Par Alain CAPPEAU
Mesdames et Messieurs les avocats de Laurent GBAGBO
Dans le procès à venir de Laurent GBAGBO devant la CPI, dont le dénouement nous préoccupe tous, il ne suffira pas de chercher et d’énoncer une vérité transversale à sa situation, mais d’emporter l’adhésion des juges. Il s’agira, non de convaincre mais de persuader. Nous allons être confrontés à l’art de la discussion polémique, qu’on qualifie d’éristique, à savoir que chaque partie va soutenir une thèse et tenter de détruire la thèse adverse. Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que dans ce procès nous seront autant dans la controverse dialectique que dans le pur droit, c’est dire si les expertises à produire seront plus à rechercher du côté de la rhétorique que du côté du droit, à l’exception du droit constitutionnel.
Pourquoi opter pour ce positionnement !
Tout simplement parce que les fondements de l’inculpation de Laurent GBAGBO reposent sur de la mauvaise foi, sur du mensonge et de la dénégation. L’accusation à été finement élaborée à partir d’une construction basée sur un raisonnement déductif qui dit, « qu’étant donné que le Président GBAGBO a perdu les élections présidentielles et qu’il a refusé de laisser son fauteuil au vainqueur, il s’est rendu, dans les affrontements qui en suivirent, coupable de crimes contre l’humanité ». Cette vérité assertorique doit être transformée en vérité apodictique, à savoir qu’elle doit être en accord avec une évidence de droit et non de fait, et là, à mon sens les experts en constitutionnalité, comme les experts en rhétorique, doivent intervenir en première ligne.
En effet si le fait d’avoir gagné ou pas les élections présidentielles dans les urnes, qui retourne de jugements énoncés sur de la réalité subjective, puis articulés en des raisonnements logiques, suppose que deux vérités contestables et opposables restent en suspens, l’investiture du Président GBAGBO du 4 Décembre 2010, elle ne souffre en droit d’aucune irrégularité. La Côte d’Ivoire de Laurent GBAGBO ayant été un pays de droit, une démocratie, membre de l’Organisation des Nations Unies, reconnu par les institutions de Bretton Woods (et invité du reste à ces titres par le Président OBAMA peu après son élection à la maison blanche), peut se prévaloir rétroactivement, d’une prérogative inaliénable attachée à un Conseil Constitutionnel disant solennellement le droit comme dans tous les pays dits civilisés ! En la matière il n’existe aucune règle ni loi de subrogation au monde qui pourrait venir altérer, dans un pays de droit, les fonctions incessibles d’un organe institutionnel démocratiquement établi. Je dis que :
Les fonctionnalités d’un Conseil Constitutionnel quel qu’il soit, dans l’espace de reconnaissance démocratique évoqué ci-dessus, entrent avec justesse dans les trois principes philosophiques fondamentaux évoqués ci dessous qui définissent une cohérence d’actions.
Premier principe, celui d’IDENTITE. Une chose est ce qu’elle est, le Conseil Constitutionnel est ce qu’il est défini comme étant, dans un schéma de règlementation constitutionnelle Internationale.
Deuxième principe, celui de CONTRADICTION. Une chose ne peut pas, être et ne pas être en même temps, ce qui signifie qu’il n’y a pas contradiction lorsqu’une même chose
est jugée, soit en des moments différents, soit sous des points de vue différents. Cela dit dans une immuabilité de situation, on ne pourra pas juger le Conseil Constitutionnel d’avant les élections, autrement que celui d’après les élections, et inversement.
Troisième principe, celui du TIERS-EXCLUS. Une chose est ou n’est pas. Le Conseil Constitutionnel existe ou pas, il existait avant les élections avec un président et ses
membres nommés, sans avoir été contesté, il continue d’exister après les élections, avec son même président et ses mêmes membres nommés, sans pouvoir être contesté. Ces trois principes n’étant au final que trois formulations d’une seule exigence : définir la vérité comme étant l’adéquation de la chose et de l’intellect. ( adaequatio rei et intellectus)
Alors Mesdames et Messieurs les Constitutionnalistes et autres experts en rhétorique, fourbissez vos vices de procédures et déconstruisez cet entrelacs de forfaitures échafaudé à dessein par des conspirateurs puis accepté de bon aloi, par une opinion publique subjective et capricieuse, qui entrave la liberté d’un homme et de son peuple.
Mesdames et Messieurs les avocats de Laurent GBAGBO
Je n’ai pas de conseils à vous donner car je respecte trop le professionnalisme des uns et des autres, pour autant que celui-ci ait montré son efficacité. Ne vous connaissant pas plus que cela, je poserai en hypothèse que votre efficacité est acquise jusqu’à preuve du contraire. Je raisonne donc ici par l’absurde. Tenter de prouver, la non culpabilité de Laurent GBAGBO par rapport à ce qu’on lui reproche serait déjà d’une certaine manière en accepter l’augure, il conviendra plutôt de défendre le fait qu’il n’a rien à faire à la CPI. A la CPI vous serez devant le tribunal des consciences qui doit accepter qu’au-delà des règles de droit il existe également des règles dites de loi de nature, dites de bon sens, immuables, qui s’assimilent à des lois morales. Laurent GBAGBO a toujours été autant un homme de droit qu’un homme de loi de nature, il évoquait régulièrement, en citant Hobbes, celle qui expose « ..qu’il faut pardonner les fautes passées à celui qui s’en repent et qui en demande pardon, en prenant toutefois des assurances pour l’avenir ; le pardon du passé ou la rémission de l’offense n’est autre chose que la paix qu’on accorde à celui qui la demande». Dans la continuité de cette logique, je ne résiste pas à faire ici un petit aparté en citant les propos que Laurent GBAGBO tenait lors du forum de la réconciliation du 13 Novembre 2001, auquel j’assistais.
« Pour Alassane OUATTARA, je regrette aussi qu’il ne soit pas venu. Il est un cas d’école. Son cas est un cas d’école, dans la vie politique en Côte d’Ivoire, mais aussi en Afrique et dans le monde. Son cas est devenu un cas de passion. Quand tu dis Alassane Ouattara on te gifle. On ne sait pas encore ce que tu vas dire mais on te gifle déjà. J’aurai souhaité qu’il vienne et qu’on parle. Dans l’éducation que j’ai reçue on ne dit pas, pour que je vienne me réconcilier, il faut que mon problème soit résolu d’abord. Mais c’est parce que ton problème n’est pas résolu qu’on dit de venir te réconcilier. Si ton problème était résolu il n’y aurait pas de réconciliation. Je regrette vraiment qu’il ne soit pas venu, mais chacun marche selon son destin, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour qu’il vienne »
Chacun décryptera bien ce qu’il voudra au travers de ces propos, moi je fais ici deux remarques :
La première, c’est que Laurent GBAGBO, disciple d’un Socrate qu’il a étudié dans sa jeunesse Lyonnaise compose parfaitement avec cette rhétorique qui manie les lois de nature fondées sur une logique comportementale qui replace l’homme au centre du système.
La deuxième, c’est que M OUATTARA n’a pas voulu de réconciliation, et on s’en est aperçu dix mois plus tard, nous étions alors en Septembre 2002 ! Il n’a pas voulu de réconciliation parce que la réconciliation ne faisait pas partie du scénario conspirationniste que j’ai déjà évoqué dans un article précédent. Il y a donc eu deux histoires, l’officielle et la secrète, et c’est bien de celle-là qu’on parle aujourd’hui à La HAYE, la secrète ! Or donc, le parquet va accuser de faits réels ou inventés et la défense cherchera aux travers de plaidoiries issues d’investigations, à prouver que ces faits sont erronés. Nous dans le cas de Laurent GBAGBO l’affaire est un peu plus compliquée. En effet, à la manière d’un plat de lasagnes, on a empilé de fausses données entre deux couches d’officialisations de ces données jusqu’à considérer comme vraies les accusations dont il est aujourd’hui la cible, pour au final en oublier le pourquoi et le comment de sa situation.
Tout ça parait un peu alambiqué, mais c’est un fait. Il suffit d’être un peu analytique et l’explication se fait jour d’elle-même. Nous sommes donc confrontés à une injustice « banale » aux lourdes conséquences pour un homme et sa famille certes, mais également pour un pays. Cette injustice littéralement « fait injure » au droit, elle est dite « sine jure » c’est-à-dire hors de tout droit, et il faudra donc en tirer les conséquences devant le tribunal du monde, au vu et au su de tout le monde.
Si l’on doit revenir, lors de la défense de Laurent GBAGBO devant la CPI sur le recomptage des voix demandé par celui ci, on l’évoquera sans plus parce que sur ce sujet il sera possible de tenir deux vérités, donc deux discours opposés. On précisera toutefois que d’autres pays tels que les USA avaient recouru en son temps au recomptage des voix, créant ainsi une jurisprudence. En Côte d’Ivoire cette demande à été rejetée par M OUATTARA. Pourquoi ? Un pourquoi suffira, dans la mesure où en parlant dejurisprudence, même dans un droit coutumier, tout est dit.
S’il apparait cependant nécessaire d’aller plus loin dans cette thématique de recomptage de voix, il sera judicieux d’avoir également un raisonnement polémique argumenté, en partant du postulat que tricher dans l’absolu est un acte dommageable et répréhensible, et peu importe si la tricherie porte sur une ou deux cent mille voix ! « Ce n’est pas de la chose convoitée par mon larcin mais du larcin même et du péché que je voulais jouir » disait Saint Augustin en précisant que c’était pour le plaisir de voler qu’il volait. Il n’y a pas de tricherie mineure, il y a tricherie, nous revenons là au principe d’identité évoqué ci-dessus : Une chose est ce qu’elle est !
Une fraude est donc une fraude qui doit être punie par la loi et qui doit remettre en question le processus qu’elle a entaché. En comptabilité, par exemple, si on se trompe, ne serais-ce que d’une décimale le calcul sera faux, il faudra recompter sinon les comptes ne seront pas approuvés par le commissaire aux comptes ! En côte d’Ivoire « le commissaire aux comptes » était également un tricheur, là on a touché les abysses de la perversité!
Cette fraude électorale licencieuse, a été de surcroit amplifiée par des « Tiers Excitants » dont la fonction a consisté à accroitre les arguties et ainsi valider les pièges tendus par le tricheur. Dans le cas d’espèce qui nous concerne, les tiers excitants, véritables noyaux pervers, parasites et corrupteurs, ont été l’ONUCI, la CEI et bien entendu les gouvernements étrangers, directement ou par l’intermédiaire de leur ambassadeur, qui ont assénés ultimatums sur ultimatums, en imposant à Laurent GBAGBO de quitter le pouvoir. Ces Tiers Excitants auront par la suite endoctrinés via leurs médias, des masses d’écervelés séduites par l’illusion de se sentir témoin citoyen de faits monstrueux dont ont les a gavées. Simultanément à la défense de ce raisonnement polémique argumenté, portant sur l’usurpation d’identités de citoyen, via des experts en éristique, il conviendra de revenir à nouveau sur, la non considération des saisines déposée dans les règles de l’art par Laurent GBAGBO auprès du Conseil Constitutionnel, concernant les plaintes et demandes de recours. Là également, en droit constitutionnel il y a matière à saliver !
Si la démonstration est faite que Laurent GBAGBO lors de son arrestation du 11 Avril 2011 était bel et bien le Président en exercice, alors la saisine de la CPI par, de fait, un « Président » usurpateur deviendrait nulle et non avenue.
En conclusion
Mesdames Messieurs les avocats de Laurent GBAGBO, nous savons que vous devez « jouer le jeu » de la procédure enclenchée sur du mensonge. On vous a amené dans un cul de sac judiciaire, en vous demandant d’apporter la preuve, de la non responsabilité de Laurent GBAGBO. Or, vous pourrez difficilement prouver que ce qui s’est passé ne s’est pas passé.
Reste donc à savoir de quels ressorts dépendait ce qui s’est passé, car bon droit courant à besoin d’aide : Du ressort d’un chef d’Etat légitiment élu, si ce n’est par les urnes (parce que personne ne s’entend sur les calculs, même en ayant prouvé les fraudes, et en ayant déposé les recours officiels) au moins par un Conseil Constitutionnel installé, jamais contesté.
Du ressort d’un possible perdant dans les urnes, qui constitutionnellement parlant ne pouvait pas se faire investir par le même Conseil Constitutionnel qui avait déjà adoubé un premier Président. Il eut fallu, pour être cohérent dans une démarche Machiavélique dissoudre cet organe Institutionnel et manu militari en nommer un autre, qui alors aurait eu une forme de« légitimité »pour investir un nouveau Président, c’est comme cela que procède tout dictateur en herbe, dixit le manuel du petit despote.
Alain CAPPEAU
Conseiller du Président Laurent GBAGBO
Nommé par décret N 2007584 en date du 21 Septembre 2007.
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