importantes relations pétrolières et commerciales avec des puissances asiatiques, comme le Japon, la Corée du sud, et, surtout, la Chine. De plus, ses relations avec la Russie sont toujours aussi bonnes. L’Iran fait des affaires, principalement, avec le monde non occidental, qui représente la plus grande partie de la communauté internationale. L’Iran est, selon l’expression d’Escobar, "plus relié que Google".

L’Etat iranien ne semble pas être en difficulté, en dépit des décennies d’embargos et de sanctions. Un reportage, paru, dans le "New York Times", la semaine dernière, a confirmé l’analyse d’Escobar. L’article révélait que l’Inde "provoquait l’irritation des puissances occidentales, en minant leurs efforts, pour isoler l’Iran, par l’annonce qu’elle allait envoyer une large délégation commerciale, en Iran, dans les semaines à venir, pour profiter des opportunités créées par les sanctions antinucléaires des Etats-Unis et des Européens.

Il est frappant de constater que l’Inde et l’Iran mettent la dernière main à un nouveau mode de paiement complexe, qui inclue le règlement du pétrole, en roupies au lieu du dollar, et l’usage de toute une série de moyens d’échange, qui s’apparentent au troc, pour contourner les restrictions engendrées par les sanctions.

Pour l’Occident, et, surtout, pour les Etats-Unis, l’abandon du dollar, qui est, depuis longtemps, la monnaie officielle, pour l’achat du pétrole, est inquiétante, surtout qu’elle est le fait d’un producteur de pétrole important ; cela pourrait, en effet, accélérer le processus d’abandon du dollar, comme monnaie de réserve, par différents pays, et encourager l’usage régulier d’autres monnaies, pour acheter du pétrole. Cela affaiblirait, encore, davantage la valeur et l’influence du dollar étasunien, qui proviennent, selon certains analystes, au fait qu’il a le monopole des achats de pétrole.

Qui plus est, les sanctions, récemment, décrétées par l’Union Européenne contre le secteur pétrolier iranien semblent avoir des répercussions négatives, sur l’économie européenne, elle-même, comme cela a été démontré, dans un article de Moammar Atwi pour "Al-Akhbar".

Selon Atwi, les pays européens, surtout, les pays endettés, comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce, qui totalisent les trois-quarts des importations de pétrole iranien en Europe, "ne sont pas encore certains de pouvoir trouver une alternative appropriée au pétrole iranien de bonne qualité et doutent, aussi, de la capacité de Riyad à tenir son engagement de hausse de production". L’obsession de sanctionner l’économie iranienne a grande chance "d’endommager, encore, davantage l’économie européenne, en difficulté", si le prix du pétrole augmente, comme c’est prévu.

Mais l’Iran est-il faible, sur le plan intérieur ? Quand nous avons demandé à Escobar, dans un Email, si les nouveaux développements indiqués par Reuters modifiaient son analyse, il a répondu : "Il est certain que les élites iraniennes peuvent [s’accommoder de] n’importe quelles sanctions —comme elles le font, depuis des années. Les Iraniens, qui ont accumulé une longue expérience des sanctions et des embargos, depuis 1979, ont peu de chance de laisser les sanctions nuire à leur développement économique, sans réagir.

Djavad Salehi-Isfahani, un professeur d'origine iranienne de "Virginia Tech University", aux Etats-Unis, a fait remarquer, dans son blog, que, grâce aux sanctions "la politique économique s’est améliorée, en Iran." Selon lui, la Banque Centrale iranienne a convaincu le Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, de relever, notablement, les taux d’intérêt, pour augmenter les dépôts bancaires et empêcher l’inflation, ce qui constitue un changement de politique majeur du gouvernement..

Selon les prévisions économiques de la Banque Mondiale de 2012, on s’attend à ce que la croissance économique de l’Iran persiste, en dépit des sanctions, pendant l’année en cours, et la suivante. Selon la Banque Mondiale, cela est dû au fait que "la réorganisation du système des subventions et de transferts de liquidités, pour un meilleur équilibre des remboursements et des recettes fiscales, est vue d’un bon oeil, par les observateurs extérieurs".

Plus étonnant, les agences d’information ont rapporté que le "Fond Monétaire International" (FMI) avait classé l’Iran au rang "de la 17ème plus grande économie du monde", c’est à dire, devant l’Australie, l’Arabie saoudite, la Pologne et l’Argentine. Selon les données économiques interprétées par les principales institutions financières occidentales, l’Etat iranien ne semble pas décliner, en dépit de décennies de sanctions et d’embargos.

Mais qu'en est-il de l'image de l'Occident, en Iran? les Iraniens sont, parfaitement, conscients des machinations occidentales. La classe ouvrière iranienne, qui, il y a peu, applaudissait Obama, le rend, désormais, responsable des sanctions et de la pénurie croissante. Le programme nucléaire est, en fait, une source de fierté nationale. l’approche agressive des Etats-Unis et de l’Europe, ne rallie personne, en Iran. Cela prouve, une fois de plus, que tous ces mauvais [politiciens] ne comprennent rien à la culture persane, ni à la mentalité [persane]."

"Le but des sanctions est de mettre la pression sur l’Iran, pour qu’il revienne à la table des négociations," a dit Catherine Ashton, la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique sécuritaire, après que la dernière série de sanctions eut été mise en place. Il faut analyser cette déclaration à la lumière du rejet des Etats-Unis et de l’UE de l’ingénieux accord signé par la Turquie et le Brésil, à Téhéran, en 2010, sur un échange d’uranium faiblement enrichi contre du combustible.

D’ailleurs, Vali Nasr, un ancien conseiller du Département d’Etat d’Obama a noté, dans un interview avec les Affaires étrangères qu’en fait, ce sont les Etasuniens qui ont, toujours, catégoriquement, refusé de négocier et qui se sont entêtés, dans une escalade, qui pourrait, facilement, tourner en guerre régional destructrice. De fait, Glenn Greenwald, dans un article pour Salon, a montré que les médias et les politiciens étasuniens avaient, intentionnellement, déformé l’image de l’Iran et l’avaient présenté, comme "la racine de tous les maux" et, donc, une menace existentielle aux Etats-Unis, afin d’alimenter une atmosphère d’hystérie.

Les Etats-Unis et l’UE font semblant d’accorder de l’importance à la diplomatie, mais, en réalité, ils poursuivent une politique, qui se rapproche, dangereusement, du "changement de régime". Au cours des deux dernières années, cette politique est devenue de plus en plus agressive et se manifeste, par des attaques cybernétiques, l’envoi de drones, dans l’espace aérien iranien, et la permission donnée à Israël de financer et d’armer les Mujahedin-e Khalq (MEK) (Monafeghin), pour assassiner des savants iraniens. De plus, Israël ne cesse de menacer l’Iran de le bombarder, ce qui n’aurait pas, seulement, pour conséquence, de retarder l’enrichissement d’uranium, mais plongerait la région dans la guerre.Les sanctions sont, finalement, contre productrices pour les Américains et les Européens, et révèlent leur manque de volonté politique d’imaginer des solutions diplomatiques, pour sortir de l’impasse. Qui plus est, on peut y voir un signe que leur pouvoir sur le monde diminue et qu’ils sont de plus en plus déconnectés des positions du reste du monde. Mais l’image d’un Iran isolé n’en continue pas moins de prévaloir, dans les capitales d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale, portant, en elle-même, les germes d’un désastre universel.


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