dimanche 19 juin 2011

L'OTAN travestit la réalité en Libye


Kirsan Ilioumjinov et Mouammar Kadhafi jouant aux échecs

"Avez-vous demandé l'autorisation de l'OTAN pour vous rendre à Tripoli?", a demandé à Kirsan Ilioumjinov un journaliste occidental lors d'une conférence de presse. Bien sûr, il était possible de répondre: "Est-ce que vos parents vous autorisaient à être impolis?" Mais cela n'aurait pas été diplomatique. "Le règlement du président de la Fédération internationale des échecs (FIDE) ne stipule pas qu'il est nécessaire d'informer l'OTAN." Sans préambule particulièrement recherché, Ilioumjinov a déclaré: "Le gouvernement libyen est prêt à négocier. Dès maintenant il est prêt à s'assoir à la table des négociations avec les dirigeants de l'OTAN et avec ceux qui se trouvent à Benghazi." 

En ce qui concerne "l'autorisation" de l'OTAN, la question est digne d'intérêt. Sur le plan informationnel, aujourd'hui la Libye est une terra incognita, elle ne peut pas utiliser ses satellites, et les médias libyens ne sont pas diffusés à l'étranger, même dans les pays voisins les plus proches. Ce vide a été comblé par les rapports officiels et bravaches des politiciens et des généraux de l'OTAN. En ce qui concerne les "reportages en direct" des médias étrangers, il s'agit généralement d'un texte adapté par les rédactions aux images parvenant depuis les lieux des événements. Et le sens des événements est souvent altéré au point de ne plus du tout correspondre à la réalité. En d'autres termes, une machine de propagande en a remplacé une autre. D'autre part, en Libye toutes les chaînes occidentales et russes fonctionnent. Selon Ilioumjinov, les Libyens rient lorsqu'ils entendent les "salades" occidentales. 

Dans une interview exclusive accordée à l'envoyé spécial du magazine Mejdounarodnaïa jizn (Vie internationale), qui a accompagné le président de la FIDE dans ce voyage, ce dernier a déclaré: "J'ai traversé la moitié du pays, j'ai vu des villes et des villages qui, selon les médias occidentaux, était "occupés par les rebelles", et où, soi-disant, "des combats violents avaient lieu." Et à ce moment précis nous étions à ces endroits! Et lorsqu'on revenait vers la frontière tunisienne, les médias occidentaux annonçaient que la ville de Zaouïa était "occupée par les rebelles", or nous l'avons traversée et il n'y avait aucun combat!" Bien sûr, la résolution de l'ONU n'avait pas du tout prévu le blocus de l'information en Libye. Qui plus est, la censure. 

Le tableau objectif des événements en Libye contredit foncièrement les communiqués triomphants de l'OTAN. Finalement, tout s'est réduit au fait que l'OTAN pousse à agir ceux qu'on appelle les rebelles, et ces derniers répondent invariablement: "Bombardez plus, bombardez encore!" En prenant partie pour les rebelles, l'OTAN provoque l'exacerbation de la guerre civile et n'est absolument pas intéressée par la paix civile tant que Kadhafi n'est pas balayé de l'échiquier politique. 

Désormais, il est clair que les priorités initiales de l'OTAN n'étaient pas la paix et la sécurité de population civile, mais seulement la réalisation d'objectifs politiques. C'est la raison pour laquelle il n'y aura aucune réponse à la volonté de Kadhafi de commencer les négociations immédiatement après la cessation des raids aériens. Les alliés ont besoin d'une guerre avec une fin victorieuse. 

Kirsan Ilioumjinov a vu les hôpitaux et les immeubles en ruines. Et il a trouvé en lui le courage d'exprimer sa compassion à Kadhafi pour la mort de ses petits-fils âgés de 2 ans, et de sa petite-fille de 2 mois, qui avaient été tués pendant un bombardement de la capitale libyenne. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que l'opération actuelle fait couler le sang des enfants libyens, ce qui aurait dû attirer l'attention de la Cour pénale internationale. Ou une nouvelle fois on mettra tout sur le dos de la résolution des Nations Unies? 

Lors de l'entretien avec Kirsan Ilioumjinov, Kadhafi a fait allusion aux dessous économiques de l'opération. 160 milliards de dollars, toutes les réserves monétaires de la Libye ont été gelées sur les comptes étrangers. "J'ignore pourquoi tout le monde dit que cet argent appartient à Kadhafi. Ce n'est pas l'argent de Kadhafi, il appartient à la Banque centrale nationale, aux entreprises publiques, à la population libyenne! Si ces 160 milliards sont nécessaires pour renforcer l'euro, pour le règlement de leurs problèmes, qu'ils le disent!" 



"J'ignore pourquoi tout le monde dit que cet argent appartient à Kadhafi. Ce n'est pas l'argent de Kadhafi, il appartient à la Banque centrale nationale, aux entreprises publiques, à la population libyenne! Si ces 160 milliards sont nécessaires pour renforcer l'euro, pour le règlement de leurs problèmes, qu'ils le disent!" 


On sait qu'à une époque la Libye a abandonné l'élaboration d'armes de destruction massive, nucléaires, chimiques, bactériologiques, ainsi que la fabrication de fusées-porteuses. Kadhafi a déclaré à Ilioumjinov que les fonds économisés ont été notamment alloués à la construction des voies ferrées, dont l'appel d'offres a été remporté par la Russie. Puis Kadhafi a ajouté: "Quel exemple l'OTAN montre actuellement aux pays tels que la Corée du Nord, l'Iran et autres? Que la force appartient à celui qui possède des armes? J'ai été contraint d'abandonner la production de ces armements. Et aujourd'hui, la Libye est bombardée. S'avère-t-il que tel est le sort des Etats petits et faibles?" 

Selon Kirsan Ilioumjinov, Kadhafi paraissait lucide, la rencontre ne s'est pas tenue dans un bunker et son interlocuteur n'avait pas l'air d'un homme préoccupé par son propre sort. Mais l'amertume de la perte de ses proches était évidente: "Je sais que j'ai été condamné à mort avec mes proches et parents. Mais quel tort une fillette avait-elle fait à l'OTAN?" 


Armen Oganessian 

RIANOVOSTI

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