mercredi 25 mai 2011

Le rapport d'Amnesty International relance la polémique sur le rôle de la France dans l'arrestation de Laurent Gbagbo


Le rapport d'Amnesty International relance la polémique sur le rôle de la France dans l'arrestation de Laurent Gbagbo



Photo : DR
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Ce 24 mai 2011, l'ONG de défense des droits de l'homme Amnesty International a publié un rapport sur les violations des droits de l'Homme perpétrées ces derniers mois en Côte d'Ivoire, en PDF ici. Un rapport précieux et relativement équilibré qui remet en cause la thèse médiatique du "monstrueux Gbagbo qui massacre son peuple" et de "l'angélique Ouattara magnanime et soucieux d'éviter les règlements de compte". En plusieurs posts, je tenterai de le "décortiquer", sans prétendre à l'exhaustivité. 

Première remarque rapide. Le rapport va faire rebondir la polémique sur le rôle de la France. Son rôle militaire d'abord. Paris a toujours prétendu ne pas avoir participé à l'arrestation de Laurent Gbagbo, n'avoir jamais franchi les grilles de la Résidence présidentielle. Or un témoin direct interrogé par Amnesty International explique qu'ils étaient bien là, au moins dans la cour de la Résidence présidentielle, et qu'ils ont été des témoins passifs de mauvais traitements des FRCI sur les personnes se trouvant aux côtés du chef de l'Etat renversé. Extraits. 

« [Un] témoin a raconté comment certains partisans de Laurent Gbagbo avaient été frappés par des éléments des FRCI, dans la cour de la résidence présidentielle, après leur reddition. « Ils se sont mis à frapper les hommes et les femmes avec des bouts de bois et avec leurs crosses. D’autres les filmaient et les prenaient en photo comme des bêtes de foire. Il y avait des soldats français de la Force Licorne qui se trouvaient devant la résidence dans leurs véhicules ou dans leurs chars et ils ne sont pas intervenus. Ils étaient là comme quand on est au cinéma et qu’on regarde un film. Une jeune femme qui était en train d’être battue a tendu la main vers un soldat français qui a détourné le visage ». 
Ce témoin a précisé que les forces françaises ont ensuite soigné certains des blessés et les ont rassurés. « Lorsque des soldats des FRCI ont menacé certaines personnes de les emmener vers le camp d’Anyama pour les tuer ou les violer, les soldats français ont dit : ‘La protection des autorités [à savoir de Laurent Gbagbo et de ses proches partisans], c’est de notre responsabilité ». 

Ce témoignage, qui n’évoque que de manière incidente le rôle des soldats français, infirme totalement le « scénario » vendu par France 2 sur la base d’images tournées par les FRCI où les derniers chars français vus n’ont pas franchi le portail qui a été « explosé » à coups de canon. 

Le rapport d’Amnesty nous offre également un témoignage sur l’assassinat du ministre Désiré Tagro, et du rôle ambigu qu’a joué l’ambassadeur de France à Abidjan, Jean-Marc Simon, dans l’enchaînement macabre des faits. 

« Désiré Tagro était en discussion avec l’ambassadeur de France pour convenir des modalités de la reddition de Laurent Gbagbo et de ses proches. Désiré Tagro est sorti avec un drapeau blanc mais on lui a tiré dessus sans le toucher. Il est revenu et a rappelé l’ambassadeur pour lui demander que les tirs cessent. Lorsque nous sommes sortis, j’ai vu que Désiré Tagro était blessé à la mâchoire ». Désiré Tagro est décédé, dans la soirée, des suites de ses blessures. Lors d’une rencontre avec les délégués d’Amnesty International, le 19 avril 2011, des responsables de l’ONUCI ont précisé que, suite à une demande des FRCI, ils avaient évacué M. Tagro vers leur antenne médicale. Cependant, faute de chirurgien disponible, ils l’avaient ensuite transféré à la Polyclinique internationale Sainte Anne-Marie (PISAM) à Cocody où il est décédé ». 

Selon toute évidence, Jean-Marc Simon a donné à Désiré Tagro des garanties qui se sont avérées dérisoires. L’on épiloguera longtemps sur le contrôle qu’il pouvait avoir sur les combattants des FRCI qui ont mené l’opération conjointement avec les Forces spéciales françaises, sur les auteurs des rumeurs folles ayant évoqué la thèse d’une tentative de suicide totalement aberrantes, et sur le fait qu’alors qu’il était visiblement en très mauvais état, l’ancien ministre de l’Intérieur de Laurent Gbagbo n’a pas directement été conduit dans une structure hospitalière à même de lui sauver la vie. 

Théophile Kouamouo
Mercredi 25 Mai 2011

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