publié le 08/04/2011 à 16:48
Alassane Ouattara se présente comme "le président de tous les Ivoiriens", mais sa légitimité risque d'être entamée par l'intervention en sa faveur des soldats français de la force Licorne.
Les forces d'Alassane Ouattara, arrivées il y a une semaine dans Abidjan pour tenter de chasser du pouvoir Laurent Gbabgo, ont isolé le président sortant dans sa résidence de Cocody après avoir tenté en vain de le capturer.
Les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), fidèles au président reconnu par les Nations unies, ont été soutenues dans leur offensive par les hélicoptères de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) et de l'armée française qui ont détruit des stocks d'armes lourdes des pro-Gbagbo.
Ce soutien aérien a sans doute fait basculer la situation militaire en faveur de Ouattara mais il pourrait aussi conforter les millions de partisans de Gbagbo qui voient l'ex-Premier ministre comme un valet de l'ancienne puissance coloniale française.
"Ouattara devait déjà faire face à pas mal de controverses mais le fait d'être installé grâce à une intervention conduite par les Français ne présage rien de bon quant à sa capacité à réconcilier un pays divisé", estime Mark Schroeder, du cabinet Stratfor, spécialisé dans le risque politique.
Un point de vue partagé par Martin Roberts, expert auprès du groupe IHS Global Insight, pour qui une trop grande dépendance de Ouattara envers les Occidentaux pourrait valoir une "crise de légitimité au nouveau régime".
La France assure agir à la demande des Nations unies afin de protéger les populations civiles. Son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a dit cette semaine que Paris n'avait pas l'intention de "s'incruster" en Côte d'Ivoire.
Au pouvoir depuis 2000, Laurent Gbagbo a obtenu près de 46% des voix - dont une bonne partie à Abidjan - lors du second tour de l'élection présidentielle du 28 novembre, contre 54% à Alassane Ouattara, selon les résultats annoncés par la commission électorale ivoirienne et certifiés par l'Onu.
Gbagbo, qui rejette un résultat selon lui invalidé par des fraudes dans le Nord du pays majoritairement pro-Ouattara, accuse depuis longtemps son adversaire d'être un étranger à la solde de la France.
Né en 1942 dans le centre de la Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara est un Dioula, l'une des deux ethnies du Nord avec les Sénoufos, de confession musulmane. Son épouse est française.
Il a fait ses études primaires et secondaires en Haute-Volta, devenue depuis le Burkina Faso, avant de partir aux Etats-Unis où il a obtenu un doctorat en économie.
Premier ministre du président Félix Houphouët-Boigny entre 1990 et 1993, il a été ensuite directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) de 1994 à 1999, année où la polémique aux accents xénophobes entre "Ivoiriens à 100%" et "étrangers" à l'"ivoirité" douteuse, qui le visait en particulier, a fait basculer le pays dans l'affrontement.
"Une partie de la propagande nationaliste que Gbabgo a déversée sur les ondes a semblé se justifier quand Ouattara a dû s'appuyer sur une armée étrangère pour son assaut final pour le contrôle d'Abidjan", note Joseph Lake, analyste à l'Economist Intelligence Unit. "Cela fragilise à l'évidence sa position."
Un autre dossier risque de miner la légitimité de Ouattara, celui d'atrocités imputées à son camp dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, où l'Onu a comptabilisé des centaines de morts au moment de l'offensive éclair menée par les forces pro-Ouattara du nord vers le sud du pays il y a dix jours.
Alors que les forces de Gbagbo ont été accusées de la plupart des exactions commises depuis l'élection - les violences postélectorales auraient fait au moins 1.500 morts - le Comité international de la Croix-Rouge a annoncé la découverte de 800 corps dans la ville de Duékoué.
L'ancien Premier ministre a condamné ces massacres jeudi soir et promis la création d'une commission nationale d'enquête et des sanctions lourdes contre les auteurs de ces crimes.
Par Reuters
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