mardi 24 janvier 2012

J’ai vécu les évènements de Yopougon: Attention, jeu dangereux !


Meeting du 21-01-2012. 4
Qu’est-ce que notre pays est devenu ? Quel avenir ceux qui le dirigent aujourd’hui comptent-ils lui bâtir ? Avec qui veulent-ils bâtir la Côte d’Ivoire que nous voulons tous nouvelle et modèle ? Peuvent-ils au moins reconnaître que les vingt millions que nous sommes ne peuvent pas tous encenser et adorer le roi de la même façon, et que cela soit notre droit le plus absolu ?
Ce qui nous a été donné de voir ce samedi 21 janvier 2012 à la place FICGAYO n’augure pas d’un meilleur avenir pour notre pays. Nul n’a besoin d’être prophète pour le dire et ces questions sont extrêmement importantes pour attirer l’attention des gouvernants actuels sur l’orientation politique qu’ils veulent donner à notre pays.

L’heure est véritablement grave. Le disant, je n’exagère pas. En quoi un meeting qui se tient dans un endroit facilement contrôlable peut-il être dangereux pour que des militants d’un autre parti, visiblement manipulés et actionnés, puissent venir avec armes, gourdins, pierres et machettes, le menacer, l’agresser, l’interrompre brutalement et même y tuer un manifestant ?

Ce qui s’est passé ce samedi 21 janvier 2012 à Yopougon est très grave ; il aurait pu être encore plus dramatique n’eût été la sagesse des organisateurs et des militants rassemblés qui ont préféré se replier que de riposter pour survivre, en situation de légitime défense. Ces hordes de jeunes surexcités qui ont agi en vandales incontrôlables n’ont certainement pas le monopole de la violence.

En tout homme se trouve inscrite la violence qu’il exprime ou non selon l’éducation reçue. A quoi ressemblerait notre pays si les vingt millions que nous sommes, par faute d’éducations, exprimions tous en même temps notre violence ontologique ou même atavique de la façon la plus barbare ? Les gouvernants actuels, volontairement ou non, me semble-t-il, sont en train de prendre un virage dangereux qui risque d’embraser pour de bon notre pays qui peine à sortir de son traumatisme apocalyptique. Les germes d’une telle déconvenue et de la désintégration s’installent subrepticement mais visiblement dans notre pays. Prenons garde pour ne pas mourir comme des idiots et des sauvages. La politique est un jeu et ceux qui la pratiquent doivent en appliquer les règles.

Elle est un jeu de paroles et d’actes. On ne la pratique pas avec les pierres, les machettes et les bois. Et là où il y a la parole et des actes, il y a toujours et nécessairement de la contradiction forcément utile. Deux personnes qui vivent ensemble se contredisent toujours en actes et paroles, a fortiori vingt millions de personnes. Un rassemblement qui a été autorisé en bonne et due forme ne devrait pas subir un tel sort si ces jeunes gens n’avaient pas derrière eux des sponsors de poids qui sont allergiques au débat d’idées et à la contradiction. Ne jouons pas avec le feu qui couve encore. Les armes que nous utilisons et sur lesquels nous comptons pour bander nos muscles en face de l’adversaire n’apportent qu’une gloire éphémère. Jusque à quand ceux à qui on refuse la parole et les rassemblements peuvent-ils se patienter ? Jusqu’où ceux qui leur refusent l’expression démocratique eux-mêmes peuvent-ils pousser leurs pions ?

Je crois, à moins de me tromper, qu’il y a encore des sages dans ce pays qui peuvent nous parler et que nous pouvons encore écouter. Peut-être est-il temps qu’ils commencent à nous parler pour que le feu qui couve ne se rallume pas. Si les gouvernants d’aujourd’hui demeurent dans leur logique de vainqueurs arrogants et impitoyables, le pire n’est pas loin. De l’autre côté, si les autres continuent de se voir traiter comme des vaincus complexés et damnés, pour une guerre dont ils ne sont pas les responsables, nous risquons un affrontement dangereux. Alors, que ceux qui ont encore de l’autorité morale dans notre pays, et Dieu seul sait combien il y en a, nous parlent sans peur et sans parti pris. Hommes religieux (cardinal, archevêques, évêques, prêtres, pasteurs, prophètes, évangélistes, apôtres, imams, komians), société civile, autorités traditionnelles, sages de nos villes et villages, parlez-nous pour que nous ne mourions pas tous. Parlez-nous pour que notre pays ne sombre plus dans le désastre. Parlez à nos gouvernants pour qu’ils comprennent qu’on ne trie pas ceux qu’on gouverne et que tous, nous ne sommes pas obligés d’aller dans leur sens. Parlez à nos opposants pour qu’ils comprennent qu’ils doivent s’opposer démocratiquement selon les règles établies dans notre pays.

En ces temps qui courent, votre parole est sacrée ; elle est une denrée rare. Elle est même divine. Donc elle peut et doit forcément nous interpeller et porter des fruits. Nous avons le devoir de vous écouter parce que vous êtes les messagers de Dieu auprès de nous pour nous apprendre à vivre dans une civilisation de l’amour, donc comme des humains, des frères et des sœurs qui quoique différents s’aiment. Un sage n’est jamais peureux. Il est toujours courageux et sait parler à ses enfants qui ont l’obligation de l’écouter. Alors, sans crainte, parlez-nous. Car nous sommes en train de jouer dangereusement avec le feu. Ses flammes risquent d’envahir pour de bon notre pays.

Le fil tenu de notre solidarité ivoirienne risque de se casser pour n’avoir pas écouté les sages. Nos logiques guerrières ne présagent pas d’un futur certain, serein et radieux. Que nous arrivera-t-il encore demain si vous vous taisez sur notre sort d’aujourd’hui ? Quels comptes allez-vous rendre à nos Ancêtres si vous refuser de nous parler maintenant ? Dites seulement une parole et nous et notre pays serons guéris et sauvés.

Une contribution du Père Jean K. (Témoin de la barbarie du 21-01-2012 à Yopougon)

Source : Infodabidjan

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