par La Majorité Présidentielle Gbagbo, lundi 30 mai 2011, 22:21
Il se passe des choses bizarres dans « la Côte d’Ivoire rassemblée » de l’après crise électorale. Le nouveau régime en place, le chef de l’Etat lui-même en tête, répète, à l’envie, que la guerre est terminée. Qu’il faut tourner la page. Qu’il n’y aura pas de place pour la vengeance. Qu’il formera un gouvernement d’union nationale. Excellentes professions de foi ! Mais, ces paroles qui invitent au pardon (même si notre nouveau président ne prononce pas beaucoup ce mot magique), sont couvertes, aussitôt prononcées, par d’autres paroles et actes qui font douter. Qui encouragent la persistance des tensions. M. Alassane Ouattara a été l’un des rares chefs d’Etat africains « invités spéciaux », la semaine dernière, au sommet du G8, groupe des huit pays les plus développés de la planète Terre. La réunion s’est déroulée à Deauville, chez Nicolas Sarkozy, le président français dont beaucoup de panafricanistes retiennent que c’est sa volonté qui a été faite, le 11 avril 2011, dans le changement de régime en Côte d’Ivoire. L’importance de la tribune offerte par cette invitation (négocier du financement extérieur pour ses promesses électorales), la qualité des participants à ce très haut sommet (certains journaux ont titré : « Ouattara, un grand parmi les grands ! »), les relations très étroites avec l’hôte du sommet (Nicolas Sarkozy qu’il tutoie, dit-on), auraient dû apaiser le cœur du nouveau président pour lui permettre d’y proclamer « la Côte d’Ivoire rassemblée », son nouveau slogan. Or, Ouattara a choisi de tonner en France : « Gbagbo ne pourra pas échapper à la prison ! ». Sans le vouloir, le nouveau chef de l’Etat ivoirien a montré un cœur non vidé des ressentiments. Il a fait planer également l’ombre du président renversé et enfermé en Côte d’Ivoire, à Korhogo, sur un sommet où il n’était pas.
Certes, personne ne reprochera à Ouattara sa volonté déclarée d’instaurer « plus de justice », de mettre fin à « l’impunité » et de permettre à la justice ivoirienne « de servir au lieu de rendre service », comme il le dit aussi. Mais en France, M. Ouattara prononçait a préféré prononcer le verdict d’un procès qui n’a pas encore commencé dans son pays. Pourtant, il n’ignore pas qu’un procès libre et équitable a plusieurs dimensions contrariantes : Présomption d’innocence, circonstances atténuantes ou prison, tout cela lié à l’intime conviction du magistrat. De ce fait, le juge peut, s’il n’est pas aux ordres, s’il n’est pas obligé de « rendre service au lieu de servir », prononcer un verdict qui peut être différent de celui que les pires ennemis de l’accusé, chef de l’Etat ou simple voisin jaloux qui réclame sa tête, attendent. Oubliant tout cela, le nouveau président ivoirien sème le doute sur sa réelle volonté de réconcilier les Ivoiriens. Il donne un troublant encouragement aux actes répréhensibles de ceux qui répondent de lui et qui l’écoutent en privé, hors des discours officiels.
Ceci explique-t-il cela, dans l’administration ivoirienne, un guet-apens inélégant est tendu aux fonctionnaires proches du président renversé. Même les militaires, gendarmes et policiers des ex-Forces de défense et de sécurité (Fds) n’y échappent pas. Répondant aux appels à reprendre le travail doublés de promesse de « réconciliation » de leurs autorités de tutelle et supérieurs hiérarchiques, de nombreux travailleurs sont arrêtés et humiliés sur leurs lieux de service. A Abidjan comme à l’intérieur du pays, dans les quartiers, villages et villes, les exactions et les tueries dirigées contre les pro-Gbagbo se poursuivent avec une rare violence.
La volonté de réconciliation est difficilement perceptible. Selon l’information non démentie qui a abondamment circulé la semaine dernière sur le net, M. Charles Konan Banny, président de la Commission « Dialogue, Vérité et Réconciliation » a participé à une tribune des intellectuels africains consacrée aux débats sur la création d’une monnaie africaine, pour des Etats moins dépendants de l’Occident. Là-bas, hors de la Côte d’Ivoire, notre « réconciliateur » en titre, ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), a revêtu une toge de procureur dans un procès à charge, sans possibilité de contradiction, contre Laurent Gbagbo. Charles Konan Banny aurait été vigoureusement contrarié, selon l’information, par des interlocuteurs panafricains mécontents de la tournure inattendue qu’il a imprimée aux débats. Mais le mal était déjà consommé : Sa sortie, qui a précédé celle du chef de l’Etat en France, les exactions perpétrées au nom du nouveau régime sont de nature à inquiéter, à troubler les plus optimistes à donner raison aux extrémistes de tous les bords.
M. Ouattara veut-il vraiment remettre les Ivoiriens à « vivre ensemble » ? A-t-il vraiment confié une telle mission à l’ancien Premier ministre Konan Banny ? Si la justice demeure, à ses yeux, le passage obligé pour une bonne réconciliation, comment compte-t-il traiter les massacres qui ont lieu depuis septembre 2002, avec l’éclatement de la rébellion ? Que réserve-t-ils aux tueries cruelles qui font enfler la polémique à Duékoué et dans tout l’Ouest ivoirien ? Que fera-t-il de ses hommes armés qui continuent « la pacification » mortelle dans Yopougon déserté par « les miliciens et mercenaires » vaincus depuis des semaines ? Vivement des réponses des actes apaisantes. Au profit de la vraie réconciliation.
C.E.
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